Depuis l'annonce officielle des dernières estimations sur la production locale marocaine de céréales, les exportateurs se bousculent au portillon. Après la France et les Etats-Unis, c'est au tour de la Grande Bretagne de préparer une importante offensive commerciale sur ce même créneau. C'est effectivement ce que vient d'annoncer, en début de semaine, l'Agriculture and Horticulture Development Board (AHDB), la plus importante structure représentative des producteurs et exportateurs du secteur agricole britannique. Une importante mission commerciale très ciblée devrait se tenir à Casablanca mi-octobre prochain, sur l'initiative du bras export de l'AHDB. Dans un communiqué, les responsables de l'organisme ne cachent pas leurs ambitions. «L'objectif est d'approcher les importateurs marocains de céréales, afin de leur exposer nos variétés de blé, sachant qu'il y aura une importante demande sur ce produit pour ce pays d'Afrique du Nord dans les prochains mois», selon Greorges Forbes, directeur de la branche export de l'AHDB, cité dans le même communiqué de presse. Il est évident que les britanniques veulent clairement saisir l'opportunité de revenir sur le marché marocain des céréales. Leur positionnement est en effet actuellement très en retrait dans la liste des principaux fournisseurs du Maroc en céréales, à savoir la France, le Canada et les Etats-Unis sur les deux types de blé, et quelques pays d'Amérique latine sur le créneau du mais. Au terme de la dernière campagne de commercialisation, le Royaume-Uni a fini à la dixième place des premiers fournisseurs du Maroc, avec un très faible volume en cumul de 200.000 Qx, exclusivement constitué de blé tendre, soit une part de 0,4% dans le total des importations opérées par le royaume. La France, l'Argentine et le Brésil occupent le trio de tête des plus importants fournisseurs du pays, avec des parts respectives de 33,5, 27,5 et 10,4%. Pour les britanniques, la tendance sera évidemment très difficile à renverser. Néanmoins, cette première mission commerciale sur les céréales prouve une ambition de développer leur présence sur le marché local. Désavantage Cependant, l'épi britannique semble d'office désavantagé commercialement dans cette course au positionnement, par rapport à ses concurrents de l'Union européenne. Il faut savoir en effet que le Maroc accorde depuis 2003 un contingent tarifaire préférentiel au blé tendre provenant de pays membres de l'ensemble économique européen. Cela entre dans le cadre d'un protocole d'accord conclu en décembre 2003 entre le Maroc et la Communauté Européenne, portant sur une quantité maximale de 300.000 TM (Tonnes métriques) de blé tendre. L'Office national interprofessionnel des céréales et des légumineuses (Onicl) devrait d'ailleurs dans les prochains jours, procéder à l'ouverture des plis des importateurs soumissionnaires à l'appel d'offres portant sur le blé tendre d'origine UE. La France, généralement, est l'un des principaux pays européens à profiter de l'aubaine, comparée à d'autres marchés explorateurs comme l'Italie. Parallèlement, un autre appel d‘offres est en cours pour l'approvisionnement du marché intérieur en blé tendre et en blé dur américain, cette fois-ci. L'avis adressé aux importateurs porte sur des conditions tarifaires préférentielles accordées par le royaume, dans le cadre de l'accord de libre-échange le liant aux Etats-Unis. Là aussi, c'est un volume de 300.000 MT de blé tendre qui est visé. Les Etats-Unis sont classés huitième plus grand fournisseur du Maroc en céréales à la fin de la campagne de commercialisation 2011-2012, avec un volume total d'un million de quintaux. Une part de 80% de cette quantité est constituée de maïs. Le blé américain a été en effet très peu importé pendant cette dernière campagne. Pour rappel, depuis le début de celle-ci, les importations de céréales ont atteint 59 Mqx. En répartition de variétés et types de céréales, ces importations sont constituées à 49% par le blé tendre, 29% par le maïs, 11% par le blé dur et 10% par l'orge. Globalement, elles ont régressé de 2% par rapport à la même date de la campagne précédente. Sur fond de tension sur les prix... Au moment même où le terrain des importations est en plein déblaiement pour la prochaine campagne de commercialisation, les cours des produits céréaliers sont loin d'être à la détente à l'international. Au moment où nous mettions sous presse, les cours du blé sur la place financière et d'échanges de Chicago, aux Etats-Unis, l'une des plus suivies dans le monde, s'appréciaient en hausse de 37%, au terme des sept premiers mois de l'année en cours. Idem à Paris, en France, où le prix à la tonne de blé de meunerie a progressé de 27% depuis janvier dernier, pour s'échanger à un tarif de près de 300 euros. Le maïs est également dans cette même perspective haussière, voyant ses cours progresser de près de 30% à Chicago, pour se fixer à 254 euros la tonne. Cette surchauffe perceptible sur le marché international a sans doute été la source du prolongement à partir de fin mai dernier, sur le marché local, de la suspension des droits de douanes appliqués sur le blé tendre et le blé dur. Le gouvernement semble en effet se préparer d'ores et déjà à un recours exceptionnel aux importations, pour compléter l'offre locale déficitaire. Pour rappel, à fin juin 2012, le stock de blé tendre, principale céréale consommée au Maroc, dépasse les 20 millions de quintaux (Mqx), représentant plus de 5 mois des besoins des écrasements des minoteries industrielles. Ce niveau de stock est en hausse de près de 40% par rapport à celui enregistré le mois dernier.