L'opinion internationale est occupée et préoccupée par ce qui se passe aux Etats-Unis. Les pays émergents font cette réflexion : “Mais ils sont donc comme nous”. Certes, oui, sauf qu'ils ont toujours un arsenal militaire unique au monde et une administration ultra-conservatrice qui maintiendra la politique étrangère américaine. Il n'y a pas une once de changement dans la situation irakienne. C'est au forceps qu'une “constitution” a été votée par “l'Assemblée” sous la pression américaine. C'est une certitude que cette constitution sera “ votée ” le 15 octobre prochain, car les Américains ont hâte de faire apparaître leur “ modèle démocratique ” comme une réussite, mais ce modèle est couvert de hardes. Cependant, si les deux tiers sud-ouest vivent dans le chaos, le nord-ouest connaît une paix suspecte. Cette région est constituée par le Kurdistan irakien sous l'ancien régime. Il faut dire que la “constitution” qui a vu le jour à coups de manchettes sur la nuque des participants est une “constitution fédérative”, dont seul profite le Kurdistan, organisé depuis quinze ans. Depuis le retrait irakien du Koweït, l'embargo était accompagné d'une exclusion de l'aviation irakienne de l'espace aérien kurde. C'est dans toutes les mémoires. Durant cette quinzaine d'années, pendant que leurs représentants à l'étranger travaillaient à faire chuter l'ancien régime, mais aussi à faire de leur région un Etat. Si l'on examine la configuration du nouvel Irak, le Kurdistan est la pièce du puzzle qui a tiré son épingle du jeu. Le “président” de l'Irak est Barzani, un Kurde. Les Kurdes ont pour gouverneur Talabani, qui est évidemment Kurde. Par ailleurs, le Kurdistan a eu le temps, avec la complicité américaine, de s'organiser en véritable Etat. Il ne lui manque que le drapeau, la monnaie et le timbre qui sont les attributs traditionnels de la souveraineté. D'autre part, comme un grand, le Kurdistan a déjà des revendications territoriales. Il projette d'annexer Kirkouk, région riche en pétrole. Les Américains n'ont pas pulvérisé l'Irak justement pour le pétrole et voulaient l'offrir à l'une des parties. Le pétrole restera américano-anglais avec des fantoches comme paravent. D'autre part, les peshmergas qui faisaient la guérilla à l'ancien régime, ont été intégrés aux forces de police kurdes. Ce qui est éminemment significatif, il n'est guère nécessaire de dresser la liste des privilèges étatiques dont jouit le Kurdistan. On se souvient que, durant les préparatifs de la guerre américaine, les opinions publiques, y compris la “Ligue arabe” étaient contre le démantèlement de l'Irak. Pour ce qui est de la “Ligue arabe” elle sera probablement amputée de l'Irak qui n'est plus désormais totalement arabe. L'important est d'être élu à 80 % dans le voisinage. Il ne reste plus que les martiens pour croire à la démocratie américaine. Le point d'arrivée des Kurdes d'Irak constitue le point de départ de nouveaux conflits armés. En effet, la “réussite” des Kurdes d'Irak provoque un attrait irrésistible chez les Kurdes de Turquie qui sont en rebellion armée, depuis une trentaine d'années. 30.000 morts, jusqu'au cessez-le-feu. Mais, depuis quelques semaines, la guérilla a repris, et même un poste de l'armée turque a été attaqué, faisant des morts. Dans quel but ? Il semble qu'une certaine autonomie ne leur suffise plus, quand le Kurdistan irakien leur semble en meilleure posture. Qui sait si, à terme, les deux Kurdistans ne voudront pas s'unir pour ne former qu'un seul Etat. On peut imaginer que c'est la stratégie américaine. Sauf que, cette fois, cela concernera quatre pays. L'Irak, la Turquie, l'Iran et la Syrie. Celle-ci est déjà menacée parce qu'en Irak, les troupes américaines traquent des guérilleros qui viendraient de Syrie. Les combats ont lieu à la frontière. Des débordements et des “bavures” sont toujours possibles. En outre, il est moins dangereux d'attaquer la Syrie que l'Iran, pour couvrir le fiasco en Irak et achever le fameux projet du grand Moyen-Orient. Car il ne faut pas croire que le président américain reculera à la suite des derniers évènements en Amérique. Il a fait son autocritique concernant les défaillances de son administration. Les Américains, qui aiment cela, lui redonneront du crédit. Et si la guerre d'Irak coûte fort cher, plusieurs pays voisins sont prêts à sortir à nouveau leurs chéquiers. Un signe. On n'entend plus parler de Cindy Chahin, dont les fils avaient péri pendant la guerre du Président. Bien évidemment, le cas du Kurdistan intéresse à plus d'un titre. Ne serait-ce que parce que l'Administration américaine n'est jamais crédible parce qu'elle n'est soucieuse que des intérêts américains. Si un Américain vous serre la main, il faut veiller à compter ses doigts. Il faut souligner que l'armée américaine est au cœur de l'Afrique, sous prétexte de lutter contre “le terrorisme”. Ceci étant, le Maroc est vigilent et n'a rien à craindre. Il y a quelques années, tous les Marocains ont prêté serment pour que pas un seul pouce des provinces sahariennes ne soit cédé à l'étranger. Richement encadré, le serment avait orné les bureaux ministériels, les administrations et même le secteur privé. On suppose que c'est toujours le cas.