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Les coulisses d'un assassinat
Publié dans La Gazette du Maroc le 26 - 07 - 2004


Fin de Hicham Mandari
C'est la fin d'une cavale qui aura eu de nombreux rebondissements. Le cadavre de Hicham Mandari a été trouvé dans des circonstances non encore élucidées. C'est dans la nuit du 3 au 4 août que Hicham Mandari a été retrouvé tué d'une balle dans la tête dans un parking de la station balnéaire de Fuengirola, à vingt kilomètres de Malaga en Espagne. Pour le moment, plusieurs pistes sont poursuivies sans qu'aucune ne se dégage comme la bonne. On parle de règlements de compte entre maffias ou de transaction qui a mal tourné. La thèse du suicide semble définitivement écartée.
Hicham Mandari a été retrouvé mort à Fuengirola, une station balnéaire très prisée sur la côte andalouse. Les informations qui ont circulé sur sa mort à Malaga s'avèrent déjà fausses et font sourire les responsables de la sécurité espagnole qui attestent que sa mort remonte effectivement à “dix jours, soit la nuit du 3 au 4 août mais pas à Malaga”. Dans ce flou informatif et cette surenchère qui ne surprend personne, ici même ceux qui ne connaissaient pas Hicham Mandari, il faut jouer des coudes pour trouver une personne capable de démêler l'écheveau de cette sombre histoire.
Fuengirola, fin de course
“On ne savait pas qui il était mais maintenant, on en parle. C'était apparemment un grand escroc qui avait plumé beaucoup de gens. On dit qu'il a été poursuivi par plusieurs mafias dont les Russes qui sont depuis quelques années très puissants dans la région de la Costa Del Sol”. Premier contact avec l'opinion publique et c'est un Marocain étudiant à Malaga qui habite dans le quartier haut en couleurs de Malagueta, une zone où les Marocains comptent une forte représentativité qui plante le décor. “On l'a appris quelques jours après, mais il a été trouvé par la police qui a tenu le secret sur une telle affaire. Mais maintenant qu'on connaît un peu le personnage, on sait pourquoi on n'a pas trop parlé de tout cela. C'était un type dangereux et un anti-Maroc”. Le mot est lâché et dans cette foule de jeunes Marocains bronzés qui ont préféré écumer des jours chauds sur les côtes espagnoles, “c'est tant mieux, on dit qu'il disait beaucoup de mal sur le Maroc et qu'il a sali l'image du pays”. Impossible de mener la conversation vers d'autres sphères. La recherche des faits tourne immanquablement en une série de jugements sur la personne de Mandari.
A Huelen ou Alameda Principal ou encore El Puente Tetaun, on peut rencontrer facilement des gens qui ont eu vent de ce mystérieux assassinat. Des touristes qui font des achats mais qui se dirigent vers d'autres lieux de villégiature loin de la ville vers Torremolinos, Benalmadena, Mijas ou les plages de Marbella à presque une heure en voiture. “On a entendu parler de cette histoire, mais qui était ce monsieur ? Un maffieux, un gangster, je crois que c'est ce que j'ai lu quelque part”.
Pour ce touriste français, la mémoire revient quand il se souvient qu'il avait lu dans le quotidien français
“Le Monde” quelque chose “sur des affaires de trafic d'argent ou des faux billets”. Bref, ils sont comme cela nombreux à avoir déjà au moins entendu des bribes sur le parcours très relevé du Marocain tué par balle à Fuengirola. Mais c'est sur ce point qu'il semble y avoir plusieurs avis divergents.
