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Dans la peau d'un (e) sans-papiers.
Publié dans La Gazette du Maroc le 16 - 06 - 2003


45 jours
Vivre terrorisé, vivre au jour le jour, errer, se cacher,se terrer, se méfier, fuir, guetter, dormir les yeux mi-clos et attendre… attendre une aide, un miracle, une existence. Un sans-papier est officiellement une personne qui n'existe pas et n'a jamais existé sur un territoire étranger.
Partant de cette définition, tout… tout peut arriver ! Cette enquête dévoile les entrailles d'un Eldorado pas comme les autres. Ce à quoi l'on doit s'attendre en étant un sans-papiers en France.
Il ne faut pas rêver, mais juste survivre au… froid,à l'indifférence et à la xénophobie. Survivre en contournant les lois, survivre aux ombres des zones d'attentes… Certes, la France est une terre d'accueil et de générosité, mais faut-il pour autant en abuser ? Une interrogation qui persiste et s'impose lors de notre enquête.
La nouvelle politique d'immigration et d'intégration l'expliquerait-elle ? Qu'en pensent les associations françaises ? La solidarité serait-elle un délit aux yeux de la loi ?“ Les sans-papiers, ceux à qui la France dit NON ” dépeint des vérités qu'on tend à omettre, à négliger.
Ames sensibles s'abstenir !
Cette personne (un ou une) a transgressé l'accueil et la générosité d'un visa touristique. Elle a décidé de rester sur un sol étranger, sur une terre qui a pour hymne “liberté, égalité, fraternité…”. Pendant 45 jours, je vivrai sa vie, je soufflerai son délire et j'éviterai de croiser le regard d'un vigile. Mon histoire commencera le jour où son visa prendra fin. Le jour où je débarque à Paris encombrée de bagages inutiles. Nous ferons le tour de Clichy, ce fameux rempart des Arabes et Maghrébins où la deuxième langue serait le français pour ne pas dire l'amazigh. “c'est un endroit peu recommandable” me dit-elle. Evidemment, on reconnaît les têtes d'Arabes à des miles. Pour la précision “une tête d'Arabe” est un qualificatif péjoratif qui marque les Arabes au fer rouge, un tatouage du clan, de la caste inférieure ! Nous devrions filer à la marocaine qui consiste à garder son naturel, à contourner les vigiles ou les agents de sécurité qui arpentent Paris. L'histoire se répètera dans le métro. Il faut dans ce labyrinthe se mêler à la foule, changer de voies s'il le faut, et la règle de sûreté est de payer son ticket ( 1,30 E - 13 DH) par trajet. Je vous laisse faire le compte. C'est indispensable au risque de se faire contrôler. A la vue des hommes verts du métro, nous rebrousserons chemin, question de garder toute les chances de notre côté.
Arrivée à bon port, dans un studio qui sent la bonne impression (propre), je devrais me sentir en sécurité. Ce studio est loué par des amis et sous-loué. Nous restons, pour le concierge, de simples invités de passage, de jeunes touristes arabes. Les apparences sont trompeuses et salvatrices ! Il faut s'entretenir, garder une bonne et coquette impression. Il faut avoir la pêche, rire et éviter de porter le masque de l'enterrement. On reconnaîtra facilement “la tête d'Arabe qui a de gros problèmes !”. Aussi faut-il limiter nos déplacements au strict minimum. Nous prendrons en considération les prévisions météo et surtout le calendrier des grèves et manifestations. Il serait parfaitement idiot de se faire reconduire aux frontières en participant à une manifestation ou en étant uniquement dans les parages. Le périmètre de sécurité étant renforcé à ces occasions, un simple contrôle ou une manifestation qui tourne au vinaigre suscitera l'intervention des agents de “l'ordre”.
