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La suppression de la compensation vaut-elle vraiment le coup ?
Publié dans La Vie éco le 06 - 02 - 2018

Le gouvernement veut améliorer l'allocation des dépenses de subventions en ciblant les bénéficiaires légitimes. Il prépare pour cela la mise en place d'un registre social unifié, un peu sur le modèle de l'expérience indienne. Faut-il supprimer les subventions pour les riches ou les imposer un peu plus ?
Le chef du gouvernement, Saad Eddine El Othmani, l'a encore répété il y a quelques jours : le processus de réforme de la compensation, qui a concerné jusque-là les produits pétroliers liquides, ira à son terme. L'année 2020 est l'horizon fixé pour lever complètement le soutien des prix des produits encore subventionnés, soit le sucre, la farine nationale de blé tendre (FNBT) et le gaz butane. L'objectif affiché est de substituer à la redistribution universelle, jugée inéquitable, une redistribution plus ciblée. Pour y parvenir, il faudra au préalable identifier, de façon aussi précise que possible, les bénéficiaires de l'aide publique. C'est le chantier sur lequel travaille l'Exécutif et dont le maître d'œuvre est le ministère de l'intérieur, aidé par le Haut Commissariat au Plan (HCP), a déclaré en substance à La Vie éco Lahcen Daoudi, ministre délégué chargé des affaires générales et de la gouvernance.
Concrètement, il s'agit de mettre au point un registre social unifié (RSU), sorte de base de données socioéconomiques des citoyens, qui servira à mieux identifier les situations de pauvreté et de vulnérabilité. «C'est une étape fondamentale, car nous avons besoin de connaître dans le détail non seulement les personnes en situation de précarité, mais également de recenser tous les filets sociaux existants, les personnes qui en bénéficient et celles qui en sont exclues... Il faut savoir que nous avons déjà entre 20 et 25 milliards de DH de filets de sécurité, déployés sous diverses formes, mais il n'y a aucune coordination entre ces dispositifs. L'idée est de regrouper toutes ces aides, d'en avoir une meilleure vision afin de les redistribuer de façon plus ciblée, plus efficace», confie M. Daoudi. «Imaginez, poursuit-il, ce que cela représente comme potentiel de croissance de la demande intérieure, donc du PIB, si nous parvenons à injecter 20 à 25 milliards de DH de façon appropriée !».
En Inde, 40% des fonds d'aide sont détournés
Tout le problème est là: Comment s'assurer que l'aide publique ira à ceux qui la méritent, à ceux qui en ont le plus besoin, et d'abord sur quels critères se basera-t-on pour décider de l'éligibilité au soutien de l'Etat ? Lahcen Daoudi, visiblement subjugué par l'expérience indienne en matière de ciblage et dont le gouvernement veut s'inspirer, balaie l'objection d'un revers de la main : «Si l'Inde, avec une population de 1,3 milliard de personnes, a réussi à cibler son action sociale, pourquoi tout d'un coup ce serait difficile de faire de même au Maroc ?». Le ministre délégué chargé des affaires générales et de la gouvernance, économiste de formation, ne paraît pas accorder de crédit aux critiques du système indien de subvention émises parfois par des responsables indiens eux-mêmes. Le Commissaire au plan indien a reconnu, il y a quelques années, que «près de 40% des fonds dédiés [aux programmes de redistribution, NDLR] sont détournés par des fonctionnaires corrompus» (conf. Le Monde du 22 mars 2012). C'est aussi l'avis d'une personnalité très impliquée dans la lutte contre la pauvreté, connue en Inde comme à l'international, Renana Jhabvala : «Le ciblage des politiques sociales indiennes (...) se révèle inefficace et inéquitable. Les carences et la corruption qui frappent l'appareil bureaucratique freinent le recul de la pauvreté, malgré les moyens mis en œuvres» (in Alternatives Sud, volume 18-2011).
Nonobstant les immenses progrès accomplis par ce pays, notamment dans le domaine des nouvelles technologies, la moitié des foyers ne disposeraient pas de toilettes; la mortalité infantile, certes en baisse, serait de 46 pour 1000 (75 pour 1000 il y a dix ans) ; l'espérance de vie à la naissance serait encore inférieur à 70 ans ; et, pour tout dire, près de 300 millions de personnes (21% de la population) en Inde vivraient sous le seuil de pauvreté (au seuil de 1,9 dollar). C'est vrai, il y a dix ans, le taux de pauvreté était de 38%. Mais la question est de savoir à quel prix le recul de la pauvreté, tout relatif d'ailleurs, a été obtenu.
Cela dit, l'Inde est un cas particulier eu égard à la taille de sa population et à sa diversité culturelle et religieuse tout à la fois. Par conséquent, ce qui vaut pour l'Inde ne l'est pas forcément pour tous.