Des thèses contradictoires
On ne sait pas vraiment si Hicham Mandari a été tué à Malaga ou à Fuengirola ou à Marbella où il avait élu domicile depuis quelques mois. L'enquête qui est en cours sur les circonstances de la mort de Mandari, dont le corps a été découvert sur un parking de Fuengirola dans la nuit du 3 au 4 août, ne va pas au-delà de ce qu'un porte-parole du ministère de l'Intérieur espagnol a déclaré. Aucune information supplémentaire n'a filtré depuis de façon officielle. Mais il y a des suppositions qui émanent de plusieurs sources. “il est possible qu'il se soit fait abattre loin de Fuengirola et qu'on ait transporté son corps ici pour brouiller les pistes. C'est un coup classique des gangs maffieux et comme toute cette affaire semble désigner un règlement de comptes, je crois que la mort a pu avoir lieu ailleurs. Peut-être même à Marbella puisque le tué y habitait apparemment”. Pour ce journaliste espagnol qui était, dit-il, l'un des premiers à avoir appris le meurtre, il ne fait presque aucun doute que c'est “là une affaire de maffias”. Il précise en citant de vieux contentieux avec les Russes, les Qataris et les Bahreïnis que “c'est la loi des démêlés au sein de la maffia. Un jour, on paye des tueurs à gages et on vous abat dans la rue”. A Fuengirola qui est située à environ une vingtaine de km de Malaga, Marbella et Mijas, des sources voudraient que Mandari soit un habitué de la station balnéaire qu'on le dit fréquenter souvent en compagnie de plusieurs “gardes du corps et toute une armada de gens qui faisaient le voyage avec lui”. Mais personne ne dit l'avoir vu ni la nuit ni le jour. Même les tenanciers des bars et autres boîtes de nuit esquivent la question. “En tout cas, c'est ici que son corps a été trouvé dans un parking. C'est peut-être une nuit qui a mal tourné ou une embuscade. Mais ce que je ne peux pas m'expliquer, c'est que ce type de personnage ne circule jamais sans ses gardes du corps et, en avait beaucoup avec lui. Il faudra voir de ce côté-là parce que je n'arrive pas à comprendre comment il a pu se faire prendre tout seul”. Ce qu'avance ici un avocat espagnol au courant des détails de la vie de Mandari est relayé par un homme de la sécurité de Fuengirola qui, lui, n'exclut pas “qu'il y ait une défaillance dans ses hommes. Je sais qu'il avait déjà porté à la connaissance de la police espagnole qu'il était menacé de mort par des groupes armés, des maffieux, des bandits… Un homme qui sait qu'on court derrière lui pour le tuer fait plus attention et ne se découvre jamais. Là, Mandari était seul et on l'a trouvé seul. Quand on essaye de s'expliquer le film de l'assassinat nous sommes devant deux cas de figure : ou il s'est fait abattre en traître par l'un de ses hommes parce qu'il était en confiance et n'avait pas vu le coup venir. Ou alors la scène du crime est ailleurs et qu'il y a d'autres indices et qu'on a transporté le corps ici pour mieux camoufler l'affaire. Je ne peux pas croire qu'il soit venu tout seul à Fuengirola pour s'amuser de Marbella. Non, il a dû avoir des hommes avec lui, mais qui sont-ils et où sont-ils aujourd'hui”.
Le guet-apens
Pour certains enquêteurs, il n'est pas exclu que cet assassinat soit le fruit d'un coup préparé depuis des mois, voire des années. “Il a flirté avec la mafia en Amérique, avec une certaine branche criminelle arabe et avec des Russes. Il a même été victime de plusieurs tentatives d'assassinat”. En effet, Mandari a été la cible à deux reprises, en novembre 2002 et en avril 2004, de tentatives d'assassinat par armes à feu. Il s'en était tiré sans égratignures. Mais il avait répété souvent qu'il craignait pour sa vie tout en multipliant les coups de poker où il brouillait les pistes, changeait d'identité et faisait chanter de grosses fortunes. Aujourd'hui, il y a le spectre d'une soi-disant mafia bahreïnie qui l'aurait eu dans le collimateur depuis 1998, date de cette affaire dite des “faux dinars de Bahreïn”, une des plus grosses affaires de contrefaçon monétaire de ces dernières années où il avait fait écouler quelque 350 millions d'euros. Il était alors accusé de transport, mise en circulation et détention de signes monétaires contrefaits ou falsifiés. “Je ne suis pas sûr qu'il y ait une mafia du Bahreïn. Je veux bien croire qu'il y ait des commanditaires arabes, pourquoi pas, mais les pays arabes n'ont pas une tradition de groupes criminels organisés” explique un responsable de sécurité à Malaga. “Je crois que c'est une affaire qui mérite qu'on s'y penche sérieusement. C'est selon toutes les apparences une affaire de règlements de comptes, mais elle est compliquée, puisque je ne peux pas parler aujourd'hui de pistes”. Selon un autre journaliste, il y aurait des soupçons du côté de la France où Mandari a été impliqué dans l'affaire dite des “faux dinars de Bahreïn” : “il ne faut pas oublier qu'il a fui la France. Il s'était déjà fait attraper une fois avec de faux papiers alors qu'il venait vers Malaga, puis il a trouvé le moyen de filer à Marbella alors qu'il ne devait pas quitter la région des Hauts-de-Seine. Et c'est là qu'il avait fait les frais d'un coup de filet à Place Vendôme en 2003”. Ceci nous renvoie à l'épisode où Hicham Mandari faisait chanter Othman Benjelloun et qui avait tourné en faveur du président de la BMCE Bank. Bien connu des services de police parisiens, Mandari s'était fait prendre alors qu'il descendait de sa Mercedes de location. “Une carte d'accès à une chambre de l'hôtel Costes, un palace de la rue Saint-Honoré, était trouvée sur lui, ainsi qu'une arme à feu. Dans le coffre de la chambre occupée par Mandari, les enquêteurs trouvaient
1 315 000 € en petites coupures. Certaines liasses portaient encore le bordereau de la banque suisse d'Othman Benjelloun” nous explique ce même journaliste. Il faut rappeler dans ce contexte que les policiers avaient interpellé Felix Le Boulbin, un homme âgé de 45 ans, qui était un des gardes du corps de Mandari. Il avait lui-même sur lui une somme de 50 000 €.
