Rabat accueille des réunions de haut niveau pour renforcer le partenariat stratégique entre le monde arabe et la Chine    Service militaire: Mobilisation de moyens technologiques pour aider les personnes n'ayant pas pu remplir le formulaire de recensement par leurs propres moyens (responsable)    JPO de la DGSN : "L'espace enfant", une illustration de l'ouverture de la police aux petits et aux écoliers    Les PME marocaines s'inquiètent face aux cyberattaques et la montée de l'IA    "African Lion 2025": Déploiement d'un hôpital médicochirurgical de campagne dans la province de Tiznit    El Bellaoui promet une justice efficace, équitable et proche des justiciables    Grand oral d'Akhannouch mardi prochain à la Chambre des conseillers    Ould Errachid appelle à un engagement parlementaire accru au service des peuples africains    La Chambre des représentants franchit un cap avec la réforme du Code de procédure pénale    Tanger : Détails d'un important investissement chinois dans les technologies avancées des batteries    Paiements électroniques. Fin de monopole, début de concurrence    Traitement du graphite : Falcon Energy Materials et Fluoralpha s'associent au Maroc    Agadir : les paradoxes du marché du travail décortiqués    L'Egypte lance une mégapole high-tech    Commission nationale des investissements : 191 projets approuvés pour plus de 326 MMDH    Tanger : Le Suédois SKF inaugure son usine de roulements magnétiques    L'UE n'a pas exclu le Polisario d'une réunion ministérielle avec l'UA    Hajj: l'Arabie Saoudite déploie 25 centres saisonniers sur les routes vers La Mecque et Médine    Le Maroc bientôt relié aux Caraïbes : Antigua et Barbuda prépare un accord aérien bilatéral avec Rabat    Délégation émiratie à Bamako : Les Emirats arabes unis se rapprochent du Mali, un coup dur pour l'Algérie    Palestine : L'ambassadeur du Maroc fait partie de la délégation diplomatique ciblée par Israël    Affaire Kim Kardashian : 10 ans de prison requis contre le "cerveau" du braquage    La Côte d'Ivoire, hôte des Assemblées annuelles 2025 de la BAD    Maître Gims et Youssef Aarab mènent le club marocain Zaytouna FC vers la King's League    Noussair Mazraoui, l'assurance d'United pour conquérir la Ligue Europa    Trophée international Mohammed VI de polo: Le Maroc bat les Etats-Unis et file en finale    Marca : Cristiano Ronaldo dans le viseur du Wydad pour le Mondial des Clubs    Coupe Arabe des Clubs : les trois représentants marocains    Le DG de l'OMS salue les avancées significatives du Maroc en matière de santé    Ouarzazate/Tinghir : F.Z El Mansouri visite des projets "Daam Sakane" et lance l'aménagement des centres ruraux    Moroccans in Cape Town call for improved access to consular services in South Africa    Vidéo. INDH : Focus sur les réalisations des 20 dernières années    Musiques sacrées à Fès: un souffle haïtien guérisseur au jardin Jnan Sbil    Tanger accueillera la 25e édition du Festival national du film du 17 au 25 octobre 2025    Formation des enseignants d'EPS au hip-hop et au breakdance    Dialogue des âmes et renaissances artistiques : les incontournables du Festival de Fès    Morocco reportedly considered as filming location for next Spider-Man film    Journée mondiale du thé : Le Maroc à l'honneur au siège de la FAO à Rome    Morocco issues first ESCO authorization, boosting energy efficiency and job creation    Lekjaa aux jeunes Lions de l'Atlas : Les supporters marocains s'attendaient à une performance plus convaincante et plus stable    Coupe du Trône / 8es (MAJ) : FAR-RCAZ, ce soir    Une ministre palestinienne salue les efforts de Mohammed VI pour la solution à deux Etats    Sahara : Mauritania's Foreign Minister meets with De Mistura in Brussels    Commission nationale des investissements : 191 projets approuvés pour plus de 326 milliards de dirhams    Les prévisions du mercredi 21 mai    Lekjaa : L'organisation d'événements sportifs, un levier de développement    L'intérêt culturel en Chine se manifeste : plus de 1,4 milliard de visites dans les musées en 2024    Festival de Fès des musiques sacrées : l'Afrique au cœur de la Renaissance    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Paroles de prisonniers de Guantanamo
Publié dans La Vie éco le 24 - 03 - 2006

Le Pentagone a diffusé sur le Net 5 000 pages d'entretiens avec les prisonniers.
Parmi 750 détenus, les noms de 350 seulement y figurent.
14 Marocains rapatriés à ce jour,
9 seraient toujours retenus à Guantanamo.
Qui sont les prisonniers de Guantanamo ? Forcé en février dernier de révéler l'identité des prisonniers de la base américaine, à l'issue du procès qui l'avait opposé à l'agence Associated Press (AP), le Pentagone s'est contenté de diffuser sur son site web les transcriptions des entretiens qui ont servi à déterminer si les prisonniers étaient des «combattants ennemis». Ce sont ainsi quelque 5 000 pages de documents scannés pêle-mêle qui se trouvent sur le site www.defenselink.mil depuis une dizaine de jours : les noms n'y figurent pas systématiquement, ni les nationalités. Mais ces dernières peuvent être devinées au fil des conversations.
