Porté par un système financier en pleine mutation, le Maroc accélère la transformation de son agriculture. Le rapport Moneywise, relayé par Les Inspirations Eco, met en lumière un modèle où financement, innovation numérique et gestion du risque climatique deviennent les leviers majeurs d'un secteur qui entend concilier souveraineté, durabilité et inclusion rurale. Le rapport Moneywise, publié en août 2025 par le Malabo Montpellier Panel, consacre une large analyse aux mutations financières qui touchent les systèmes agrifood africains. Bien que trois pays soient étudiés — le Malawi, le Rwanda et le Maroc — ce dernier se distingue par la profondeur de ses réformes et la diversité de ses instruments de financement. Les auteurs décrivent un écosystème en pleine transition, structuré autour d'une logique de résilience climatique, de compétitivité internationale et de développement territorial. Représentant 14 % du PIB en 2024, selon le Haut-Commissariat au Plan (HCP), près d'un quart des exportations nationales et la majorité de l'emploi rural, le secteur agroalimentaire constitue un pilier stratégique de l'économie marocaine. Le financement agricole ne répond plus uniquement à une rationalité productive : il devient un levier de souveraineté alimentaire, d'adaptation climatique et de dynamisation des régions rurales. Au centre de cette dynamique figure le Fonds de développement agricole (FDA), dont les interventions ont dépassé les deux milliards de dirhams, principalement pour soutenir la mécanisation et améliorer la productivité agricole à l'hectare. L'objectif est clair : rapprocher les performances marocaines des standards internationaux, tout en accompagnant les petites et moyennes exploitations dans leur montée en gamme. Lire aussi : Campagne agricole 2025-2026 : programmation de près de 5 millions d'hectares de grandes cultures d'automne Le mécanisme Tasbiq FDA, qui autorise un préfinancement allant jusqu'à 90 %, constitue l'un des instruments les plus structurants. Il réduit les délais d'accès aux équipements et sécurise les investissements avant le versement des subventions, un avantage crucial dans un contexte où la trésorerie limite souvent les projets d'innovation. En parallèle, la digitalisation des procédures administratives contribue à fluidifier l'accès aux aides. En effet, la simplification des dossiers et la transparence accrue renforcent la confiance des investisseurs et dynamisent la gouvernance financière du secteur. L'agence nationale de garantie, Tamwilcom, complète cet arsenal financier en couvrant entre 50 % et 80 % du risque de crédit. Cette approche de partage des risques facilite l'inclusion financière des jeunes agriculteurs, des coopératives et des micro-entreprises agroalimentaires, catégories souvent exclues des circuits bancaires traditionnels. Ce mécanisme s'inscrit dans une stratégie nationale visant à corriger les défaillances structurelles du marché du crédit rural et à créer les conditions nécessaires pour attirer davantage de capitaux privés. Une crise hydrique qui rebat les cartes du modèle agricole marocain La sécheresse persistante depuis 2023 place l'agriculture marocaine dans une situation critique. Les retenues de barrages plafonnent à 25 % de leur capacité, les pâturages se sont fortement dégradés et le cheptel accuse une baisse estimée à 38 %. Cette pression hydrique impose une redéfinition profonde du modèle agricole. Le financement s'oriente désormais vers des cultures tolérantes à la sécheresse – figuier, caroubier, cactus – et vers le renforcement des mécanismes d'assurance agricole. La gestion du risque climatique devient un prérequis pour mobiliser les investisseurs, publics comme privés. La montée en puissance de solutions numériques transforme également la chaîne de financement. Le FinTech Hub de Bank Al-Maghrib et le développement du scoring alternatif permettent d'évaluer plus finement la solvabilité des agriculteurs, en intégrant des données non bancaires. Cette innovation ouvre la voie à une inclusion accrue des femmes rurales et des jeunes, deux groupes clés pour l'avenir du secteur. Dans la dernière décennie, l'investissement public s'est imposé comme un catalyseur majeur. Le bilan officiel du Plan Maroc Vert pour la période 2008-2018 avait mobilisé un investissement total de 104 milliards de dirhams, réparti en 60% d'investissements privés (environ 62,4 milliards de DH) et 40% d'investissements publics (environ 41,6 milliards de DH). Résultat : un PIB agricole doublé et des filières entièrement modernisées. La stratégie Génération Green poursuit cet élan, avec une ambition sociale affirmée : créer 350 000 emplois ruraux, renforcer la classe moyenne agricole et valoriser les terroirs. Le modèle marocain repose désormais sur une articulation solide entre l'Etat, les institutions financières, les acteurs privés et les agriculteurs.