Le taux de chômage au Maroc recule légèrement mais reste préoccupant pour les jeunes issus de la formation professionnelle. Une étude met en lumière les freins structurels à leur insertion et propose des pistes pour mieux aligner l'offre de formation sur les besoins de l'économie nationale. La tendance générale est à la baisse mais l'ombre du chômage plane toujours sur une partie de la jeunesse marocaine. Après avoir culminé à 13,1% au deuxième trimestre 2024, le taux de chômage national s'est établi à 12,8% un an plus tard, selon le Haut-commissariat au plan. Ce recul modeste ne doit pas masquer la réalité de certaines catégories, notamment les jeunes diplômés de la formation professionnelle, pour qui l'accès au marché du travail demeure un parcours semé d'embûches. L'étude menée par Amal Ouddach et Mamdouh Tlaty, publiée dans African scientific journal, apporte un éclairage inédit sur les déterminants prioritaires de cette exclusion et formule des recommandations pour y remédier. Un public stratégique mais fragile Les auteurs rappellent que «le chômage demeure un dysfonctionnement majeur du marché du travail, particulièrement prononcé chez les jeunes diplômés de la formation professionnelle». En milieu urbain, le taux de chômage des 15 à 24 ans avoisine ainsi la moitié de la population active et, pour les diplômés supérieurs, il dépasse un quart. Les diplômés de la formation professionnelle, censés disposer d'un savoir-faire opérationnel, sont pourtant nombreux à se retrouver sans emploi. Selon l'étude, cette situation constitue «le problème majeur de déséquilibre sur le marché du travail marocain» et appelle une réponse ciblée. Leur insertion est un enjeu économique mais aussi social puisqu'un chômage prolongé mine la confiance et alimente les inégalités. Quatre freins majeurs identifiés L'enquête, menée auprès de 200 jeunes diplômés des régions Casablanca-Settat et Rabat-Salé-Kénitra, met en avant quatre déterminants prioritaires. D'abord, la dimension territoriale. Les auteurs soulignent que «l'accessibilité géographique aux opportunités d'emploi constitue un frein majeur à l'accès à l'emploi». Les bassins économiques sont concentrés dans quelques régions et la mobilité représente un coût que beaucoup ne peuvent assumer. Ensuite, l'esprit entrepreneurial. «La volonté de créer son propre projet apparaît comme un levier puissant de réduction du chômage, à condition d'être accompagné et soutenu», expliquent les chercheurs. Or, près de la moitié des chômeurs interrogés envisagent cette voie mais déclarent se heurter au manque de financement. Le troisième facteur est l'adéquation entre diplôme et marché. L'étude constate «une inadéquation structurelle persistante entre l'offre de formation et les besoins effectifs du marché du travail». Un diplôme peut alors paradoxalement accroître la probabilité de chômage lorsqu'il ne correspond pas aux attentes des employeurs. Enfin, le réseau relationnel. Les auteurs relèvent que «l'absence de réseau social ou de relations privilégiées limite les chances d'insertion, soulignant des inégalités structurelles dans l'accès à l'emploi». Plus d'un tiers des jeunes en emploi déclarent avoir bénéficié d'un lien de parenté pour être embauchés. Des politiques publiques encore trop dispersées Le Maroc dispose de dispositifs variés pour soutenir l'emploi des jeunes, tels que Idmaj, Taehil ou Auto-emploi. L'étude souligne que «les interventions publiques, bien que nécessaires, doivent être efficaces et adaptées aux conditions de mise en œuvre». Les efforts de modernisation de la formation professionnelle, la diversification des filières et l'introduction de compétences transversales sont des avancées, mais elles restent insuffisamment coordonnées. La persistance d'emplois précaires ou informels montre que les investissements publics ne sont pas toujours orientés vers la création de postes stables et qualifiés. Les chercheurs estiment qu'une meilleure répartition territoriale des investissements est indispensable pour réduire les inégalités régionales d'accès à l'emploi. Des recommandations ciblées Les auteurs proposent de «renforcer le soutien à l'investissement dans des zones géographiques moins favorisées afin d'encourager l'installation d'entreprises et de réduire les écarts territoriaux d'accès à l'emploi». Ils préconisent également d'«adapter les programmes de formation professionnelle en mettant davantage l'accent sur des compétences pratiques, la gestion de projet, le marketing digital et les soft skills». Ils appellent en outre à «intégrer la culture entrepreneuriale dès la formation initiale» tout en assurant un accompagnement concret incluant mentorat, incubateurs et accès facilité au financement. Enfin, les chercheurs insistent sur la nécessité de «lutter contre la discrimination et le népotisme dans les processus de recrutement» et de développer les infrastructures afin de stimuler l'activité économique et touristique locales. Ces mesures sont susceptibles, selon eux, de contribuer à générer de nouvelles opportunités professionnelles. Faiza Rhoul / Les Inspirations ECO