Alors qu'ils gèrent une part croissante de la richesse mondiale, les Family Offices (FO) s'imposent comme des investisseurs patients, puissants et stratégiques. Une note de l'AMIC dévoile comment ces structures, encore absentes du paysage marocain, pourraient y émerger à la faveur d'un cadre adapté, porté par Casablanca Finance City, les réformes en cours et la montée des grandes fortunes familiales. Mais pour capter cette manne, encore faut-il bâtir un écosystème à la hauteur. Family Offices : ces investisseurs discrets qui pourraient redessiner l'avenir financier du Maroc Longtemps réservés aux grandes familles américaines ou européennes, les Family Offices s'imposent aujourd'hui comme des acteurs structurants de la finance mondiale. Ces entités de gestion patrimoniale privée, taillées pour durer, pilotent des milliards de dollars avec une philosophie singulière : investir à long terme, de manière indépendante, et souvent dans des secteurs innovants ou à impact. Alors que le Maroc repense ses leviers de souveraineté financière et de mobilisation du capital privé, une note stratégique fraîchement publiée par l'AMIC (Association marocaine des investisseurs en capital) en ce mois d'octobre 2025 relance la réflexion : le Royaume est-il prêt à accueillir cette nouvelle génération d'investisseurs familiaux ? Capital patient, flexibilité et résilience : l'ADN des Family Offices Sur la scène internationale, les Family Offices sont devenus des références de stabilité dans un environnement économique volatil. Le rapport «Family Office Investment Insights – Adapting to the Terrain», cité par l'AMIC, révèle que les Family Offices adoptent une allocation d'actifs diversifiée, avec 31% investis en actions cotées et 42% dans des actifs alternatifs comme le private equity, le crédit privé ou les infrastructures. L'AMIC souligne aussi leur «résilience, leur horizon d'investissement long terme et leur capacité à s'adapter aux transformations économiques et technologiques». Ces entités ne se contentent pas de préserver le capital. Elles le mettent au service de la croissance. Pour preuve, 86% des FO investissent déjà dans l'intelligence artificielle, selon les chiffres relayés par la note de l'AMIC, principalement via le capital-risque. À cela s'ajoute un intérêt accru pour les actifs digitaux, le sport, les médias ou encore les investissements ESG et à impact. Face aux tensions géopolitiques et à l'instabilité des marchés, l'AMIC souligne que ces structures constituent des investisseurs stabilisateurs, grâce à «un capital flexible et intergénérationnel». Modèles internationaux : inspirations pour une adaptation marocaine À l'échelle mondiale, les FO se déclinent en plusieurs modèles. L'AMIC dresse un panorama clair : aux Etats-Unis, ils sont hautement professionnalisés, dotés d'équipes internes et d'une gouvernance indépendante. En Europe, la priorité est donnée à la transmission patrimoniale, tandis que dans les pays du Golfe les structures sont plus agiles, tournées vers les marchés privés internationaux. La note préconise d'en tirer des enseignements pour le Maroc, notamment en s'inspirant des bonnes pratiques, telles qu'une gouvernance structurée, un reporting ESG et des cadres fiscaux souples. Ces éléments constituent, selon l'AMIC, «des repères utiles pour concevoir des modèles marocains adaptés au contexte local, tout en respectant les standards internationaux». Le Maroc sur la ligne de départ : un écosystème à façonner Dans sa note, l'AMIC reconnaît que «la structuration formelle des Family Offices au Maroc demeure à un stade préliminaire». Cependant, plusieurs évolutions créent un terrain favorable à leur émergence. Casablanca Finance City (CFC) est identifiée comme un levier stratégique majeur : la plateforme offre un environnement propice à l'installation de Family Offices régionaux, à condition d'améliorer certains paramètres comme la mobilité des capitaux et la fiscalité. L'AMIC souligne également les réformes du droit des sociétés et des marchés de capitaux, qui «ouvrent la voie à des structures plus sophistiquées». Par ailleurs, l'internationalisation de groupes familiaux marocains dans l'industrie, la finance ou l'énergie constitue une base idéale pour professionnaliser la gestion patrimoniale. Les secteurs jugés prioritaires pour les FO marocains, d'après l'analyse de l'AMIC, sont l'énergie verte, la santé, l'agro-industrie et la transformation digitale, en ligne avec les tendances globales. Un outil stratégique pour une souveraineté patrimoniale Plus qu'un outil de gestion de fortune, les Family Offices représentent une opportunité stratégique pour le Maroc. L'AMIC insiste sur leur potentiel à «renforcer la souveraineté financière, attirer des capitaux privés et favoriser la transmission intergénérationnelle de la richesse». Leur montée en puissance serait également un levier pour consolider la position du Maroc comme hub régional de l'investissement structuré, notamment à l'échelle du continent africain. Cela suppose toutefois de créer un cadre juridique, fiscal et réglementaire adapté, reconnaissant la spécificité des FO tout en leur offrant des incitations et des garanties de gouvernance. Les Family Offices en chiffres (source : AMIC, 2025) 31% Part des actions cotées dans leur allocation d'actifs 42% Proportion des FO qui investissent dans les actifs alternatifs 86% Part des FO qui investissent déjà dans l'intelligence artificielle Investissements croissants dans l'ESG, les actifs digitaux, le sport, les médias Risques prioritaires identifiés : géopolitique, récession, instabilité politique Stratégie : long terme, intergénérationnelle, centrée sur l'innovation