L'année 2014 sera sans doute charnière pour les relations commerciales entre le Maroc et les Etats-Unis. Cette année, qui signe la fin du démantèlement pour les produits industriels hors textile concernés par l'ALE de 2006, verra également l'entrée en vigueur du nouvel accord bilatéral concernant les procédures douanières. Le projet de loi portant approbation de ce texte vient en effet d'être déposé sur le circuit législatif et devrait être validé durant les prochains jours. Concrètement, ce projet instaure une assistance mutuelle entre les administrations douanières du Maroc et des Etats-Unis. «Cet accord permet aux administrations douanières des deux parties de se prêter mutuellement assistance sous forme d'échange et de communication d'informations aux fins d'une imposition exacte des droits de douane et autres taxes», explique une source autorisée auprès de l'Administration des douanes. Ce projet d'accord a été initié dans le cadre de la mise en œuvre des dispositions douanières contenues dans l'ALE de 2006. Il s'inspire en ce sens du modèle d'accord d'assistance mutuelle établi par l'Organisation mondiale des douanes et adopté par plusieurs pays membres. Moins d'obstacles pour les exportateurs Sur le terrain, cette assistance a pour but d'assurer un contrôle de plus en plus efficace des mouvements des personnes, des marchandises et des moyens de transport dans les domaines liés à la prévention, à l'investigation et à la répression des infractions douanières. Elle se matérialise par l'échange d'informations, de documents et d'experts, entre les services spécialisés des douanes dans des affaires de lutte contre la fraude. Mais ce n'est pas tout! Lors de sa signature en novembre dernier à Washington, les responsables des deux parties affirmaient que le texte introduit des mesures de nature à faciliter l'accès aux deux marchés pour les entreprises, et pour cause : le texte comprend de nouveaux engagements relatifs à la présentation de l'information avant l'arrivée des marchandises, ainsi que le paiement électronique des droits, taxes et redevances pour faciliter la libération rapide des marchandises. Selon le bureau du représentant au commerce américain (USTR): «ce texte comprend également des dispositions concernant la publication sur Internet, le transit, la transparence des sanctions, et d'autres mesures de nature à accroître la compétitivité du Maroc et lui permettre de bénéficier pleinement de son environnement commercial». De plus, la signature de cet accord a été accompagnée par l'adhésion du Maroc à deux accords relatifs respectivement aux principes communs encourageant l'investissement international et aux technologies de l'information et de la communication. En somme, cette nouvelle coopération devrait avoir un impact favorable sur les exportations marocaines qui font face depuis plusieurs années à des obstacles techniques relatifs notamment aux normes draconiennes de la FDA, l'«Agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux». C'est le cas surtout pour les produits agroalimentaires soumis parfois à des contrôles exigeants retardant les marchandises dans les ports, ou interdisant leur accès sur le marché. «Or, chaque jour de retard est estimé à une dégradation d'environ 0,5% sur la valeur du produit exporté», déplore Hakim Marrakchi, président du groupe de développement à l'international à la CGEM. L'amélioration du système d'échange d'information y compris le mécanisme de prédéclaration et de paiement électronique devrait permettre aux exportateurs de gagner quelques précieux jours d'attente et éviter les mauvaises surprises une fois la marchandise arrivée à bon port. Il est à noter que les dispositions de ce texte sont applicables depuis sa signature en novembre dernier. L'article 13 de l'accord permet en effet une application provisoire des dispositions en attendant l'échange effectif des instruments de ratification qui ne saurait tarder. Une logistique toujours aussi périlleuse Pourtant, les opérateurs habitués du marché américain affirment n'avoir constaté aucun changement à ce jour. Pour beaucoup, l'application de cet accord à lui seul ne suffira pas à faciliter la tâche aux exportateurs. «C'est surtout la logistique qui continue à poser de sérieux problèmes aux opérateurs», affirme Marrakchi. Avec l'absence d'une ligne maritime directe vers les Etats-Unis, il faut compter entre 5 à 6 semaines pour que la marchandise atteigne sa destination, sans oublier le transport par voie ferroviaire vers les grands centres de distribution qui peut prendre plusieurs jours aussi. «Le territoire des Etats-Unis s'étale sur tout un continent, les marchandises prennent beaucoup de temps pour atteindre les centres de distribution qui se trouvent généralement dans l'axe Chicago-Atlanta-Colorado», précise Marrakchi. Au final, la marchandise a au moins perdu 10% de sa valeur une fois arrivée à destination, ce qui suscite de vrais problèmes de compétitivité, sans