Le dernier rapport de l'OCDE sur les flux migratoires mérite d'être lu avec beaucoup d'intérêt. Plus de 200.000 de nos concitoyens ont rejoint les pays de l'OCDE en 2023. Cinquième nation d'origine de ces flux, le Maroc continue d'exporter ses talents, ses bras, ses espoirs… mais à quel prix ? Au-delà du tableau classique, souvent dressé, de la réussite, du labeur et de l'amélioration de la situation sociale, les chiffres révèlent une réalité plus âpre. L'OCDE révèle une insertion professionnelle en demi-teinte, des écarts de salaires durables et une naturalisation qui progresse, sans toujours rimer avec intégration. Derrière le volume massif de l'émigration, trop de Marocains s'installent à l'étranger dans des conditions précaires, concentrés dans des secteurs et chez des employeurs qui rémunèrent moins, avec peu de perspectives de mobilité ascendante. C'est dire que l'on est bien loin des récits lissés sur la «réussite à l'étranger». Ce rapport met en lumière une forme de stagnation sociale. Une alerte aussi bien pour les pays d'accueil que pour le Royaume. Car une diaspora fragilisée est une diaspora silencieuse, incapable de transformer l'exil en richesse, le départ en retour, l'expérience en transfert. Et nous, nous devons regarder cette réalité en face. Si partir reste pour beaucoup un choix de survie, il est urgent de rendre le pays plus attractif pour ses propres talents. Cela passe par une économie créatrice d'emplois décents, une valorisation réelle des compétences et une politique de réinsertion des compétences marocaines à l'étranger. Pour ce qui est des pays d'accueil, l'intégration devrait y être vue non plus comme un fardeau, mais comme un investissement. Lutter contre les discriminations structurelles, ouvrir les voies de la reconnaissance des diplômes, fluidifier les mobilités professionnelles… ce sont là les conditions d'un pacte migratoire équitable. Car migrer ne suffit plus. Il faut que cela mène quelque part ! Meryem Allam / Les Inspirations ECO