L'industrie est devenue le principal produit d'appel des investissements directs étrangers (IDE) au Maroc. La rupture est intervenue avec la montée en puissance de l'automobile, après une décennie 2000-2010 dominée par le tourisme. À noter la belle résistance de l'immobilier. Plus de constance et de diversification. Ce sont les deux grandes tendances qui se dégagent des flux d'investissements directs étrangers (IDE) vers le Maroc, durant les années 2010-2020. Selon la terminologie du FMI, sont considérées comme des IDE, les opérations suivantes : prise de participation d'au moins 10% dans une entreprise non-résidente, création d'une filiale hors des frontières, réinvestissement des bénéfices de la maison-mère dans une filiale basée à l'étranger et emprunt et prêt entre un groupe et sa (ou ses) filiale(s) implantée(s) à l'étranger. Si le tourisme, notamment l'hôtellerie et l'immobilier, constituaient les deux principales attractions mises en avant par le royaume pour séduire les investisseurs internationaux au début de la décennie 2000, la montée en puissance de l'industrie a changé la donne, même s'il faut, par ailleurs, relever quelques grosses opérations hors automobile, notamment la cession partielle des parts du Trésor dans Maroc Telecom, le rachat de Saham Assurance par le groupe sud-africain Sanlam ou la prise de participation du britannique CDC Group dans le groupe BMCE Bank. Toujours est-il que le compteur des IDE est de moins en moins dépendant de quelques opérations spectaculaires ou des privatisations. Entre 2010 et 2020, les IDE à destination du Maroc se sont établis, en moyenne, à 38,66 milliards de dirhams (MMDH) par an, franchissant ainsi le seuil symbolique des trois milliards de dollars, considéré comme un des «tickets d'entrée» dans le cercle très fermé des économies émergentes. À noter que 2015 et 2018 ont enregistré des niveaux records, avec respectivement 39,9 et 46,1 MMDH. L'un des chantiers majeurs du prochain gouvernement sera ainsi de consolider et d'accélérer cette dynamique en travaillant encore sur l'amélioration du climat des affaires et surtout, en œuvrant à la relance de l'activité économique. L'automobile apparaît, sans contestation possible, comme le porte-étendard des IDE au Maroc. De 4,7 MMDH en 2010, les IDE dans ce secteur ne sont jamais descendus en deçà du plancher de 6 MMDH, avec un pic de 12,7 MMDH en 2019. Et même lorsque les flux internationaux de capitaux ont accusé le coup, comme l'an dernier, en raison de la crise sanitaire, l'industrie a fait montre d'une capacité remarquable à traverser cette baisse générale de régime en accaparant 33% des IDE, avec 9,12 MMDH. L'implantation de sites de production des groupes Renault à Tanger et PSA à Kénitra a été le déclencheur de toute une dynamique. Si le Maroc comptait déjà quelques PME de sous-traitance dans le secteur, l'arrivée de ces deux majors lui a permis de «biper» encore plus dans les radars de l'industrie mondiale de l'automobile et de franchir un nouveau palier. Dans la foulée, de grands équipementiers sont arrivés, tandis que d'autres ont renforcé leurs positions afin de suivre la montée en puissance du secteur. C'est ainsi que Sumitomo a fait du Maroc une de ses bases arrière pour ses partenaires basés en Europe. Le groupe Japonais compte, désormais, plus d'une demi-douzaine d'usines de fabrication de câbles et composants automobiles dans le royaume. Avec plus de 24.000 employés, il est aujourd'hui le premier employeur privé du pays. Son compatriote, Yazaki a également misé sur le Maroc, en y investissant dans quatre sites de production employant un effectif de plus de 12.000 personnes. Dans la cartographie des IDE, la résistance du secteur immobilier contraste avec les difficultés souvent mises en avant par les promoteurs du segment résidentiel. Ce secteur s'affirme pourtant comme le deuxième récipiendaire des IDE au Maroc depuis au moins quinze ans ! En 2020, il a drainé près de 6 MMDH, se positionnant juste derrière l'industrie. Certes, ceci représente 45% de moins que le record de 2015 (11,2 MMDH) mais il n'en reste pas moins qu'il affiche une régularité certaine qui en fait une des valeurs les plus sûres pour les investisseurs. Beaucoup de spécialistes y voient aussi une redistribution des cartes dans le secteur au profit des segments de l'immobilier commercial et professionnel. Par pays d'origine, le quarté de tête des IDE est constitué, depuis dix ans, de la France, des Emirats arabes unis, de l'Espagne et de la Grande-Bretagne. En dépit d'une concurrence qui se fait pressante, les entreprises françaises ont réussi à conserver leur premier rang depuis 2011. L'Hexagone reste ainsi, et de loin, le premier pourvoyeur des IDE au Maroc, avec 20,5 MMDH en 2010 et 9,5 en 2020. Les Emirats arabes unis se placent derrière la France, mais à une distance respectable, tout en s'affirmant, progressivement, comme un partenaire économique émergent du royaume, à même de bousculer les positions historiques des pays européens. En fonction des années, l'Espagne oscille entre la troisième et la cinquième place, alors qu'elle est notre deuxième fournisseur voire, parfois, le premier. À noter l'étonnante disparition de l'Italie du top 5 des investisseurs au Maroc, alors que ce pays y occupait, auparavant, une position de choix, notamment dans les grands projets d'infrastructure. Indépendamment de la réorientation des entreprises italiennes vers l'Europe centrale, ce recul tient aussi à la montée en compétence des entreprises marocaines dans la réalisation des chantiers d'envergure, tels que les barrages, les autoroutes et les ports. Autre incongruité, l'absence de la Chine, deuxième économie mondiale, qui ne figure même dans les 20 premiers pays investisseurs du Maroc, malgré des flux d'échanges commerciaux bilatéraux intenses. Pour l'instant, les Chinois multiplient des mémorandums d'entente avec des entreprises marocaines, accords qui se traduisent cependant rarement par des investissements. Sur la place de Casablanca, des analystes expliquent cette discrétion par la méfiance des opérateurs marocains à l'égard des méthodes, jugées «peu orthodoxes», auxquelles ont recours les investisseurs du géant asiatique en Afrique sub-saharienne. L'Espagne et le Royaume-Uni en pointe, malgré la Covid-19 En 2020, les investissements directs étrangers (IDE) ont décroché, pour s'établir à leur niveau le plus bas sur ces quinze dernières années. Impactés par la crise sanitaire, ils ont accusé une chute de 20,2% à 27,5 MMDH, soit l'équivalent de 2,5% du PIB, contre une baisse moyenne de 3,6% au cours des cinq dernières années. Par secteur, les industries manufacturières ont drainé 9,1 MMDH, en recul de 28% par rapport à 2019, et les activités immobilières ont attiré 6 MMDH. À l'inverse, le «commerce de détail et de gros» et les «activités financières et d'assurance» ont vu leurs parts augmenter à 2,9 et 2,6 MMDH, respectivement. Par pays d'origine, les flux en provenance des deux premiers investisseurs se sont également contractées, avec -9,5 MMDH pour la France et -2 MMDH pour les Émirats Arabes Unis. En revanche, ceux émanant du Royaume Uni et de l'Espagne ont légèrement progressé (+350 MDH), pour se situer autour de 2 MMDH. Abashi Shamamba / Les Inspirations ÉCO