«Oui, j'ai rencontré Oussama Ben Laden, il a dit qu'il était prophète»
Certains entretiens sont très longs, lourdement documentés, parfois assortis de témoignages en faveur des prisonniers, de lettres de parents, ou plus rarement, des avocats des détenus. D'autres sont étonnamment courts, révélant la déception des prisonniers à la nouvelle que les témoins n'ont pas pu être joints ou que le motif de leur détention ne leur sera pas révélé, même après trois ans de détention, car relevant d'informations classées secret. Au final, seuls 317 des quelque 750 prisonniers qui auront transité par la base sont nommés dans la liasse mise en ligne. Pourtant, certains, à l'instar du Britannique Moazzam Begg, ont été libérés depuis belle lurette.
En compulsant la masse de documents publiés, il est difficile de faire la part entre bonne et mauvaise foi. «On nous a dit que les étrangers qui s'installaient en Afghanistan recevaient de la nourriture», explique ce prisonnier pour justifier son départ du Kazakhstan vers ce qui était à l'époque le pays des Talibans. Bien sûr, rares sont ceux qui reconnaissent avoir été du côté d'Oussama Ben Laden. Beaucoup se présenteront plutôt comme des fermiers, d'autres affirmeront que les armes retrouvées chez eux étaient gardées pour le compte du gouvernement de Hamid Karzaï, successeur des Talibans, ou présenteront des explications du même style.
Certains répondront par l'affirmative, mais le réalisme ne semble pas toujours au rendez-vous. «Oui, j'ai rencontré Oussama, il a lu le Coran, et il a dit qu'il était un prophète. Il a dit de très belles choses, très impressionnantes…», affirme cet ancien producteur, résidant au Pakistan avant son arrestation, et qui dit avoir discuté avec le chef d'Al Qaïda pour le lancement d'un programme télévisé religieux. D'autres, en revanche, cherchent à se concilier les bonnes grâces de leurs interrogateurs, chantant les louanges des Américains ou se lançant dans de longues diatribes sur la démocratie. L'un d'eux reconnaîtra tout de même que les autres prisonniers le considèrent comme un «collabo».
Au fil des entretiens, on retrouvera aussi les combattants d'une autre cause comme les Ouïgours, attirés par l'entraînement militaire fourni dans les camps afghans qu'ils souhaitaient appliquer contre la Chine.
D'autres encore semblent avoir été au mauvais endroit au mauvais moment, à l'instar d'Abdullah Kamal, ce Koweitien qui déclare être allé en Afghanistan pour distribuer des produits de première nécessité aux pauvres et s'être retrouvé coincé après la fermeture des frontières qui avait suivi les attaques du 11 septembre. Ce sera sa montre, une Casio modèle F91-W, qui sera invoquée comme preuve de sa collaboration avec les Talibans, cette dernière servant aux terroristes à détonner des engins explosifs.
Malgré la dose inévitable de mensonges, on ne peut s'empêcher de se demander si tous les prisonniers interrogés à Guantanamo sont vraiment des coupables. Un des cas les plus frappants restera celui de cet Afghan, du nom de Zahir Shah, qui ne semble pas vraiment réaliser que son arrestation a été motivée par le fait qu'il détenait des armes chez lui. «Ma seule inquiétude concerne ces biens personnels, ces armes que j'ai payées et qu'ils m'ont prises», insiste-t-il, très optimiste, à l'attention de ses interrogateurs. «Je suis sûr qu'ils me renverront chez moi un jour, mais est-ce qu'ils vont me les rendre quand je vais rentrer chez moi ? Si on ne me les rend pas, je veux qu'on me les rembourse». Prévenu par son interlocuteur qu'il n'avait pas de réponse à sa question, il cherche à savoir qui contacter pour récupérer ses biens. Où sont les vrais terroristes ? Font-ils partie de ceux dont les déclarations n'ont pas été publiées parce que, officiellement, ils n'auraient pas rendu le formulaire approuvant la publication de leur identité ? Dans ce cas-là, à quoi sert-il aujourd'hui, après des années d'incarcération, de garder leur identité secrète ?
