L'Etat bouge et on commence à entendre parler de procès sur des affaires de gabegie et de corruption. C'est de bon augure. Mais attention, ne crions pas victoire trop tôt. Ce qui a été présenté à l'opinion publique, en guise de déclaration d'intention, est cantonné à des dossiers de caractère régional. À El Jadida ou à Bouznika, des présidents de commune, des fonctionnaires ou encore des hommes d'affaires ou des investisseurs ont été incarcérés et jetés en pâture à une certaine presse. Exit, la présomption d'innocence. S'agit-il de délits avérés ou de simples tentatives pour calmer les ardeurs des manifestants ? En tout cas, seule la justice est habilitée à se prononcer dans cet exercice, qui sera un vrai test de l'indépendance pour cette institution, que les réformes vont ériger en véritable pouvoir. En revanche, les Marocains attendent que la Cour des comptes et les juridictions compétentes jouent pleinement leur rôle de contrôle et de sanction, sans aucune forme de distinction. Cela serait le meilleur des messages, pour rassurer les Marocains. Or, se contenter de petits poissons et laisser les gros requins «à l'abri» serait le ratage de trop avec l'histoire. L'opinion publique attend avec impatience l'issue des feuilletons ONDA, CNSS, Banque Populaire, CIH... etc. Sans préjugé ni mauvaise intention, il est plus que logique de procéder à une hiérarchisation des dossiers. On ne peut pas focaliser l'attention de l'opinion publique sur des affaires dont les malversations porteraient sur quelques millions de dirhams, alors que les dilapidations à coup de milliards de dirhams sont laissées de côté ! Il ne s'agit pas de faire la chasse aux sorcières, mais de récupérer des capitaux dus aux Marocains. Beaucoup de milliards, qui ont engraissé une poignée de nantis, au moyen de pratiques rentières, qu'il est plus que temps de dénoncer.