Innover ou disparaître! C'est le choix qui se présente aux entreprises marocaines. «Sans innovation, nous ne pouvons pas parler de présence effective sur l'échiquier international», souligne Abdelkader Amara, ministre de l'Industrie, du commerce et des nouvelles technologies, dont le département pilote une stratégie de l'innovation. Lancée fin 2009, cette stratégie ne semble pas encore avoir porté ses fruits. Après avoir dégringolé à la 88e position dans l'indice de Global Innovation en 2012, le Maroc poursuit son recul cette année en se plaçant à la 92e position du même classement. Ce classement n'est en réalité que le reflet d'un secteur privé en manque de compétitivité, et d'une industrie en panne d'inspiration. «Je ne cherche pas à critiquer, mais il faut dire que, lorsqu'on voit cet indice, nous retrouvons certains pays mieux classés que le Maroc alors que tout le monde sait que cela est impossible», tempère Amara. Cependant, tout n'est pas à jeter dans ce classement. À en croire le département de l'Industrie, il faudra rebondir dessus pour demander aux entreprises de mieux faire. Retard réglementaire Un coup d'œil aux indicateurs de Global Innovation 2013 renseigne sur un retard essentiellement réglementaire. «À ce niveau, nous venons de prendre tout un arsenal de mesures, à commencer par le décret sur le Comité national de l'innovation et de la recherche industrielle. Nous travaillons actuellement sur un vrai cadre législatif de l'innovation», souligne le ministre. Une étude juridique pour la mise en place d'un cadre réglementaire efficace et souple en faveur de la promotion de l'innovation au sein des entreprises et des organismes de recherche au Maroc a été réalisée fin 2012. À pratiquement un an de son lancement, cette étude n'a finalement pas abouti à l'adoption de textes; à peine parlera-t-on du lancement du projet de décret relatif à la création du Comité national de l'innovation. Pourtant, l'étude, supervisée par un comité de pilotage composé de l'ensemble des partenaires concernés, a permis de proposer plusieurs projets de texte, dont un projet relatif à la Jeune entreprise innovante (JEI), ou encore un autre instituant le système du crédit impôt recherche. Parmi les grands textes attendus figure notamment un projet visant la promotion de l'essaimage d'entreprises, en donnant la priorité aux projets innovants à haute valeur ajoutée et aux créateurs d'emploi. Les efforts du ministère de l'Industrie devraient se focaliser les prochains mois sur cette question. «Il est d'abord urgent de mettre en place un cadre législatif qui établit un certain nombre de définitions, notamment celles de l'entreprise innovante, de l'essaimage ou encore du crédit impôt recherche», ajoute Amara. Ce projet de texte doit définir la nature et les activités de la R&D, notamment la recherche fondamentale, la recherche appliquée et le développement expérimental. Celui-ci devrait notamment revenir sur la nature et les activités de l'innovation concernant la mise en œuvre d'un produit (bien ou service) ou d'un procédé. Le retard accusé au niveau de la mise en œuvre de ces textes est à l'origine du fait que ces derniers n'ont pas été retenus dans le cadre de la loi de finances 2013. Il y a de quoi s'inquiéter lorsqu'on connaît notre tendance à rater les objectifs des stratégies sectoriels, surtout que la feuille de route pour l'innovation se fixe des objectifs jugés parfois trop ambitieux. D'un point de vue quantitatif, on parle de la production de 1.000 brevets marocains et de 200 start-up innovantes à l'horizon 2014. À en croire le département de l'Industrie, l'objectif à moyen terme est de faire entrer le Maroc dans le club des pays producteurs de technologies, rien que ça. Il s'agit également de «permettre l'éclosion d'une économie à forte valeur ajoutée, mais aussi de renforcer l'image du Maroc au niveau international, et donc son attractivité pour les investissements», souligne la feuille de route du ministère. Le réveil risque d'être brutal dans quelque mois, lorsque l'échéance 2014 de certains projets sera arrivée à terme. «Honnêtement, nous ne sommes pas encore arrivés au stade où les entreprises ont adhéré au concept de l'innovation», avoue Amara. Pour le ministre, un vrai travail pédagogique devra être mené pour redresser la barre. «Il faut qu'on aille vers la nécessité d'en faire une dimension sociétale, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Il ne faut pas qu'on se voile la face, l'innovation n'a jamais été une priorité pour nous», regrette Amara. L'innovation, au sens le plus rudimentaire du terme, était jusqu'ici une