D'une manière ou d'une autre, ces individus, pour la majorité capturés en Afghanistan durant l'offensive américaine qui avait suivi les attaques du 11 septembre 2001, se seront retrouvés à Guantanamo. Beaucoup parmi eux affirment avoir été livrés aux soldats américains à la suite de vengeances, parce qu'ils appartenaient à l'ethnie pashtoune ou encore parce qu'ils n'avaient pas versé de pot-de-vin aux forces de l'ordre afghanes. D'autres prisonniers se disent victimes de la chasse à l'Arabe qui avait suivi la chute du Mollah Omar. Selon certains, la confiance excessive des forces américaines en leurs alliés locaux et leur manque d'informations sur le milieu socioculturel afghan avaient entraîné des quiproquos, comme pour ce prisonnier qui découvre dans ces entretiens que, lors de son premier interrogatoire, il avait été classé comme Taliban alors qu'il avait déclaré être un «talib» (étudiant en religion)…
«La loi internationale ne s'applique pas ici»
A Guantanamo, le vide juridique prive les prisonniers de tout recours puisqu'ils ne sont pas des prisonniers de guerre, ni même des prisonniers ordinaires étant donné que le statut d'«ennemi combattant» n'existe pas en droit international. L'un d'eux, qui invoquera à plusieurs reprises les conventions internationales, se verra rétorquer par le juge passablement exaspéré : «Je répète, la loi internationale ne s'applique pas, les conventions de Genève ne s'appliquent pas. Vous avez été désigné comme un ennemi combattant. Ce tribunal écoutera de manière impartiale les explications que vous donnerez à propos de vos actions». Et les entorses au droit international ne se limiteront pas au territoire américain (Guantanamo compris) puisque certains prisonniers ont été enlevés alors qu'ils se trouvaient dans des pays tiers, à l'instar de cet Algérien capturé en Bosnie : «Le mot combattant ennemi signifie un prisonnier qui a été arrêté sur le champ de bataille, une arme à la main. Dans mon cas, j'ai été kidnappé de ma maison par les Américains», protestera-t-il. Il affirme qu'il n'a même pas fait l'objet d'un interrogatoire traitant de la raison avancée pour son incarcération: complot contre l'ambassade américaine à Sarajevo.
Les mauvais traitements infligés aux prisonniers sont courants. L'un des Marocains récemment libérés en fera les frais : selon Me Hassan Halhoul, avocat de Najib Lahssini, son client aurait perdu l'usage de la main suite aux mauvais traitements subis à Kandahar, alors qu'il se trouvait sous la responsabilité des forces américaines. Par ailleurs, si la sous-traitance de la torture a été largement médiatisée (l'Egypte est mentionnée dans l'un des entretiens), les forces américaines auront ajouté pas moins de 17 nouvelles méthodes d'interrogatoire au manuel de terrain de l'armée de 1987, avec l'approbation officielle du secrétaire d'Etat à la défense Donald Rumsfeld. Les Marocains ne seront pas épargnés : Najib Lahssini, ramené au Maroc à l'occasion de la visite officielle de D. Rumsfeld, est le premier sur lequel on ait testé les méthodes d'alimentation forcée, explique son avocat, Me Halhoul, qui ajoute que 9 Marocains seraient toujours retenus sur place.
Etrangement, la publication de ces documents aura coïncidé avec des déclarations américaines et britanniques suggérant que le centre devrait être fermé. Guantanamo renferme-t-elle le secret qui fera tomber George W. Bush, à l'instar de Lyndon Johnson durant la guerre du Vietnam ?
De leur côté, plusieurs défenseurs des anciens de Guantanamo au Maroc envisagent d'intenter un procès aux autorités américaines, à l'instar de ce qui s'est fait en France et en Grande-Bretagne, mais des contraintes majeures apparaissent déjà. «Ce dossier ne peut pas être déposé en dehors des Etats-Unis, car s'il est traité par la justice marocaine, nous ne pensons pas qu'il aura valeur aux yeux des Américains», explique Mustapha Ramid, avocat de Alami Slimani. Selon lui, pourtant, le projet est bloqué car les familles des concernés n'ont pas les moyens de porter plainte sur le territoire américain
Le vide juridique prive les prisonniers de tout recours puisqu'ils ne sont ni des prisonniers de guerre ni des prisonniers ordinaires. Le statut «d'ennemi combattant» n'existe pas en droit international.
Une procédure contre l'administration américaine à l'étude
La Vie éco : Combien de Marocains reste-t-il aujourd'hui à Guantanamo ?
Me Hassan Halhoul : Quand les trois derniers sont rentrés de Guantanamo (ndlr : Najib Lahssini, Mohammed El Ouali et Mohammed Souleïmani Laalami), ils ont dit que 9 Marocains étaient restés sur place.
Dans quel camp se trouvaient vos clients ?
Je ne les ai pas interrogés à ce sujet. Mais il faut que vous sachiez une chose : parmi les gens que je représente, il y a Najib Lahssini, qui a été la première personne dont on a interrompu la grève de la faim avec la méthode d'alimentation forcée.
Des procès ont été intentés en Grande-Bretagne et en France au nom d'anciens prisonniers, contre les Etats-Unis. Et au Maroc ?
Nous sommes en train d'étudier, avec un groupe de collègues chargés de la défense d'anciens prisonniers, le lancement d'une procédure contre l'administration américaine. En effet, plusieurs prisonniers souffrent de séquelles physiques, comme Najib Lahssini qui a perdu l'usage de la main alors qu'il se trouvait à Kandahar, aux mains des soldats américains. D'autres souffrent de maladies graves, mentales, physiques. Nous allons donc exiger de l'administration américaine de payer des dommages et intérêts pour un emprisonnement de quatre ans, illégal, contraire aux droits de l'homme et qui porte atteinte aux lois américaines elles-mêmes, ces dernières exigeant le jugement de l'accusé dans les cent jours
Maître Hassan Halhoul Avocat de trois ex-prisonniers de Guantanamo


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.