L'information est tombée comme un couperet : le grand musicien marocain Abdenbi Jirari est décédé hier matin à Rabat, à l'âge de 87 ans, des suites d'une longue maladie. Il était l'un des paroliers et compositeurs qui ont marqué à jamais l'histoire de la musique marocaine et arabe. Né en 1924, le défunt avait créé son premier orchestre moderne en 1945 sous le nom d' «Orchestre de l'Union artistique Rbatie». Il avait à peine 21 ans. C'est un tournant dans la carrière de Jirari, aidé dans cette démarche par un autre ténor de la chanson marocaine, en l'occurrence Abdelkader Rachdi. Talentueux et passionné, il était résolu à écrire son nom en lettres d'or dans le livre de la chanson nationale moderne qui était encore à ses débuts. Contexte politique oblige, Jirari et Rachdi composent des chansons patriotiques, destinées à appeler à la mobilisation générale contre l'occupant. Ce n'est pas tout, Jirari accompagne artistiquement le travail des nationalistes. Après l'indépendance du royaume, il compose des chansons pour les chanteurs de l'époque, contribuant ainsi à poser les jalons de la chanson marocaine. Aux côtés d'Abdelwahab Agoumi, d'Ahmed El Bidaoui, d'Abdelkader Rachdi et de Mohamed Fouiteh, Jirari bouscule l'ordre établi et propose une musique différente de celle de l'Orient. Les compositions qu'il avait proposées aux jeunes chanteurs de l'époque notamment Abdelwahab Doukkali et Abdeladi Belkhayat en sont d'ailleurs la preuve. Les années 60, un sacré tournant ! Les années 1960 marquent un nouveau tournant dans la carrière du grand compositeur. Il prépare et présente la célèbre émission «Mawahib» pour la télévision marocaine et dont l'objectif était de dénicher de jeunes talents dans divers domaines artistiques. Jirari sillonne donc les différentes régions du Maroc à la recherche de cet «oiseau rare». Le succès était au rendez-vous et Jirari devient grâce au petit écran, une figure populaire. La célèbre Samira Saïd, la talentueuse Aziza Jalal, la grande Naïma Samih ou encore la défunte Raja Belmlih ont été toutes révélées au grand public grâce à Jirari et à son émission «Mawahib». Pourtant, il est tout le contraire du virtuose énumérant la liste de ses compositions et ses «découvertes», évoquant avec indifférence son métier, ou sa passion pour la musique. Imperceptiblement réservé, mais pas au point de laisser imaginer un secret, il a préféré vivre dans l'ombre depuis plusieurs années déjà. Recevant plusieurs prix et hommages de son vivant, Abdenbi Jirari avait assisté en juillet 2010 au festival Volubilis où le ministère de la Culture lui avait rendu un hommage appuyé. Lors de la soirée dédiée à Jirari, la star de la chanson marocaine Abdelhadi Belkhayat avait interprété bon nombre de morceaux composés par le défunt, gravés dans la mémoire des Marocains. C'était la dernière sortie de ce grand monsieur de la musique marocaine qui nous quittés en silence. Adieu l'artiste !