La pauvreté touche au Maroc 3,9 millions de personnes
Avec un système de redistribution universel, le Maroc a lui aussi réussi à ramener le taux de pauvreté monétaire de 15,3% en 2001 à 8,9% en 2007 et à 4,8% en 2014, selon les dernières statistiques du HCP à ce sujet. La pauvreté multidimensionnelle, qui se base sur un indice composite du bien-être (santé, éducation, conditions de vie), a quant à elle baissé au rythme de 9,4% par an en moyenne entre 2007 et 2014 pour s'établir à 8,2% au lieu de 25%. Ainsi, sous ses formes monétaire et multidimensionnelle, la pauvreté globale touche 3,9 millions de personnes, soit un taux de 11,7%.
Est-ce que les subventions accordées jusque-là ont été pour quelque chose dans le recul de la pauvreté au Maroc ? Dans une récente étude (novembre 2017) où il a abordé cette question, le HCP admet que les dépenses publiques consacrées aux subventions sont «globalement pro-classe moyenne et pro-classe aisée». Avec un poids démographique de 10%, la classe aisée bénéficie de 14,4% du total des subventions. En revanche, la classe modeste, qui représente 31,2% de la population, n'en profite qu'à hauteur de 23%. Quant à la classe moyenne, elle tire le gros des dépenses de compensation, soit 62,2% pour un poids démographique de 58,7%.
Ce schéma de répartition inégalitaire des subventions n'empêche pas le HCP de constater qu'il y a eu malgré tout, au cours des quinze dernières années, une amélioration de la part reçue par les 20% les plus défavorisés qui est passée de 11,1% en 2001 à 13,7% en 2014. Plus généralement, note-il encore, «l'effort redistributif des subventions a contribué à l'équité verticale en réduisant les inégalités sociales». L'indice de Gini, qui mesure les inégalités sociales, est aujourd'hui de 39,5 au lieu de 40,6 en 2001. Sans l'incidence redistributive de ces subventions, disent les statisticiens du HCP, le coefficient de Gini aurait été de 40,5 en 2014 et de 41,2 en 2001. La conséquence ? 6% de la classe moyenne, soit 1,2 million de personnes, auraient basculé dans la classe modeste, et le taux de pauvreté monétaire aurait été non pas de 4,8% mais de 6,6%.
Augmenter les impôts des riches est techniquement plus facile
Et, cependant, quelles qu'aient pu être les améliorations obtenues sur ce front, le schéma de redistribution universel n'est pas exempt de reproches. Et le principal de ces reproches est qu'il "donne" à la classe aisée plus qu'à la classe modeste et, ce faisant, engendre une déperdition des ressources publiques. Mais le ciblage aussi a ses propres travers, comme les détournements de deniers publics, souvent rendus possibles par la complexité des mécanismes de transfert. Reste que les subventions universelles, à la différence des subventions ciblées, sont moins...stigmatisantes dans le sens où elles ne contraignent aucun à afficher son statut social, comme c'était le cas jadis, au temps des «bons» alimentaires; elles paraissent donc plus adaptées à l'ère moderne. Maintenant, s'il faut que les riches n'en tirent pas profit, et ils ne devraient pas, les solutions existent. Et la meilleure, la plus moderne de ces solutions, c'est la fiscalité. Rien en effet ne devrait empêcher d'imposer un peu plus ceux que l'on considère précisément comme des indus bénéficiaires des subventions. Sur le plan pratique, ce serait d'ailleurs moins compliqué d'augmenter les impôts des riches pour leur retirer la part des subventions dont ils ont pu bénéficier que de construire tout un échafaudage, probablement très coûteux, pour tenter, via le ciblage, d'atteindre le même but. Avec des subventions représentant tout au plus 1,3% du PIB (un peu plus de 15 milliards de DH en 2017), cela en vaut-il la peine ? Et puis, mis à part le gaz butane, que représentent les charges de compensation du sucre, de la FNBT et du blé tendre ? 3,7 milliards de DH en moyenne annuelle entre 2012 et 2016 pour le sucre, et 2,2 milliards par an pour la FNBT et le blé tendre !
[tabs][tab title ="Gaz butane : baisse de la subvention unitaire de 45,6% depuis 2012"]La charge de compensation du gaz butane s'est élevée à 7,06 milliards de DH en 2016, au lieu de 8,7 milliards en 2015 et 13 et 14,7 milliards de DH respectivement en 2011 et 2012 (la décomposition des charges de compensation pour 2017 n'est pas encore publiée). La consommation de ce produit a doublé entre 2002 et 2016, passant de 1,1 million à 2,26 millions de tonnes entre les deux dates. La subvention unitaire annuelle moyenne pour la bonbonne de 12 kg s'est établie à 49 DH en 2016 contre 90 DH en 2012, soit une baisse de 45,6%.[/tab][/tabs]


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