Transfert de technologie Malgré l'impact économique considérable que peut avoir l'implantation des multinationales au Maroc, le transfert de technologie ou de compétences est le plus important. Le Maroc profite-t-il réellement d'une telle dynamique ? Esquisse de réponse. "La multinationalisation n'est pas une décision qu'une entreprise quelconque peut prendre de but en blanc. Elle est l'aboutissement logique d'une évolution généralement réservée aux firmes tournées depuis longtemps vers l'exportation. Franchir ce stade représente la seule solution qui leur permetta de survivre et poursuivre leur croissance". Ainsi parlait Charles-Albert Michalet, spécialiste français de la stratégie des firmes multinationales à Paris X. Si ces explications fournissent les objectifs des FMN, elles ne disent pas l'intérêt que les pays récepteurs puissent en tirer. Et pourtant l'impact de ces firmes est indéniable, ne serait-ce qu'en matière de transfert de technologies. À cet égard, le cas de Labinal Maroc spécialisé dans la fabrication du câblage électronique, est éloquent. Pour son directeur général, Patrick Gaillard : « la présence d'une filiale de Labinal au Maroc, correspond à un besoin de délocalisation. Le Maroc nous offre plein de possibilités. C'est ce qui a amené Labinal Maroc à racheter l'activité aéronautique de Gespac pour gagner du temps et de l'outil opérationnel ». Ce rachat a permis à Labinal Maroc de s'offrir un terrain de 10.000 mètres carrés à Nouaceur. Un tel investissement ne doit pas être seulement perçu sous son aspect relatif à la création d'emplois et l'apport en devises mais aussi par son caractère de transfert de technologies. En injectant 100 millions de DH dans ce site de production dont 66 millions dans les bâtiments, Labinal Maroc s'investit pleinement non seulement dans la consolidation du capital physique mais aussi dans le perfectionnement des ingénieurs et techniciens marocains. Ils sont plus de 20 % des 270 personnes que Labinal Maroc emploie aujourd'hui. "En s'implantant au Maroc, une multinationale comme la nôtre fait plus que cela. Elle vient avec un savoir-faire technique. Ce savoir-faire passe par les hommes qui les portent ensuite sur le terrain. Pour nous, il s'agit de 98 % de Marocains qui s'enrichissent de ces acquis et les conservent pour la vie y compris lorsqu'ils nous quittent pour La concurrence", poursuit Patrick Gaillard. Si pour l'instant cette firme aéronautique n'a pas commencé à rapatrier une partie de ses bénéfices, ce n'est pas parce qu'elle est un enfant de chœur mais plutôt par souci de bien réussir son investissement. "Les FMN ne font pas du social. Quand elles s'implantent dans un pays, elles cherchent à faire des profits. C'est aussi simple à comprendre", souligne pour sa part, un ingénieur qui avait servi à Procter & Gamble et qui est aujourd'hui à la tête d'une firme marocaine. Transfert de compétence L'une des firmes internationales présentes au Maroc et qui est à l'avant-garde de ce combat est ST-Microelectronics. En 2000, elle a délocalisé à nouveau une partie de ses activités de recherche et développement au Maroc, selon le Rapport 2005 sur l'investissement dans le monde de la CNUCED. Le centre de conception de Rabat fait partie d'un réseau global de 16 centres situés en république Tchèque, en France, en Allemagne, en Inde, en Italie, au Maroc, en Tunisie, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis. À l'intérieur de ce réseau, la mission de base du centre de Rabat est de développer des produits destinés aux téléviseurs numériques, aux lecteurs DVD, aux écrans plats et aux caméras vidéos. Cette unité de recherche emploie 170 personnes et projetterait, toujours selon le même rapport, de porter ce nombre à 700 à l'horizon 2009. De plus, l'entreprise a mis en place un centre de formation, le premier du genre dans le pays, en vue de former les professeurs ainsi que les étudiants des universités et écoles d'ingénieurs. ST-Microelectronics leur dispense également le programme nécessaire pour les faire contribuer aux besoins de l'innovation dans l'industrie des semi-conducteurs. En 2001, la filiale du géant français de l'électronique a lancé sa première coopération avec l'Université Mohammed V d'Agdal comprenant des bourses d'étude, un programme d'échange ainsi qu'un soutien financier aux cours de microélectronique. De même, il a mis en place un centre de conception en collaboration avec l'Ecole Mohammedia des ingénieurs. C'est dire que pour ST-Microelectronics, le transfert de technologie prend une forme encore plus poussée via un transfert de compétences. Dans le domaine des services, l'impact des firmes multinationales est loin d'être négligeable. Même si, à ce niveau, on préfère parler de transfert de compétences que de technologies. Pour le directeur général de Accor Maroc, Marc Thépot, l'objectif de son groupe au Maroc “est d'y introduire des métiers émergents mettant en œuvre les nouvelles technologies de l'information et du commerce dans le domaine du tourisme. Il s'agit aussi d'apporter une qualification à la gestion de projets et une sensibilisation aux problèmes de sécurité des données et des transactions". Et d'ajouter : "en ce qui concerne le Maroc, je crois que l'apport d'une multinationale comme Accor est conforté par son association avec des grands partenaires actionnaires marocains. Ce sont ces partenariats locaux qui permettent cette fusion nécessaire entre multinationale et pays d'implantation". Pour la quasi-totalité des dirigeants des filiales des firmes internationales installées au Maroc, il n'y a pas d'apport de leur part sans prise en compte de la culture locale, des sensibilités, des cicatrices passées voire des erreurs et des échecs des groupes multinationaux qui ont plié bagage. La force des grands groupes est de pouvoir apporter toujours quelque chose, à commencer par une ouverture sur des méthodes, des hommes et des techniques nouvelles. "On est bien loin de l'image d'Epinal du colonisateur qui prend et dépouille sans donner. Ce doit être un contrat gagnant-gagnant", souligne encore le patron de Accor Maroc.