Les temps se font durs : polémiques sur la retraite, grève des intermittents. La France se meut ! Elle est en ébullition ! Plusieurs projets de loi dont l'immigration font le bonheur des discussions, des manifestations et des grèves. L'idéal pour nous est de jouer aux observateurs et de nous maintenir en “garde à vue”. Je veux dire : “s'auto-emprisonner” à domicile en attendant des jours meilleurs. Au fait, je ne sais pas et elle non plus ce qu'on attend. Qui ? Quoi ? Comment ? Jusqu'à quand ? Nous attendons un Godot, une aide, un changement politique, une opportunité, une rencontre… rien ! Nous tournons en rond en fredonnant des chansons arabes, marocaines. C'est drôle cet élan de patriotisme qui s'empare de nous. Personnellement, je ne l'aurais pas fait en étant au Maroc. Je ne me souviendrai pas des paroles. Je n'imiterai pas non plus les grimaces d'un Adil Imame ou d'un Dourid Ladham. Je ne prendrai pas un malin plaisir à parler avec une communauté arabe !! Egyptiens, Libanais, Algériens, Tunisiens. C'est alors qu'un regard ou un sourire de complicité, né dans un métro d'indifférence. Je me sens, elle aussi, affiliée, protégée. C'est stupide ! Bien qu'on garde sa méfiance. On ne se déclare pas, mais cette présence de l'autre et cette chaleur humaine réconfortent.
On se reconnaît tous, nous les autres Arabes! On a le même tatouage. C'est un sceau qui nous marque et interpelle les vigiles partout : “la gueule d'Arabe” mal habillé style “je-m'en-foutiste errant”. “Monsieur, Madame, vos papiers, un simple contrôle…” Ils étaient juste en face sur le quai de la ligne 8. Ils ont plaqué au mur deux petits Maghrébins. Je reste figée. C'est une foule pressée qui me bouscule à l'intérieur du wagon. Sauvée !
C'est pour cette raison que je dois éviter toute familiarité. Je dois éviter Barbès, le bd St Denis où se pavanent les prostituées et racoleuses. Je dois éviter Clichy, Montparnasse.
On pourrait facilement confondre les “têtes d'Arabes”. Ces têtes qui travaillent comme saisonniers dans les champs, ou dans des ateliers clandestins de couture, qui font le bonheur des clients de St Denis, qui se travestissent en Brésilienne au Bois de Boulogne. Ce bois reconnu par la qualité de ses filles et ses hommes de joie. Ce sont les lignes rouges, les territoires interdits sillonnés par des “têtes d'Arabes”, et que par curiosité malsaine, j'ai prospectés.
Pour le moment, je dois changer de studio pour la 6ème fois, en prenant soin d'effacer toute existence. Pour “les jeunes Arabes” en vacances que nous prétendons être, nous ne devons guère tarder. Et Hola ! la Comédie. Il faut épier chaque mouvement, chaque bruit, se faire discret et tout petit, si possible invisible. Le bruit de l'ascenseur, les pas sur le palier, cette sonnerie imprévisible… tout est dramatisé : c'est “The END”. Nous reprendrons notre souffle avec pour maxime: “on n'est jamais trop méfiant”.
A la recherche d'un job
Qui pourrait deviner notre existence ? Qui pourrait nous dénoncer ? On désire rester anonyme, inconnu de tout le monde. Mais en attendant, le travail s'impose. Nos piètres économies se dilapident à vue d'œil. Certes, nous pouvons compter sur nos amis, mais pas pour longtemps. Inutile de feuilleter les offres d'emploi dans les brochures et magazines gratuits. Elles sont destinées aux titulaires, aux officiels. Néanmoins, nous nous aventurerons sur la Place d'Italie à la recherche d'un petit job, sourire en prime : “excusez-moi, pourriez-vous me renseigner ? Auriez-vous besoin d'une vendeuse ?”… “Non”. Nous ferons les magasins vainement. La meilleure façon serait de travailler pour le compte d'un autre Arabe. Là bienvenue la surexploitation. Une fois que l'on saura que t'es sans-papiers, la douceur des mots, la complaisance cèderont la place à l'esclavage moderne. Des filières ont été démontées. Pas seulement arabes, mais turques et surtout chinoises. Les Asiatiques concourent, mais ils n'ont pas la “tête d'Arabe”. Ils travaillent 16 heures par jour en “se la fermant”. Un ami me conseille des faux papiers. Je doute et je ne veux nullement prendre le risque et aggraver mon cas par une fraude. Il me propose une carte de séjour, la carte de sécurité sociale (qui paraissent authentiques sauf sous rayon ultra violet) pour la modique somme de 300 E (3.000 DH). Je pourrais dorénavant travailler. La tentation est trop forte. Mais je ne le ferai pas. Après mon arrivée, j'ai consulté une association pour les travailleurs marocains à l'étranger.
