Le ministre de l'Intérieur a dévoilé un texte qui ambitionne de professionnaliser la vie partisane. En révisant la loi 29.11, le projet de loi 54.25 introduit de nouvelles règles d'adhésion, de gouvernance et de financement, avec l'objectif de renforcer la transparence et la solidité des acteurs politiques. Le temps d'une séance dédiée aux projets de lois du système électoral, la Commission de l'Intérieur, des collectivités territoriales, de l'habitat, de la politique de la ville et des affaires administratives a servi de cadre à un échange déterminant sur l'avenir du champ partisan. Abdelouafi Laftit y a déroulé les grandes lignes du projet de loi organique 54.25, un texte qui remanie en profondeur la loi 29.11 et redessine les mécanismes de création et de fonctionnement des partis politiques. Dès l'ouverture de la réunion, le ministre a insisté sur l'ambition générale du texte. Il s'agit de consolider le cadre juridique des formations politiques, d'en professionnaliser les structures et d'en moderniser les dispositifs de gouvernance, afin de les aligner sur les exigences d'une démocratie représentative plus robuste. Le ministre de l'Intérieur présente ce chantier comme une étape nécessaire pour réancrer les partis dans la société et renforcer leur rôle d'encadrement, de médiation et de formation citoyenne. Une création de partis mieux encadrée et plus représentatrice Le projet introduit un relèvement substantiel des conditions de création. Les initiateurs d'un nouveau parti devront désormais réunir 12 membres fondateurs, représentant l'ensemble des régions du Royaume, avec un quota minimum de quatre femmes au sein de ce noyau initial. Cette exigence est doublée d'une obligation d'adhésion élargie puisque chaque formation politique en devenir devra compter 2.000 membres fondateurs, répartis sur toutes les régions, comprenant au moins 20% de femmes et 20% de jeunes de moins de 35 ans. Pour le ministre, cette révision garantit une représentativité territoriale, sociale et générationnelle dès la naissance du parti. Elle impose une mobilisation réelle et un ancrage concret, loin des créations symboliques ou dépourvues de base militante. La nouvelle architecture vise à encourager l'émergence de structures plus stables et plus en phase avec les dynamiques démographiques du pays. Compte tenu de l'augmentation de ces seuils, l'Intérieur propose également de prolonger à 45 jours, contre 30 aujourd'hui, le délai accordé à l'administration pour notifier aux fondateurs la conformité de leur dossier. Neutralité de l'Intérieur et gouvernance financière des partis Le projet de loi institue de nouvelles garanties de neutralité du ministère de l'Intérieur. Les cadres et fonctionnaires travaillant au sein de ce département ne pourront plus adhérer à un parti politique ni contribuer à sa création. Le gouvernement y voit un gage d'impartialité et un moyen d'éviter toute confusion entre l'administration territoriale et les structures partisanes. Sur le plan financier, le texte propose d'augmenter le plafond des dons et legs autorisés, qui passerait de 600.000 à 800.000 DH par donateur et par an. L'objectif est de donner plus de marge de manœuvre aux formations politiques tout en maintenant un contrôle strict sur l'origine et la traçabilité des financements. Le projet ouvre aussi la possibilité pour les partis de créer leurs propres sociétés, détenues à 100% par la formation et limitées à des activités en lien direct avec la communication, les médias, l'impression ou l'édition. Cette option vise à moderniser les outils d'expression politique tout en sécurisant les circuits financiers. Un texte pensé pour renforcer la crédibilité du champ partisan Ces ajustements portent un véritable pari politique. En durcissant les conditions de création et en élargissant les garanties de transparence, le dispositif cherche à favoriser l'émergence de partis mieux structurés, plus ancrés et capables de répondre aux attentes d'un électorat exigeant. Le ministre présente cette réforme comme une étape supplémentaire dans la consolidation du modèle démocratique marocain, à un moment où les formations politiques sont appelées à assumer pleinement leurs responsabilités constitutionnelles. La modernisation du cadre légal se veut ainsi un moyen de restaurer la confiance, de renforcer la culture de gouvernance interne et de mieux préparer les partis aux échéances publiques à venir. La jeunesse, nouvelle colonne vertébrale de la réforme Au cœur du projet de loi 54.25, la jeunesse apparaît comme l'un des leviers essentiels de la refondation du paysage partisan. L'exigence d'intégrer au moins 20% de jeunes de moins de 35 ans parmi les membres fondateurs ne se limite pas à un symbole, elle redéfinit la sociologie même des futurs partis. Le gouvernement veut inscrire dès la phase de création une dynamique générationnelle capable de renouveler les profils, les pratiques et les idées. Dans un contexte où la défiance envers les structures politiques reste élevée chez les moins de 40 ans, cette obligation vise à rapprocher les partis d'un électorat jeune, majoritaire dans la pyramide démographique mais sous-représenté dans les structures partisanes. La réforme entend corriger ce déséquilibre en obligeant les porteurs de projets à constituer des équipes intergénérationnelles, capables de porter des priorités nouvelles et d'adapter les outils d'action politique aux codes contemporains. Faiza Rhoul / Les Inspirations ECO