Déjà en avance sur ses objectifs d'approvisionnement local, Renault Group franchit une nouvelle étape au Maroc avec la création d'un centre de R&D et d'un pôle digital à Casablanca. Pour François Provost, ces projets porteront le taux d'intégration à 75% et confirment le Maroc comme hub industriel et technologique de référence pour le constructeur français. Pour sa première mission internationale depuis sa nomination à la tête de Renault Group, François Provost a choisi le Maroc. Le directeur général y a rencontré un cercle restreint de cinq médias lors d'une table ronde destinée à faire le point sur la signature du troisième avenant au partenariat entre Renault Group et le Maroc. Une occasion, pour le constructeur, de réaffirmer son ancrage industriel, technologique et humain dans un pays devenu un maillon essentiel de sa chaîne mondiale de valeur. «Cet avenant s'inscrit dans la continuité du partenariat exemplaire qui nous lie au Maroc depuis 2021», a-t-il déclaré en ouverture. «Nous voulons faire plus que produire : développer sur place l'ensemble de la chaîne de valeur, du fournisseur à la recherche et développement, en passant par la formation et la digitalisation.» Ce troisième avenant marque un tournant. Il prévoit la création du centre de recherche et développement Renault Technology Maroc (RTMA), qui aura pour mission de piloter localement le développement, les adaptations et l'homologation des véhicules produits dans le pays. Parallèlement, le groupe implantera une antenne de Renault Digital à Casablanca, qui viendra compléter le dispositif mondial déjà structuré entre la France et l'Inde. «Nous avons décidé d'installer un troisième pilier digital au Maroc», a expliqué François Provost. «C'est une décision importante qui place le pays au cœur de notre organisation numérique mondiale.» Selon lui, ces deux chantiers contribueront directement à «approcher les 75% de taux d'intégration locale», confirmant la volonté du groupe d'ancrer durablement l'innovation au Maroc. Des objectifs déjà atteints L'enjeu de cet avenant est d'autant plus clair que Renault Group a déjà dépassé les objectifs fixés lors de la signature du premier accord en 2021. Le cap des 2,5 milliards d'euros d'achats locaux, initialement prévu pour 2030, a été atteint dès 2024. «Nous avons franchi la barre symbolique des 2,5 milliards d'euros d'approvisionnements au Maroc, soit le niveau prévu pour 2030», a souligné François Provost. «C'est la preuve de la compétitivité, de la fiabilité et du savoir-faire de nos partenaires marocains.» Le taux de localisation s'élève aujourd'hui à 66%, tandis que le réseau compte 87 fournisseurs de premier rang, un chiffre appelé à dépasser la centaine à l'horizon 2030. Pour le directeur général, il ne s'agit plus seulement d'une réussite industrielle, mais d'un modèle de coopération : «Le Maroc n'est pas qu'un site de production. C'est un écosystème complet qui alimente nos usines en Europe : en Espagne, en France, en Roumanie et en Turquie». Montée en puissance industrielle Renault Group mise désormais sur une montée en gamme technologique de ses sites marocains. Le procédé de stamping à chaud, inédit sur le continent africain, est déjà en cours d'installation à Tanger. «Ce procédé permet de produire des pièces plus légères et plus rigides. C'est un vrai plus client et un saut de compétitivité pour l'usine», a commenté François Provost. Les travaux menés autour de l'hybridation et l'étude d'un possible montage de packs batteries au Maroc témoignent aussi de cette volonté de faire du pays un hub d'innovation pour la transition énergétique. Cette montée en puissance ne repose pas uniquement sur la technologie. Renault Group fait de la formation et du capital humain un levier majeur de sa stratégie locale. Depuis 2011, plus de trois millions d'heures de formation ont été dispensées, dont un tiers destiné aux fournisseurs de l'écosystème. L'entreprise a également lancé un master en ingénierie automobile 4.0 en partenariat avec le ministère marocain de l'Enseignement supérieur et l'ENSA de Tétouan. «Nous formons pour les métiers d'aujourd'hui et de demain : habilitations électriques, interventions batteries, systèmes de sécurité...», a détaillé François Provost, avant de rappeler que le centre de formation de Tanger, géré en partenariat public-privé, est devenu une référence dans tout le bassin méditerranéen. L'usine de Tanger, fleuron industriel du groupe, illustre cette transformation. Son taux de robotisation est passé de 12% à 44% dans la tôlerie, mais pour le directeur général, la priorité va au digital : «Robotiser là où c'est utile, oui. Mais le vrai levier, c'est la digitalisation de l'usine : jumeau numérique, capteurs, données et intelligence artificielle. Tanger sera dans le top 5 mondial du manufacturing 4.0 d'ici deux ou trois ans». Hybridation, la solution Sur le plan commercial, François Provost a confirmé la vitalité du marché marocain, désormais huitième marché mondial de Renault Group. Le diesel, encore majoritaire, amorce son déclin tandis que la demande pour les hybrides augmente rapidement. «Nous sommes le numéro 2 de l'hybride en Europe derrière Toyota. Nos motorisations hybrides sont plus efficientes et plus abordables, notamment grâce à Horse Powertrain, notre coentreprise dédiée à la technologie thermique», a-t-il expliqué. Abordant la question de la concurrence chinoise, le dirigeant s'est montré confiant : «Nous respectons la concurrence, mais nous n'avons pas peur. Renault s'appuie sur des marques fortes, un design distinctif, un réseau solide et des véhicules modernes et accessibles.» Pour lui, l'avenir de l'industrie automobile européenne dépend d'une transition pragmatique : «Si rien ne change, l'Europe risque d'organiser le déclin de son industrie automobile. Il faut rendre les véhicules électrifiés abordables. Sinon, la décarbonation ne progressera pas». Compétitivité industrielles François Provost a rappelé que la réussite marocaine repose aussi sur un écosystème ouvert. Les fournisseurs de Renault travaillent aujourd'hui pour d'autres constructeurs mondiaux, y compris Stellantis, BMW ou Ford. «Personne n'est obligé de venir», a-t-il glissé, sourire en coin. «S'ils choisissent le Maroc, c'est parce que le pays est compétitif, stable, doté de talents et d'une énergie décarbonée à un coût avantageux.» En somme, le directeur général de Renault Group a salué un partenariat qui dépasse les attentes initiales : «Le Maroc est un exemple de réussite industrielle et humaine. Sa stabilité, son ambition et la qualité de ses talents en font un partenaire essentiel pour notre développement mondial». Entre électrification, digitalisation et montée en compétences, le Royaume s'impose désormais comme l'un des piliers les plus solides de la stratégie internationale de Renault Group, un modèle de compétitivité et d'intégration qui inspire l'ensemble du réseau industriel du constructeur. Moulay Ahmed Belghiti / Les Inspirations ECO