C'est un tournant. Pour la première fois depuis plus de quinze ans, le Maroc regardera ses enfants en conflit avec la loi autrement que par la lorgnette du tribunal. Ce regard, c'est celui de la donnée, de la nuance, de la complexité. Par le biais d'une vaste étude pluridisciplinaire sur la délinquance juvénile, notre pays ne se contente pas de dresser des statistiques. Il vient interroger les racines de ses échecs collectifs. Car derrière chaque mineur délinquant, il y a souvent un enfant victime. Victime de violences, de déscolarisation, d'indifférence. Un enfant oublié, puis jugé. Et c'est là que la justice, trop souvent, échoue à être juste, car se devant en même temps d'être coupée de l'émotionnel. En optant pour une approche restaurative, centrée sur la réparation plutôt que la punition, le Royaume rejoint enfin une tendance mondiale qui fait de la réinsertion une priorité et de l'enfermement une exception. Cette évolution n'est pas anodine. Elle implique de repenser la chaîne judiciaire, de mieux former les juges, de tisser des partenariats avec les acteurs sociaux, de replacer la famille et la communauté dans le processus. Surtout, elle implique une révolution morale. Il s'agira de s'acheminer vers une dimension où l'on considérera l'enfant non plus comme un danger pour la société, mais comme un être en danger. Mais attention, la tâche est loin d'être aisée. Il faudra du courage politique, des moyens financiers et une volonté collective pour faire vivre cette philosophie nouvelle. À l'heure où tant de jeunes s'éloignent des institutions, choisir de tendre la main plutôt que de frapper, c'est peut-être le plus beau pari qu'une société puisse se lancer à elle-même. Meriem Allam / Les Inspirations ECO