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Un peuple échaudé
Publié dans La Gazette du Maroc le 27 - 05 - 2002


Présent et avenir du Koweït
Dur de se remettre après une si pénible épreuve.
Le peuple Koweïtien panse ses cicatrices et fouille dans sa mémoire en quête d'identité. La prospérité économique qu'il retrouve petit à petit n'occulte pas pour autant les craintes, à telle enseigne que le futur se conjugue, pour lui, au présent ... simple
Koweït City a visiblement pansé ses blessures. La capitale des Al Sabah s'étend horizontalement sur un périmètre de sable où la richesse au m2 est l'une des plus élevées au monde. Ses façades balafrées par l'invasion irakienne ont repris des couleurs au goût du désert, donnant à la ville, traversée d'espaces de verdure absents au lendemain du départ des Irakiens, les allures d'une oasis de béton et de pétrole où, à l'abri de la climatisation, il fait bon vivre.
La rue koweïtienne offre l'image d'un pays, certes socialement conservateur, mais qui demeure de par son histoire, ouvert aux vents des sables et à la brise de mer. Si la règle est aux tenues féminines “ pudiques ”, s'il est rare de croiser des jeunes filles vêtues de pull demi-ventre, si le Parlement vient de rejeter un décret de l'Emir octroyant aux femmes le droit d'élire et de se faire élire, si le débat qui occupe actuellement les salons koweïtiens se rapporte à la mixité dans les écoles et les universités -sur laquelle certains milieux voudraient revenir-, la société koweïtienne est moins hermétique qu'il n'y paraît. Son hermétisme se limite, en effet, à l'étranger, tandis que les Koweïtiens s'adonnent en vase clos aux joies de la vie.
La vie, les Koweïtiens y mordent à pleines dents, au point que l'importance de la consommation y fait figure de pathologie symptomatique d'un doute profond, si ce n'est d'un mal-être réel.
Le Koweït a réussi à renaître de ses cendres depuis la deuxième guerre du Golfe, mais les blessures de l'âme koweïtienne sont encore ouvertes. La boulimie consumériste, que traduit une absence d'épargne de la part des ménages, n'a d'autre explication, estiment des habitués du Koweït, que la crainte d'une absence de lendemain.
Le Koweït de 1990, sûr de lui, de sa richesse et de ses alliances, pouvait tout imaginer, sauf qu'il serait envahi par le voisin irakien. Certes, les appétits de Bagdad n'étaient méconnus de personne, mais les Koweïtiens étaient à mille lieues d'imaginer cette annexion pure et simple, qui s'est poursuivie pendant six mois et se serait perpétuée, n'eut été la fermeté américaine et, derrière Washington, la résolution de la quasi-totalité des Etats et gouvernements du monde à ne pas laisser un pays “ prédateur ” absorber sans autre forme de procès une grande ressource en pétrole.
Au dernier sommet arabe de Beyrouth, la délégation koweïtienne a certainement applaudi l'accolade que se sont donnés le prince héritier saoudien, l'Emir Abdallah et le vice-président irakien. De même qu'elle a pris acte avec satisfaction, de l'engagement écrit de l'Irak à respecter l'indépendance et la souveraineté du Koweït. Mais tout cela reste entre guillemets. Dans leur for intérieur, les responsables comme les citoyens koweïtiens restent dans l'état d'esprit du chat échaudé. “ Plusieurs fois, disent-ils, Bagdad a reconnu la souveraineté koweïtienne, plusieurs fois il a renié ses accords et engagements. Ses revendications sur le Koweït ne dépassaient pas le cadre verbal et, aujourd'hui encore, les programmes scolaires de l'Irak enseignent aux petits Irakiens que le Koweït a toujours été une partie intégrante de la province de Basra ”. De là à n'accorder aucun crédit à l'attitude actuelle de Saddam Hussein, il n'y a qu'un pas, que les Koweïtiens franchissent allègrement.
Néanmoins, leur source d'angoisse n'est plus le seul Irak. Petit pays, de par sa population et sa superficie, le Koweït craint, tout autant que Bagdad, Téhéran, très présent par le biais d'une communauté chiite fort active. Avec l'Arabie Saoudite, les liens sont ancestraux et familiaux, et Riad fait figure de grand frère. C'est à Ta'if, d'ailleurs, que le Congrès populaire koweïtien avait tenu des assises pour réaffirmer son attachement à la famille Al Sabah, “ en tant que symbole de la patrie ”. Mais les Koweïtiens, même si tous ne le disent pas, ou ne le disent pas de la même manière, se refusent désormais à dormir sur leurs lauriers. Les remous populaires que connaît le royaume wahabite ne sont pas faits pour les rassurer. Certains d'entre eux, notamment depuis les événements du 11 septembre, s'inquiètent aussi des plans américains pour la région. Les Etats-Unis, super-puissance, sont célébrés comme le super libérateur et, à maints égards, comme le garant de l'intégrité territoriale du pays. Mais le Koweït, qui a eu tout au long de son histoire à composer avec différentes puissances (Ottomans, Irak, Perse, Britanniques), est bien placé pour mesurer la valeur aléatoire des alliances. Aujourd'hui plus encore qu'hier, surtout quand on sait que le nouvel ordre mondial, sous l'emprise américaine, est à peine naissant.
