Dialogue social : Augmentation des salaires, baisse des impôts..., un accord est imminent    Nizar Baraka Réélu pour un Deuxième Mandat à la Présidence du Parti de l'Istiqlal    18ème Congrès général de l'Istiqlal : Confiance unanime et renouvelée en Nizar Baraka [INTEGRAL]    Assurance épargne-retraite : Le taux servi par la Marocaine Vie atteint 3,4%    Gaz : SDX annonce le démarrage de production au puits KSR-21    Cobalt : Un potentiel non encore évalué dans la mine de Jbiel    SIAM 2024 : le ministère de tutelle se félicite d'une édition couronnée de succès    National '' Amateurs''/ J25: Union Yaâcoub El Mansour a besoin d'un seul point pour officialiser la montée !    Finale de la Coupe de la Confédération 2024/ RSB-Zamalek: Date et horaire ?    Handball : Heureuse surprise au VIème Championnat Arabe, nos jeunes qualifiés en finale    Automobile : Le Chinois Sentury Tire préfère le Maroc à l'Espagne    Coupe de la CAF: La RS Berkane en finale après le retrait de l'USM Alger    Le Prince Héritier Moulay El Hassan préside à Rabat le GP de SM Le Roi du Concours officiel de saut d'obstacles 3* de la Garde Royale    Coupe de la CAF: Lekjaa félicite la RSB après sa qualification en finale    Algeria withdraws from African Gymnastics Championship in Morocco    Algeria's USMA withdraws from CAF game against Morocco's RSB over jersey dispute    SIAM 2024: 1.500 exposants, dont ceux impactés par le séisme d'Al Haouz    Le Maroc participe à la réunion spéciale du Forum économique mondial à Riyad    Maroc : Masen lance un processus d'appel d'offres pour le projet éolien Nassim Nord    Dublin veut renvoyer des demandeurs d'asile au Royaume-Uni    Lions de l'Atlas : Adli et Hakimi buteurs ce week-end    Escrime : La Marocaine Youssra Zakarani qualifiée aux JO 2024    Maroc : Peace Corps célèbre 61 ans dialogue interculturel et de volontariat    Généralisation des systèmes de « Rendez-vous » et du « eTimbre » à l'ensemble des Missions diplomatiques et Postes consulaires    Caravane médicale à Taounate au profit des élèves en situation de handicap    Diaspo #336 : Hanna El Mokadem, French club player with Moroccan national team dreams    MAGAZINE : Monique Eleb, sociologue urbaine    Houda Terjuman : Evanescence d'une artiste multiculturelle    Exposition : Wallis et Jarmusch se voient en peinture    Marrakech : Le Festival national des arts populaires tient sa 53e édition du 4 au 8 juillet    Les coopératives agricoles face à l'épreuve du changement climatique    Météo. Temps pluvieux dans plusieurs régions, chutes de neige sur les Haut et Moyen Atlas, ce Lundi    Camps de Tindouf, Algérie. Les exécutions arbitraires de jeunes séquestrés dénoncées    Reconduit pour un 2è mandat, Baraka s'engage à "construire un avenir solide" pour le PI    Parti de l'istiqlal. Nizar Baraka réélu    ONU: Le Conseil de sécurité appelle à « désamorcer la situation » dans le nord du Soudan    Conseil de sécurité: Le Mouvement des non-alignés salue les efforts de SM le Roi en faveur de la cause palestinienne    L'"opposant" algérien Said Bensedira arrêté à Paris    « Rawafid » : une soirée musicale envoûtante pour explorer les trésors sonores du Maroc    Agriculture durable : l'ADA et le PNUD s'allient pour renforcer l'entrepreneuriat des jeunes    SIAM : meilleures participations à la 16e édition    Nabila Hamani : portrait d'une magicienne du verbe classée au top des meilleures poétesses de sa génération    Burkina: adoption d'une loi relative aux assises nationales sur la transition    Interview. Paola Bacchetta: "Troublée par le mot "marabout", j'en ai fait des cauchemars"    L'OMS alerte sur l'exacerbation de la résistance antimicrobienne pendant le Covid    Sommet social mondial: M. Hilale s'entretient à Genève avec les directeurs généraux des organisations internationales    Les têtes d'affiche du 26e Festival Jazz au Chellah dévoilées    Jazzablanca : le tourbillon rock-blues « Zucchero » pour une première apparition au Maroc    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



La descente aux enfers des Marocains
Publié dans La Gazette du Maroc le 22 - 11 - 2004

Guerre civile en Côte d'Ivoire
Depuis près de deux ans, les Marocains de Côte d'Ivoire ont peur. Ils ont, pour la plupart, presque tout perdu avec la guerre civile qui gangrène le pays depuis l'élection du président Gbagbo. La semaine dernière, depuis l'aéroport international d'Abidjan, plusieurs avions militaires ont procédé, d'urgence, au rapatriement de quelque 250 de nos concitoyens qui ont pu regagner Rabat, sains et saufs.
