Amani Abou Zeid Représentante de la BAD au Maroc. Les ECO : L'Afrique est depuis quelques années en pleine dynamique économique. Comment définiriez-vous les missions de la BAD dans ce contexte ? Amani Abou Zeid : Le groupe Banque africaine de développement (BAD), comme vous le savez, est le bras économique et financier du continent africain, créé par les Africains pour les Africains. Au fil des années et des décennies, nous sommes devenus un véritable partenaire de choix pour le continent. Les gens pensent que la banque a uniquement un rôle financier. Il faut savoir cependant que nous avons également développé l'action de conseil, d'accompagnement et de veille structurelle. Nous tentons, à travers ces différents rôles, de fournir les meilleures prestations à nos clients institutionnels, généralement africains et de mettre à leur disposition les meilleures pratiques dans ce domaine. Nous avons, en plus, la spécificité de financer à la fois les secteurs public et privé. Quelle place occupe le secteur privé dans votre stratégie ? Notre portefeuille dans le secteur privé a pris de l'élan depuis plus d'une décennie déjà. Nous disposons d'un guichet souverain pour nos partenaires gouvernementaux, ainsi que d'un guichet non souverain, destiné aux partenaires privés. Notre objectif est d'une part le développement humain et l'amélioration du bien être socio-économique des Africains et d'autre part, de faire gagner au continent davantage de compétitivité économique. Sur ce volet, nous avons aussi une importante stratégie, qui sous-tend nos actions : celle de l'intégration économique continentale. Cela fait partie de nos objectifs majeurs, à travers nos différentes interventions. Par ailleurs, en répartition sectorielle, au fil des années, nos actions se sont surtout caractérisées par le développement des infrastructures dans les Etats membres. Les montants qui y sont alloués sont très importants. Il faut aussi y intégrer nos actions sur le volet des infrastructures sociales (éducation, santé, etc.). Ces objectifs tendent globalement à accompagner le développement du continent et de l'évolution de son climat socio-économique, d'autant plus que l'Afrique est le continent le plus jeune du monde, le plus dynamique aujourd'hui en termes de croissance économique et d'émergence progressive d'une classe moyenne de plus en plus importante. Une Afrique dynamique, vous le dites, mais pas encore assez intégrée... Il est certain qu'un marché continental intégré aurait des effets très positifs et partagés sur la croissance économique du continent. Au lieu d'avoir des économies et des marchés fragmentés, je pense en effet que le continent aurait tout à gagner de l'intégration. Une fois reliés, ces marchés pourraient constituer un bloc économique et commercial suffisamment important pour pousser la compétitivité du continent. L'Afrique est très riche en diverses ressources, qu'elles soient naturelles ou humaines. Nous espérons donc, à travers cette intégration, régionale, d'abord, continentale ensuite, augmenter la taille des marchés régionaux et continentaux et rendre le continent encore plus attrayant qu'il ne l'est déjà. La Banque assistera les économies africaines à acquérir les compétences nécessaires pour tirer parti d'une économie plus intégrée. D'après les statistiques de l'Organisation mondiale du commerce, la valeur des exportations africaines a augmenté de 11,3 % par an entre 2000 et 2009, contre une moyenne mondiale de 7,6 %8. Cependant, seule une part relativement limitée de 12 % de ce commerce est intra-régional, soit le niveau le plus faible au monde. Pensez-vous qu'il y ait des blocages politiques à cette intégration recherchée depuis des années ? Je pense sincèrement que c'est un faux débat. Il s'agit d'un réseau de transmission et d'interconnexion électrique entre l'Espagne, le Maroc et l'Algérie, financé par la BAD et qui devrait contribuer à améliorer les échanges énergétiques entre les deux pays. La question politique est souvent mise en avant, mais je pense que tant qu'il y a une volonté des acteurs, nous pouvons faire beaucoup de choses. Bien sûr, il est certain qu'il y a encore des efforts à faire pour lever certaines barrières à l'intégration, en termes, notamment, d'harmonisation des marchés et des textes les régissant. lI faudrait une bonne volonté politique pour porter tout cela. Elle ne semble pas encore là... Pas du tout. Elle est déjà là cette volonté, on l'entend de partout. On la retrouve dans nos projets, comme je viens de vous l'expliquer, en Afrique de l'Ouest avec l'UEMOA, en Afrique Centrale avec la CEMAC, à travers des projets d'infrastructures routières et de connexions logistiques transfrontalières. Cela ne nous rend pas moins conscients des problèmes spécifiques au continent, de la fragilité de certaines de ses activités. Nous avons mis au point une panoplie d'instruments adaptés, sur divers volets, pour prendre en compte toutes ces réalités. Le rôle de la BAD n'est pas uniquement financier. Nous avons une mission d'accompagnement des pays membres. Lors de la crise financière et économique de 2008-2009, par exemple, nous avions rapidement réagi en mettant en place des offres adaptées au contexte, qui visent à contribuer à la résilience des économies africaines. Cela prouve encore une fois notre dimension continentale, bien au fait des réalités économiques et évolutives de l'Afrique. Est-ce là le rôle du véritable partenaire au développement qui est mis en avant ? Tout à fait. Nous continuons de créer et de proposer des instruments financiers toujours adaptés au contexte. Nous ne sommes pas une structure d'aide au développement, nous sommes une institution de développement. La nuance est importante à soulever. Comment arrivez-vous à assumer cette mission, en interne ? La BAD a beaucoup évolué au fil des dernières années. Nous avons sensiblement rajeuni nos ressources humaines, pour apporter des visions nouvelles et rafraîchies sur le continent. Nous promouvons également la diversité au sein de nos équipes, pour refléter, évidemment, celle du continent. Nous avons aussi intégré dans nos équipes de plus en plus de femmes cadres, portées parfois à d'importants postes de responsabilité au niveau même de la structure. L'institution a aujourd'hui gagné beaucoup en attractivité pour les profils les plus pointus.