La thèse du suicide est exclue
“Non la police est formelle, explique un agent de la police. Ce n'est pas un suicide. On sait quand c'est le cas, mais là c'est un assassinat”. D'un autre côté, plusieurs personnes qui s'intéressent de très près à cette affaire n'arrivent pas à envisager cette thèse. Comment un homme qui roulait des mécaniques dans la région, faisait étalage de sa fortune (que l'on dit dépasser les 36 millions de dollars déclarés), sortait beaucoup à Marbella, vivait la nuit entouré de femmes et d'amis, grillait l'argent comme d'autres des cigarettes ne pouvait pas du jour au lendemain, sous un coup de blues décider d'en découdre avec le destin : “vous savez, j'ai su par un contact qu'on a retracé son programme de la nuit du 3 août. Il paraît qu'il était à une soirée et que tout allait bien. Puis il avait disparu comme on s'éclipse dans ce genre de fêtes très arrosées. C'est bien plus tard qu'on a trouvé le corps et à plus de vingt kilomètres de Marbella où on le disait participer à cette soirée”. Pour une autre personne, il s'agirait tout simplement d'un rendez-vous, une “transaction qui a viré au drame. C'était un autre coup et il s'est fait piéger comme il s'était déjà fait prendre comme un débutant à Paris. Il ne faut pas croire mais Mandari a souvent laissé voir ses limites comme mauvais garçon. La police le connaissait bien, il n'était pas si futé et cachait mal son jeu. Je crois que cela pourrait être un dernier coup qui n'a jamais abouti”. “Puis nous sommes ici à la Costa Del Sol. C'est le lieu de la mafia, des bandes criminelles, c'est connu. Ce n'est pas un hasard qu'il ait trouvé refuge ici après sa fuite de Paris. Il pensait échapper à ses poursuivants, mais il s'est mis dans la gueule du lion tout seul” explique un patron d'un bar qui a bien connu d'autres histoires de mafias dans la région et qui multiplie les exemples volontiers comme pour montrer que c'était naturel qu'il y ait un meurtre quand on a passé sa vie à fricoter avec la pègre, l'argent sale et les mauvaises fréquentations.
Quoiqu'il en soit, l'affaire prend son cours et les enquêteurs scrutent les pistes en attendant d'y voir plus clair. Dans la région, des enquêtes sont ouvertes pour retracer les derniers jours de Mandari : qui il a avait vu, où il était parti, avec qui sortait-il, quelles étaient les filles qu'il fréquentait et même ses conversations téléphoniques qui pourraient révéler plus d'un secret.
Pourquoi les Bahreinis sont-ils déçus ?
Les services bahreinis ne semblent pas être contents de cette fin de parcours de Mandari. C'est ce qu'a indiqué à La Gazette du Maroc une source à Manama proche du dossier. Cette même source affirme que les Bahreinis préféraient lui mettre la main dessus, le juger et lui soutirer toutes les informations susceptibles de les conduire à ses commanditaires et ses réseaux. Cette détermination bahreinie fait suite aux déclarations accordées par Hicham Mandari à une publication marocaine et dans laquelle il mettait en cause dans un trafic de vraie-fausse monnaie l'actuel Roi du Bahrein Cheikh Hamad Ben Issa Al Khalifa, alors Prince héritier que Mandari a accusé d'avoir même détourné l'argent des caisses de l'armée.
La même source affirme que les services bahreinis et émiratis intéressés par cette affaire avaient Mandari dans leur ligne de mire.
Cependant, ce dernier avait toujours les moyens et la logistique nécessaires pour leur échapper malgré la filature continue dont il faisait l'objet de la part de détectives privés européens depuis fin janvier 2004, comme l'avait évoqué La Gazette du Maroc du n° 353 du 31 janvier. Dans ce contexte, la source bahreinie affirme que les mafias albanaises et ukrainiennes, très actives dans les pays du Golfe, plus particulièrement à Manama et dans l'Emirat de Charjah durant la deuxième moitié des années quatre-vingt-dix, assuraient la protection de Mandari même au sein de la prison française et ont organisé ses multiples fuites à chaque fois qu'on était sur le point de l'épingler.
Trouvé mort, seul, dans un parking, cela veut dire pour les services de renseignements bahreinis qu'il n'a pas pu honorer ses engagements envers ses protecteurs doublés de créanciers mafieux. C'est la seule explication donnée par la source bahreinie à cette fin de Mandari, ajoutant que ni le Bahrein ni le Maroc n'avaient intérêt à voir cet escroc mourir de cette manière, malgré ses menaces, ses mises en scène et ses mensonges. Par ailleurs, on apprend de source concordante française que le Maroc avait souhaité que la Justice aille jusqu'au bout dans son enquête sur l'affaire Mandari et que toute la vérité soit connue du public et que toute la lumière soit faite autour des réseaux mafieux impliqués.
Correspondance de Manama


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