Une personne me conseilla d'éviter ce genre “d'embrouille”, de m'habiller convenablement et si possible élégamment, d'éviter les endroits trop fréquentés par d'autres “têtes d'Arabes” que moi et d'hiberner en attendant des jours meilleurs. Des jours meilleurs, je n'en vois pas. Je tourne la tête aux mendiants du métro, des Français devenus SDF, qui quémandent un ticket de restaurant ou une pièce. Des jours meilleurs ! Je n'en vois pas, mais je n'ai pas le choix. Je dois rester pour moi et surtout pour tous ceux que j'ai quittés avec l'illusion de vivre pleinement ailleurs. L'illusion que “j'ai la pêche”, que “tout va bien”, que ma vie est une “succession de réussites”, que je “subviendrais à leurs besoins”, ceux de ma mère, de mon père, les rêves de mes sœurs… je n'en peux plus, mais je marche aveuglément, je patauge et je me dis : “ils ont le droit, nous sommes les envahisseurs qui les bousculent sans demander pardon !”.
Je ne sais pas jusqu'à quand je pourrai tenir… je pense pas pour longtemps. Il m'arrive de m'enfermer des jours dans le silence de ma mort. Une existence qui n'existe officiellement pas…. Et j'ai peur, affreusement peur de ….
TEMOIGNAGE
A la recherche d'une femme
Il a 25 ans. Youssef est un Marocain originaire de Meknès. Il vit en France depuis près de 3 ans. Son aventure se résume à “Banco” : “j'ai misé le tout pour le tout. Je travaillais à Meknès dans le textile : la confection. Je n'en pouvais plus. J'ai décidé de passer à l'autre rive. J'ai passé plus de deux mois à Tanger. J'ai repéré les lieux, j'ai glané. Je cherchais un passeur. J'ai fini par le trouver. Et c'est dans une patera de fortune qu'on a traversé. On a failli de peu être arrêté par la Guardia Civil espagnole. Une fois arrivés à bon port, on devait se disperser dans la nature. En consigne : se comporter le plus naturellement du monde et intégrer la foule. Il fallait être propre pour donner la bonne impression. J'avais quelques économies sur moi. J'ai voyagé de ville en ville, m'éloignant du sud de l'Espagne. J'ai pris le train de Perpignan via Barcelone et de là un autre vers Paris où j'ai contacté mes cousins. Je suis resté 10 jours en Espagne. Mais une fois à Paris, j'étais en sécurité. Ma tante ne s'attendait pas à mon arrivée. Je n'avais avisé personne. J'ai travaillé au début dans le bâtiment. La moitié des travailleurs sont des sans-papiers maghrébins ou africains. Les Français n'en veulent pas ! Les temps étaient durs. J'étais sous-payé et je devais fermer ma gueule. Il faut dire que même avec l'exploitation des sans-papiers, j'étais bien payé : 40 E par jour. C'était assez suffisant. J'habitais avec un pote. C'est un régulier. Je ne peux pas accéder à un logement sans garantie, sans-papiers. Je travaillais pour un Polonais, puis un jour lors d'un simple contrôle, on m'a arrêté. Je suis resté en garde à vue du côté de Roissy ( zone d'attente de l'aéroport) plus de 20 jours. je ne pouvais contacter personne. Je leur avait dit que j'étais Algérien. Par la suite, j'ai dû passer un entretien avec quelqu'un du consulat algérien. C'étaient des questions relatives à mon enfance, à mon adresse, à mes habitudes. Il fallait qu'il déniche le mensonge. Finalement, le juge a statué pour une reconduite à la frontière. Après les 20 jours en zone d'attente, j'étais assez dégoûté pour en finir : qu'on me libère ou qu'on me reconduise au pays. Je ne voulais plus rester dans cette prison pour chiens. Au moment d'embarquer dans l'avion, le pilote a demandé aux passagers s'ils voulaient revenir au pays. J'ai répondu non à mon tour. Le juge a désigné un avocat d'office pour refus d'embarquement. J'ai été libéré sans savoir comment. Coup de chance, mais je n'ai pas régularisé ma situation pour autant ! Depuis, je change souvent de chantiers, jamais de contremaître. Il me tient en laisse. J'attends… une femme. Il n'y a qu'un mariage avec une Française qui pourra m'en sortir. En attendant d'acheter ce contrat qui se vend aux environs de 5.000 E, je guette et je me fais tout petit.


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