oublier qu'une grande partie des opérateurs marocains ne connaissent rien du marché américain et de ses habitudes de consommation. La non-maîtrise de la langue peut également expliquer pourquoi les Marocains trouvent autant de difficultés à négocier avec les Américains. Selon le président du groupe de développement à l'international, des efforts d'orientation doivent être opérés pour permettre au Maroc de profiter pleinement de son ALE. Il s'agit surtout d'incitations fiscales permettant d'encourager les opérateurs à faire le pas. «Nous devons revoir la fiscalisation de la production de manière ciblée en vue de permettre aux exportateurs vers le marché américain de bénéficier d'une meilleure taxation de l'énergie, des services publics et des salaires». Les taxes actuelles devraient en effet aboutir à un coût supplémentaire évalué entre 8 et 9% du prix de production par la CGEM. Nabil Boubrahimi, professeur universitaire à la Faculté Ibn Tofail de Kénitra, spécialiste en commerce international. «Le Maroc doit profiter de l'expérience américaine» Les ECO : Les barrières non tarifaires font partie des principaux obstacles au développement des relations commerciales entre le Maroc et les USA. Quel impact ont les difficultés liées aux exigences de la FDA ? Nabil Boubrahimi : Les exigences de la «Food and Drugs Administration» (FDA) demeurent sévères tout autant pour les exportations marocaines que pour celles des autres partenaires commerciaux des USA. Le Maroc ne fait pas l'exception. Toutefois, la signature d'un accord sur la facilitation du commerce et des procédures douanières représente un facteur très favorable pour surmonter les difficultés quant à l'accès au marché américain. Il devrait permettre également de sécuriser les échanges commerciaux préférentiels avec ce pays et rassurer les opérateurs économiques marocains quant aux garanties que peut apporter cet accord en ce qui concerne leur accès à ce marché. Pourquoi un tel accord aujourd'hui ? La signature de cet accord fait suite aux règles de transparence qui ont été instaurées par le mécanisme d'échanges d'informations et de notification mutuelle des mesures affectant les échanges entre les deux pays. Il s'agit d'une exigence fondamentale de la bonne gouvernance économique et commerciale qui est affirmée par les ALE de troisième génération, dont fait partie l'accord signé entre le Maroc et les Etats-Unis. Quels peuvent être les futurs accords techniques complétant l'ALE signé en 2006 ? En plus des domaines déjà couverts, la future coopération peut concerner la convergence des mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS), les obstacles non tarifaires et la réglementation technique du commerce, qui demeurent des chantiers importants pour le Maroc. Ce dernier est appelé à évaluer la conformité de ses produits et de sa réglementation, autant que possible, avec celle américaine. Il s'agit d'élargir la collaboration au développement des infrastructures liées au commerce, à l'assistance technique américaine visant à renforcer le système de normalisation et d'accréditation. Quel avantage peut tirer le Maroc de ce type de coopérations ? Le Maroc doit profiter de l'expérience américaine quant à la surveillance du marché face à la concurrence déloyale. Il est à noter que les Etats-Unis disposent aujourd'hui de l'un des systèmes de défense commerciale les plus efficaces au monde. Le Maroc gagnerait à renforcer sa collaboration dans ce domaine et à tirer profit de l'expérience américaine. Il devrait également penser à reprendre le chantier de la mobilité des personnes physiques qui n'a pas été couvert par les dispositions de l'accord entré en vigueur en 2006. L'export en hausse de 17% sur les cinq prochaines années Selon une récente étude du Centre marocain de conjoncture (CMC), les relations commerciales entre le Maroc et les Etats-Unis devraient connaître un bon considérable dans les 5 prochaines années. «A l'horizon 2020, les exportations du Maroc sur le marché américain pourraient enregistrer une hausse moyenne de 17% par an». Ainsi, les exportations vers les Etats-Unis pourraient atteindre en valeur 28 MMDH. Cette perspective marquerait une sensible accélération de rythme par rapport aux résultats enregistrés depuis l'entrée en vigueur de l'ALE. La progression des exportations globales dans les années à venir présentera toutefois des configurations très différenciées selon les groupes de produits. Les demi-produits et les produits bruts d'origine minérale incluant principalement les phosphates bruts et les produits dérivés devraient enregistrer les plus fortes hausses avec des taux annuels moyens dépassant 18% par an en valeur courantes. Les produits finis d'équipement devraient suivre les mêmes tendances avec toutefois un rythme plus modéré. Les projections des exportations des biens d'équipements sur le marché américain retiennent un taux d'accroissement moyen en valeurs courantes de 9% par an à l'horizon 2020.