Avec près de 1.850 DH par mois, contre 8.567 DH pour les retraités de la fonction publique, la plupart des retraités du régime CNSS touchent une pension bien en dessous du revenu mensuel moyen des ménages, estimé à 7.430 DH. Pour boucler le mois, beaucoup d'entre eux, qui n'ont pas de patrimoine ou de retraite «complémentaire», s'en remettent à la solidarité familiale. En moyenne, la pension de retraite mensuelle de fonctionnaires relevant du régime civil de la Caisse marocaine des retraites (CMR) s'élevait à 8.567 DH en 2024. C'est plus de quatre fois celle des retraités du régime CNSS (1.2814 DH, selon le Rapport d'activité 2023 de la Caisse nationale de sécurité sociale). Cet écart tient à des facteurs congénitaux des régimes de retraite. Pour le régime CNSS, la base de cotisations est plafonnée à 6.000 DH bruts, quel que soit le montant de la rémunération. Au mieux, une personne ayant travaillé dans le privé et qui justifie de toutes ses annuités peut espérer toucher 70% des 6.000 DH de pension, soit 4.200 DH par mois. Seuls moins de 10% des 522.000 retraités sont dans ce cas. Autant dire que ceux qui n'ont pas de patrimoine personnel qui génère un revenu complémentaire ou de retraite de type CIMR, ou n'ont pas constitué une épargne-retraite lorsqu'ils étaient en activité, se retrouvent parmi ce que l'on appelle les «nouveaux pauvres». L'écrasante majorité des retraités «CNSS» gagnent un peu plus de la moitié du revenu annuel moyen des ménages, selon l'enquête Haut-commissariat au plan (HCP) sur le niveau de vie publiée en février 2025. Selon la même enquête, la moitié des ménages dispose d'un revenu mensuel de 5.208 DH. La fracture entre les retraités qui ont travaillé pour l'Etat et ceux qui ont effectué toute leur carrière professionnelle dans le secteur privé est une des équations à laquelle l'hypothétique réforme va devoir apporter un début de réponse. A commencer par la levée du tabou du déplafonnement de la base des cotisations CNSS. Dans le Maroc de 2025, l'argument brandi par certains pour s'y opposer, au motif que cela nuirait à la compétitivité des activités à forte intensité de main-d'œuvre, ne tient pas. Fonds de réserve, une source «tarissable» Soixante-cinq ans après sa création, le régime des pensions civiles de retraites géré par la CMR est sous pression. En 2024, le montant des cotisations salariales et des contributions patronales au régime des pensions civiles de la CMR a atteint 31,92 milliards de dirhams, en hausse de 10,6%. Cette progression s'explique par l'impact des revalorisations salariales des fonctionnaires suite au dialogue social. En contrepartie, les prestations servies ont augmenté de 5,92% pour se situer à 39,35 milliards DH. Pour assurer la continuité de ses prestations, le régime est contraint de puiser dans le fonds de réserves. Il a fallu prélever 7,8 milliards de dirhams pour couvrir le déficit technique. C'est 500 millions de dirhams moins que prévu, grâce aux cotisations supplémentaires générées par la revalorisation des salaires, les produits financiers et des cessions d'actifs. Moins rassurant, le rapport démographique se dégrade. A 1,14, il atteint un seuil d'alerte. Pour un fonctionnaire à la retraite, il y a moins de deux actifs qui cotisent au régime géré par la CMR. Pour le régime CNSS, ce rapport est de 6,2 actifs cotisants pour 1 retraité. Cela montre en effet l'urgence de la réforme du régime des pensions de retraite civiles des fonctionnaires qui va devoir accueillir 65.213 entrants d'ici 2028. Cela représente 13% de l'effectif de la Fonction publique civile. En moyenne, un fonctionnaire à la retraite a touché 8.374 DH nets par mois en 2023, soit presque 4 fois le montant de la pension d'un homologue qui a effectué toute sa carrière dans le privé et qui n'a que la pension versée par la CNSS. Les fonctionnaires qui sont partis à la retraite la même année gagnent 10.966 DH par mois. La structure démographique de la population des actifs du Régime des pensions civiles de la CMR est dominée par les plus de 50 ans, ce qui impliquerait des départs massifs à la retraite dans les cinq prochaines années, et accroîtrait la tension du financement du régime. Selon les projections des actuaires de la CMR, le déficit technique – l'écart entre les cotisations et les prestations pour l'année 2024 – s'élèverait à 8,36 milliards de dirhams contre 26,2 milliards en l'absence de la réforme. Il n'y a pas trente-six solutions : soit modifier les paramètres en repoussant l'âge de départ à la retraite (62 ans pour le personnel civil de l'Etat), soit augmenter les taux de cotisations. «Les dernières revalorisations salariales prises dans le cadre du dialogue social (ndlr : 29 avril 2024) permettraient de reporter légèrement les horizons d'épuisement des réserves des régimes CMR-RPC et RCAR, sans toutefois garantir leur viabilité à long terme». C'est un nouveau warning lancé par les autorités monétaires. Abashi Shamamba / Les Inspirations ECO