Le nom de Jamal Housni, alias Jamal Al Maghrabi vient de s'ajouter à une longue liste de Marocains liés au réseau terroriste Al Qaïda. Après son arrestation vendredi 28 novembre à Milan en compagnie d'autres activistes d'origine tunisienne, Ilyas Abou Dahhar et Bouyahia Maher Bin Abdelaziz, et le fameux algérien Abderrazak Al Mahjoub qui était au centre d'un réseau de recrutement pour le Jihad en Europe, Al Maghrabi passe depuis le 1er décembre devant le parquet de Milan pour répondre de plusieurs chefs d'inculpation. Ce coup de filet dont se félicite la police italienne survient quinze jours à peine après les attentats suicides qui ont coûté la vie à dix-neuf Italiens - dix-sept militaires et deux civils -du contingent italien stationné à Nassiriyeh en Irak. Les mesures prises par le parquet de Milan et le ministère de l'Intérieur viennent à un moment où l'opinion publique devait être rassurée. C'est une opération que l'on pourrait qualifier à la fois de représailles contre les assaillants en Irak et d'acte politique pour calmer les craintes en Italie d'autres attaques terroristes. Ils sont donc trois terroristes en puissance, selon la police italienne, qui ont été arrêtés vendredi 28 novembre dernier, dans le cadre d'un vaste coup de filet mené de part et d'autre des Alpes, en Italie et en Allemagne. Le gros gibier aura été l'Algérien au passé sulfureux qui était recherché depuis longtemps par la justice italienne et européenne. Il s'agit de "Cheikh Abderrazak", de sa véritable identité Mahjoub Abderrazak, âgé de 29 ans, qui a été arrêté en Allemagne. Il a réussi en quelques années à installer un réseau solide aux ramifications multiples dans toute la Vénétie. Il est aujourd'hui considéré par la police italienne comme l'un des principaux chefs de l'organisation terroriste "At-Tawhid", dirigée par le Jordanien Abou Moussab Al Zarkaoui. Le Jordanien en question compte parmi les dirigeants les plus en vue de la cellule Al Qaïda en Europe. Il aurait eu des relations avec d'autres responsables en Allemagne, en Angleterre, en Belgique et même en Espagne. On le soupçonne aussi d'avoir eu des contacts avec celui qu'on considère comme le cerveau des attentats du 11 septembre 2001, Ramzi Binalshibh. Le groupe At Tawhid est connu sur le Vieux Continent pour avoir déjà participé à rallier la voix des islamistes intégristes, d'où son nom qui signifie l'unité et l'unification. Il a embrigadé des jeunes terroristes en herbe, des volontaires du Jihad, des kamikazes en puissance en vue de les envoyer sur tous les fronts de la “guerre sainte” commanditée par Oussama Ben Laden et les siens. Selon la justice italienne, l'organisation aurait recruté et envoyé des volontaires pour des actions kamikazes en Irak. Ce qui fait le lien avec ce coup de filet qui doit répondre des attaques contre le contingent militaire italien en Irak. Le cheikh algérien fait aussi l'objet de soupçons allemands puisqu'il est au centre d'une affaire d'explosifs qui devaient être utilisés contre des infrastructures touristiques de la Costa del Sol en Espagne. Cheikh Abderrazak a été arrêté en juillet 2003 à Hambourg, suite à un mandat d'arrêt, mais il a été très vite relaxé, faute de preuves. Selon l'hebdomadaire allemand Focus, il aurait eu des contacts avec l'entourage des kamikazes des attentats du 11 septembre 2001 dans lesquels la "cellule de Hambourg" avait joué un rôle déterminant surtout avec l'appui d'un autre Marocain, Mounir Moutassadeq aujourd'hui condamné et purgeant sa peine en Allemagne. Qui est Al Maghrabi ? Deux des complices et compagnons du Jihad de Cheikh Abderrazak sont : un Marocain de 20 ans Housni Jamal, alias Jamal Al Maghrabi et un Tunisien de 33 ans, Bouyahia Maher Ben Abdelaziz qui ont été arrêtés à Milan. Toutes ces personnes ont été inculpées d'association avec pour objet le terrorisme international – un chef d'accusation introduit dans la loi italienne après les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis. L'Italie apparaissait alors comme l'un des chemins les plus propices au passage d'hommes partant vers la Turquie ou en provenance d'Iran, d'Afghanistan et de Tchétchénie. Pour la police italienne, il est aujourd'hui avéré que toutes ces arrestations entrent dans le cadre d'une vaste enquête sur une présumée cellule islamiste en territoire italien qui aurait servi de logistique et d'appui pour d'autres activistes en territoire européen. Sans oublier que toutes ces personnes arrêtées sont aussi soupçonnées d'avoir des liens avec d'autres passeurs et recruteurs d'hommes qui sillonnent l'Europe et communiquent entre eux en vue de grossir les rangs des jihadistes en partance vers les terres de la “guerre sainte”. Après ces trois arrestations, la