Les histoires de ces familles se ressemblent. Elles ont émigré depuis plusieurs années, voire plusieurs décennies vers l'Afrique de l'Ouest pour y fonder des commerces et faire des affaires. On chiffre à près de
1 500 le nombre des expatriés marocains qui vivent à Abidjan, Bouaké et Ma qui représentent les principales villes du pays. Ce chiffre chute régulièrement depuis une quinzaine d'années et la relève des familles implantées en Afrique noire n'est pas assurée. Naïma Amrani, dont le défunt époux est parti, parmi les premiers en 1952, à l'assaut de la Côte d'Ivoire, dit: “à cette époque, rares étaient les familles qui acceptaient de partir pour l'Afrique. Certaines l'ont fait, ouvrant la voie aux autres qui ont trouvé finalement que l'idée était bonne et que les affaires étaient prospères là-bas”.
Ces hommes partis à l'aventure décideront souvent de rester en Afrique noire, en y emmenant femmes et enfants et en s'insérant le mieux du monde dans une société accueillante qui a “toujours témoigné de l'estime, une grande admiration pour le peuple marocain et ses Rois, de Mohammed V à Mohammed VI”. On pouvait les croiser notamment à Abidjan où leurs commerces étaient réputés dans tout le pays, sur l'avenue 8, la rue 12, la rue du Commerce et surtout dans la luxueuse galerie du Plateau, dans le centre-ville. Leurs négoces, très polyvalents, concernaient le prêt-à-porter, les tissus, les articles de sport, en passant par les chaussures et les babouches marocaines, jusqu'à l'agroalimentaire dans lequel ils brillaient en important en Côte d'Ivoire olives, sardines, thons, tomates, oranges et autres produits diversifiés.
Le début de la fin
Depuis deux ans, rien ne va plus pour la communauté marocaine résidant en Côte d'Ivoire. “L'ancien président était un homme de bien” dit encore Naïma Amrani. Depuis l'arrivée de Gbagbo, le pays est en feu et les discriminations raciales banalisées. “Vous vous rendez compte qu'on prêche là-bas désormais la mort de l'homme blanc. Et nous aussi, avec la communauté libanaise, nous sommes maintenant considérés comme des Blancs, des Occidentaux. Tout le monde crie dans les rues : “les Blancs dehors ! Les Blancs à mort !” C'est la nouvelle politique de Gbagbo. Depuis son arrivée au pouvoir, c'est la faillite. Il pille le pays (comme cette piscine municipale d'Abidjan réquisitionnée par le fils du président et transformée en Casino) et a pour seul slogan politique un nationalisme fasciste qui cherche à liquider tout ce qui n'est pas noir en Côte d'Ivoire”. Elle précise les larmes aux yeux “qu'elle s'était toujours sentie un peu Africaine et proche des Ivoiriens”. Selon cette rescapée de l'enfer ivoirien, tous les Marocains ont souffert d'exactions multiples, de chantages et leurs magasins ont été visés sans vergogne par les milices qui sèment la peur de jour comme de nuit dans les rues des grandes villes. “Il y a deux ans, des dizaines de commerces avaient été saccagés, pillés, les personnes qui y travaillaient avaient été menacées et parfois violentées par les Ivoiriens qui semblaient avoir perdu la tête. En 2004, c'est encore pire...” dit Naïma Amrani. Et quand les magasins étaient vidés, la foule s'amusait à brûler ce qui restait. Depuis quelques semaines, les choses ont empiré.
Le gouvernement ivoirien encourage-t-il les émeutes contre les Marocains ou feint-il qu'il s'agit de dommages collatéraux provoqués par la révolte nationaliste ? Au sein de la communauté marocaine rapatriée d'urgence il y a quelques jours d'Abidjan, on cite volontiers l'exemple de Bouziane Fouad qui a récemment ouvert une grande galerie dans le centre-ville. Avec la montée des violences et les terribles préjudices économiques subis par ses entreprises, Bouziane Fouad a reçu la visite privée de l'actuel ministre de l'Intérieur ivoirien qui était accompagné de son épouse. Fidèle à Bouziane et aux autres commerçants marocains, comme la majorité de la classe dirigeante ivoirienne, le ministre a réitéré son soutien aux Marocains de Côte d'Ivoire et a dépêché dans la journée une dizaine de policiers qui ont encerclé la galerie Bouziane pour la protéger des assaillants.
Mais ces actions, ponctuelles, ne sont pas suffisantes et ne résolvent point le problème. La plupart des commerces de nos concitoyens ont été touchés. On évoque aussi le cas, désastreux, de Abdelmalek Saâdani Hassani qui avait l'exclusivité des marques Adidas et Nike à Abidjan et qui a dû affronter les pires tourments depuis quelques mois.