Celui qui est en train de s'éteindre, notamment dans la région, a été taillé sur mesure par les empires coloniaux des 19ème et 20ème siècles, la France et la Grande-Bretagne essentiellement. Il ne correspond pas forcément à l'idée que se fait la nouvelle hyperpuissance impérialiste du monde. Et rien n'interdit aux USA, qui ont soutenu l'Irak face à l'Iran, avant de lui tomber dessus, de changer leur arme d'épaule au Koweït, en Arabie Saoudite, aux Emirats arabes unis et ailleurs.
Face aux incertitudes de l'avenir, le retour sur soi et la réaffirmation de l'identité font office de remède. L'engouement du Koweït et des Koweïtiens pour leur histoire puise son origine dans cette angoisse. Dans “ Koweït, réalité et frontières ”, élaboré par le comité scientifique pour le projet d'étude de documents koweïtiens, les auteurs empruntent aux Hollandais l'un de leurs plus célèbres adages nationalistes pour dire : “ Si Dieu créa le monde, les Koweïtiens ont créé le Koweït ”. Ils réfutent ainsi les thèses irakiennes, en donnant plusieurs exemples où le sort de Basra est apparu distinct de celui de Koweït. «Ses habitants, affirment-ils, comptaient sur leur propre force pour se protéger des attaques dirigées contre eux, surtout par les tribus de Beni Kaab et d'El Montafiq, sans jamais demander aux autorités ottomanes de Basra de leur venir en aide».
Tout l'argumentaire koweïtien tend à démontrer que “ durant trois siècles (1712-1990), cette région surplombant le littoral nord-ouest du Golfe arabe est demeurée une entité distincte, quelles que soient les circonstances et les mutations ”. Le nom même de Koweït viendrait de “ Kut ”, petite forteresse qui servait de dépôt pour les vivres et les munitions, construite par cheikh Barak, et qui témoignerait de la réalité de l'autodéfense des Koweïtiens.
Son unité nationale, trois fois séculaire assurent les historiens du Koweït, se consolide autour d'une même famille, celle d'Al Sabah en l'occurrence. Et d'en déduire : “ nombreux sont les précédents historiques qui prouvent que la naissance de nombre d'Etats modernes avait été étroitement liée à la famille régnante de cette époque : les Tudor en Angleterre, les Bourbons en France, les Hohenzollern en Allemagne, etc ”.
Si les Koweïtiens continuent à nier haut et fort tout lien organique avec l'Irak et avec Basra, ils datent naturellement la création de leur Etat à 1712. Cette ancienneté paraît largement suffisante à leurs yeux pour démontrer le caractère distinct de leur identité, dont témoigneraient les divers accords conclus avec les différentes puissances auxquelles le Koweït a eu affaire tout au long de cette période.
Une controverse, forcément historique, est souvent, dans pareil cas, difficile à départager, tant le flux et reflux des vagues successives des guerres, exodes, colonisations finissent par embrouiller les pistes. Reste alors, témoin de l'intangibilité des frontières, la réalité internationale qui est celle du Koweït d'aujourd'hui.
A l'issue de la crise, majeure, survenue à ce sujet avec le gouvernement irakien d'Abdelkrim Kacem, le Koweït intégra en 1963 les Nations unies, puis la Ligue arabe. Cette nouvelle situation juridique, qui donnait à l'Emirat une reconnaissance arabe et internationale, n'eut pas l'assentiment de Bagdad. Mais, après la chute du régime d'Abdelkrim Kacem, l'Irak, sans doute la mort dans l'âme, dut se rendre à l'évidence.
Les deux pays conclurent un accord de bon voisinage, établissant une reconnaissance mutuelle et donnant lieu à un échange de missions diplomatiques. C'est cet accord que Saddam Hussein jeta aux orties en août 1990, geste qui continue, douze ans après le deuxième conflit du Golfe, à alimenter les craintes et à attiser les doutes des Koweïtiens.


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