activité universitaire totalement déconnecté des réalités économiques du pays. D'abord l'entreprise, ensuite l'université Aujourd'hui, la stratégie innovation, bien qu'intégrant un grand volet universitaire, compte se recentrer sur l'entreprise. «Nous travaillons avec les autres départements, notamment celui de l'Enseignement supérieur. Ce que nous voulons vraiment, c'est que l'entreprise puisse innover, notamment dans son fonctionnement. C'est pourquoi on parle d'innovation et non pas d'invention», souligne le ministre. Ce choix est compréhensible au regard de l'état déplorable de l'université au Maroc. «Notre département ne peut pas attendre, nous avons des entreprises que nous devons intégrer dans cette dynamique, quitte à les y forcer», confirme Amara. Le département de l'Industrie n'en abandonne pas pour autant le travail avec les autres départements ministériels qui se trouvent au centre de la stratégie. La récente mise en place d'un projet de décret instituant le Comité national de l'innovation et de la recherche industrielle en est l'exemple le plus probant. Présidé par le chef du gouvernement, cet organe devrait réunir les différents départements ministériels concernés, mais également le secteur privé à travers la CGEM et le GPBM, ou encore le monde académique et universitaire avec la conférence des présidents d'universités, et l'Académie Hassan II des sciences et techniques. Pour le ministre, il s'agit là d'un canevas idéal pour des discussions interministérielles, permettant notamment d'optimiser les ressources humaines et financières entre les différents départements. Pour rappel, dans le cadre institutionnel, un pas a déjà été franchi à travers l'institution du Centre marocain de l'innovation (CMI) créé en juillet 2011. Ce guichet unique, vers lequel se dirigent les porteurs de projets innovants, se charge de la gestion des différents fonds et programmes de l'innovation. Ce travail complète celui du comité national qui se chargera de piloter la stratégie dans sa globalité. Le CMI a pour mission de promouvoir les mécanismes de financement de l'innovation, ainsi que le montage et la gestion des dossiers de demandes de financement de l'innovation. Le CMI est administré par un Conseil d'administration présidé par le ministre de l'Industrie, du commerce et des nouvelles technologies et composé des membres fondateurs, des bailleurs de fonds et des membres du Comité national de l'innovation. Depuis son lancement, le CMI a mis en place des structures, et mis en ligne une plateforme de dématérialisation complète de l'ensemble des procédures et processus à l'adresse www.cmi.net.ma. Soutien financier : Appel à projet ouvert ! Le ministère de l'Industrie, du commerce et des nouvelles technologies vient de lancer, lundi dernier, la 2e édition du financement de ses projets innovants pour l'année 2013. Il s'agit de deux nouvelles éditions d'appel à projets pour les instruments de financement «Intilak» et «Tatwir», destinés à promouvoir l'innovation, valoriser la R&D et générer la propriété industrielle et intellectuelle au Maroc. Afin de bénéficier de ces instruments, les porteurs de projets pourront soumettre en ligne leurs dossiers de candidature à travers la plateforme de gestion du Centre marocain de l'innovation (www.cmi.net.ma), jusqu'au 7 octobre prochain. Une fois complétés, ces dossiers devront être déposés (format papier) au niveau du Centre marocain de l'innovation. Selon les derniers chiffres pour l'année 2012, ce soutien financier aurait permis de financer pas moins de 40 projets. 50% dans le secteur industriel, 40% dans le secteur des TIC et quelques autres projets dans le secteur des technologies avancées. Ces instruments sont financés dans le cadre d'un «fonds de soutien de l'innovation» et un «programme de financement de la R&D dans les technologies avancées» avec respectivement un budget global de 380 et 50 MDH. Le fonds de soutien comprend trois instruments de financement, à savoir Intilak, Tatwir et Rdta. L'instrument «Intilak» est destiné aux startups innovantes ayant moins de deux ans d'activité en phase de démarrage, porteuses d'un projet d'innovation ou d'un projet de valorisation R&D, et finance 90% des dépenses du projet dans la limite d'1 MDH TTC. Quant à «Tatwir», il est destiné aux entreprises ayant plus de deux années d'existence, dédié aux projets de R&D portés par une entreprise ou un groupement d'entreprises agissant dans le cadre d'un cluster en phase de développement, ou encore d'un consortium d'entreprises ou d'organismes de recherche, et finance 50% des dépenses du projet, dans la limite de 4 MDH TTC.