Les Marocains en bavent
Mohamed est un jeune homme de 35 ans qui est installé à Abidjan depuis cinq ans. Il est allé faire fructifier un héritage familial. Il entre comme associé avec un autre Marocain, Ali, son aîné de dix ans qui travaille dans le tissu. Les évènements de ces quinze derniers jours ont eu un impact terrible sur sa vie. Aujourd'hui, il ne veut plus risquer un retour “là-bas”. “J'ai été traîné sur plus de dix mètres par deux gaillards qui voulaient me tuer. Ils me traitaient de raciste alors que tous mes amis depuis que je suis installé en Côte d'Ivoire sont des gens de couleur. Les habitants du quartier le savent, je suis un homme de principes et je suis venu dans ce pays pour travailler et les affaires politiques ne me regardent pas. Je veux bien admettre qu'il y ait des tensions entre les uns et les autres, mais je ne veux pas risquer ma vie”. Ce que Hassan ne dit pas, c'est qu'il a pris la décision de ne jamais revenir. Il avait pris depuis toujours ses dispositions pour ne jamais risquer de perdre son argent: “c'est normal. C'est au Maroc que je place mon argent. Je fais prospérer mon affaire, mais je n'ai laissé que peu de choses là-bas. Et j'ai eu raison”. Autrement, il aurait tout perdu comme “tous ceux qui avaient tout misé sur la stabilité d'un pays qui ne l'est pas”.
Hassan nous parlera aussi d'autres Marocains qui ont été pris pour cible : “rien de bien méchant, mais on a eu peur. Ils étaient capable de tout. Il fallait les voir s'acharner sur les écoles brûlant et saccageant comme des fous. Non, c'était l'enfer pendant plusieurs jours”.
Le rapatriement forcé
Selon Naïma Amrani, les choses ont pris une tournure exceptionnelle durant le mois d'octobre 2004. “C'est là que tout a dégénéré. Après un semblant de calme, où l'on pensait que tout allait rentrer dans l'ordre, la descente vertigineuse aux enfers a repris. Moi, j'avais décidé, il y a deux ans, de me retirer des affaires. J'avais vendu les biens de mon mari et j'étais partie m'installer au Canada avec ma fille. Puis, le temps aidant et la nostalgie dans l'air, j'ai pensé que les choses s'étaient arrangées là-bas et que je devais reprendre quelque peu les activités de mon mari. Je suis revenue, il y a moins d'un mois, à Abidjan. C'était terrible...” La femme ferme les yeux, se remémore des souvenirs douloureux puis continue : “à la télévision nationale ivoirienne, les Français ont commencé à parler de rapatriement. Ils ont demandé à tous les étrangers, qui ne se sentaient pas en sécurité, de se diriger vers leurs ambassades respectives pour préparer les rapatriements en masse. A vrai dire, les télévisions internationales ne montrent qu'une partie de ce qui se passe en Côte d'Ivoire. La réalité dépasse l'imagination”. La plupart des hommes est restée. “Les hommes ne pouvaient pas partir car ils devaient veiller sur les intérêts de leurs entreprises. Mais nous, les femmes, ainsi que les enfants, nous étions prêts à partir dès que le signal nous a été lancé par l'ambassade marocaine à Abidjan”. Les ressortissants marocains ont tous contacté l'ambassadeur Bennani. Avec une grande disponibilité et “toute l'attention qu'il fallait”, disent les membres de la communauté marocaine, deux jours après, les avions militaires sont arrivés du Maroc pour le rapatriement. “Heureusement que l'aéroport international d'Abidjan est entre les mains des militaires français. Ils l'encerclent et le gardent jalousement avec des armes à feu. Sinon, personne n'aurait pu sortir de cet enfer”. Dans les foyers marocains de la banlieue d'Abidjan, c'est le début de la délivrance teintée de zones d'ombre. Qui a laissé là-bas son mari, qui a laissé ses fils aînés... Des camions blindés, appartenant aux ambassades française, marocaine et américaine se sont alliés pour venir récupérer les ressortissants chez eux. “Heureusement qu'on a été escorté jusqu'à l'aéroport. Il n'y avait que les femmes et les enfants. Nous étions près de 250 Marocains en tout. Dans chaque avion militaire, il y avait environ 80 personnes”. Les avions militaires ont fait le voyage jusqu'à Laâyoune, avant un changement de vol qui a mené nos compatriotes à Rabat. Selon plusieurs témoignages de la communauté marocaine, tout a été fait pour leur confort. Même des médecins marocains ont été dépêchés sur place. Ils ont accompagné les voyageurs en s'informant à chaque moment de l'état de santé de chacun. “C'était une chose merveilleuse de voir que notre pays était là, que nos médecins veillaient sur nous”, explique cette femme dont l'état de santé était inquiétant au départ vu la panique et l'âge.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.