police italienne poursuit deux autres suspects, un Irakien de 32 ans, Muhammad Majid, alias Mollah Fouad et une Tunisienne, Farida Bentiwaa Ben Bechir, 42 ans, qui n'a pu être arrêtée "car elle est probablement partie en Tunisie ces derniers jours". D'après le ministère italien de l'Intérieur, le premier se serait enfui en Syrie pour trouver un moyen de rallier l'Irak. Reste à savoir qui est ce jeune Marocain qui fait figure de nouveau venu dans le réseau italien. Pour le moment, les informations sur sa personne, son parcours, sa vie et ses relations restent méconnues, mais il n'en reste pas moins, selon d'autres sources, que le jeune Marocain aura intégré le groupe de cheikh Abderrazak depuis quelques années où il a appris les rouages du recrutement. Des soupçons persistent sur ses relations avec d'autres Marocains qui ont suivi le chemin de l'Institut islamique de Milan où il avait aussi ses habitudes. Il serait même probable qu'il ait eu des accointances avec les frères Kazdari, qui avaient monté un grand réseau de trafic de documents et Yassine Chekkouri, Ben Khemais et Britel Abou Al Kacem, condamnés en octobre dernier à Rabat. Milan et les Marocains Il est aujourd'hui évident pour des raisons géographiques et humaines que l'Italie a joué un rôle très important dans plusieurs actes terroristes survenus dans le monde depuis le 11 septembre 2001. Pour la police italienne, Milan fait figure de noyau de l'islamisme en Italie. On compte aujourd'hui presque 164 personnes qui ont été identifiées comme des activistes très puissants entretenant des relations étroites avec des groupes salafistes qui prêchent le combat et le jihad. Parmi elles, un groupe fréquentant Ben Khemais et travaillant au centre culturel de la ville, présenté comme l'un des pivots d'Al Qaïda en Italie sinon en Europe. On retrouve aussi au sein de ce groupe un autre terroriste marocain appelé Yassine Chekkouri, qui travaillait en tant que bibliothécaire en Italie. Tous ces suspects ont été arrêtés entre le 14 et le 29 novembre 2001. A l'époque, la justice de Rome les considérait déjà comme une “annexe” du réseau de soutien logistique de Ben Khemais qui, lui, entretenait des liens avec d'autres chefs terroristes essaimés sur le sol européen de Madrid à Londres. Ce n'est qu'en février 2002 que Ben Khemais et ses complices ont été condamnés à 5 ans de prison ferme. Une condamnation qui coïncidait avec le démantèlement quatre jours plus tôt d'une autre cellule du GSPC. L'affaire avait provoqué un grand choc à ce moment-là. Il s'agissait de quatre Marocains qui s'apprêtaient soit à frapper le système romain de distribution d'eau en y versant un dérivé cyanuré, soit à attaquer l'ambassade des Etats-Unis. On avait trouvé des passages souterrains qui avaient été creusés jusqu'à l'enceinte de l'ambassade. Il y avait aussi dans le cadre de cette enquête un énorme réseau de trafic de faux documents qui représentait le filon des enquêteurs pour pister tous les membres de la cellule. Dès 2001, deux autres Marocains avaient été appréhendés : il s'agissait des frères Mohamed et Saïd Kazdari, condamnés à l'époque pour avoir livré de faux passeports et cartes d'identité à des activistes islamistes. Mais il faudra attendre le 12 juillet 2002 pour que le réseau des frères Kazdari soit entièrement épinglé, la Digos mettant cette fois la main sur environ 400 fausses pièces d'identité qui ont été mises en circulation dans plusieurs milieux islamistes. Par ailleurs, au Maroc, le bruit fait par les Italo-marocains a atteint son plus haut degré le samedi 4 octobre 2003, le jour où un islamiste italo-marocain a été condamné à quinze ans de prison pour “activités terroristes” à Rabat. De ses noms de guerre “Abderrahmane” ou “Bouchaïb”, il est accusé d'appartenir à la Salafiya Jihadiya qui a joué un rôle important dans les attentats du 16 mai à Casablanca. Il s'agit de Britel Abou Al Kacem, naturalisé Italien et résidant à Bergame, en Italie, qui était poursuivi, entre autres, pour “constitution d'une bande criminelle dans l'objectif de préparer et de commettre des actes terroristes visant à porter gravement atteinte à l'ordre public”. Selon l'accusation, Britel aura effectué presque le même parcours que d'autres activistes islamistes en Italie. Il a suivi un enseignement religieux à l'Institut islamique de Milan avant de partir en Afghanistan où il avait fréquenté un camp militaire, nommé Al Farouk, dirigé par un certain Mohamed El Missri, considéré comme un proche d'Oussama Ben Laden. Selon un avocat de la défense, l'accusé a été arrêté il y un an au Pakistan par la CIA qui patrouillait avec les forces pakistanaises. Depuis, il a été remis par les services secrets pakistanais à la police marocaine.