C'était prévisible. À l'approche de la tenue de l'ambitieux Salon pour le secteur de la pêche, Halieutis, les professionnels s'activent pour déballer les anciens sujets de revendication. Le lobbyisme se fait notamment pressant du côté des spécialistes de la pêche au poulpe. Tout est né d'un rapport Ceux-ci mettent le feu aux poudres en rendant public un rapport de l'Institut national de recherche halieutique (INRH) sur les résultats d'une campagne d'évaluation des stocks de poulpe dans le sud (du cap Boujdour à Cap Blanc), dont les Echos quotidien détient copie. Il s'en dégage dans les grandes lignes, une diminution inquiétante du stock de poulpe dans ces zones de pêche. «Les indices d'abondance du poulpe approchent les niveaux enregistrés en 2003 et 2004», note le rapport, étant rappelé que ces deux dernières années s'apparentent à un plus bas pour les réserves nationales de poulpe. Les professionnels évoquent même un effondrement de ces réserves ce qui, disent-ils, n'augure rien de bon pour leur exploitation. «Le ministère a déjà prolongé de manière non officielle la période de repos biologique, qui se tient habituellement en octobre et novembre, jusqu'au mois de décembre», avance Abderrahmane El Yazidi, secrétaire général du syndicat des officiers et marins de pêche hauturière. Cette contraction d'activité forcée tombe au mauvais moment, puisque la production de ces opérateurs a déjà baissé entre 2008 et 2009 pour être ramenée de plus de 42.000 tonnes à près de 36.000 tonnes, selon un récent rapport de la direction des pêches maritimes et de l'aquaculture (DPRH). Quelle issue dès lors? Le tout est de savoir ce qui cause la baisse tendancielle de la ressource et finit par se répercuter sur l'exploitation. Et pour le moins, ministère et professionnels sont loin de s'entendre sur la question, ceci alors qu'un début de consensus semblait s'établir lorsqu'en juillet dernier le ministre et les professionnels de la pêche hauturière avaient repris le dialogue après une rupture de trois ans. Qu'en pense le ministère? Pour le ministère de tutelle, l'actuelle situation pourrait trouver sa source dans un effort de pêche dépassant le niveau optimum et/ou les mesures et les dispositions limitatives et réglementaires régissant la pêcherie, ce que rejettent en bloc les professionnels. Contre le premier argument, on oppose une réduction du nombre de navires actif dans la pêcherie. Ceux-ci ont effectivement régressé depuis 1997 de 20%, 50% et 60% respectivement pour la pêche hauturière, côtière et artisanale, selon les statistiques de la DPRH. Quant au second argument, les professionnels avancent que lesdites mesures et dispositions réglementaires, introduites notamment par le plan de réaménagement de 2004 destiné à reconstituer les ressources en poulpe, ne sont jamais pleinement entrées en vigueur, en raison d'un «laxisme administratif». L'autre mal endémique qui justifie le ralentissement de l'activité, selon les professionnels, a trait à l'informel. «Les pêcheries clandestines prennent le relai des opérateurs réguliers pendant les périodes de repos biologique, ce qui annule toute marge de régénération pour la ressource», relate El Yazidi. Par ailleurs, on évoque un circuit d'exportation parallèle entretenu par les pêcheries clandestines. Contre ce phénomène, engagement avait été pris, lors de la récente rencontre entre les opérateurs et les professionnels citée plus haut, d'introduire des mesures pour supprimer les points de débarquement des captures informelles et de prévenir l'exportation. Les effets de ces mesures semblent manifestement ne pas encore se traduire sur le terrain.