Malgré des Orientations Royales constantes en faveur d'une justice sociale élargie, ni les gouvernements successifs du PJD ni celui d'Aziz Akhannouch n'ont su concrétiser l'ambition d'un système de santé accessible à tous. Au parlement, le Parti de la justice et du développement dresse un constat sévère sur l'état du chantier de la protection sociale. Depuis quelques années, le Maroc montre une ambition de généraliser la couverture sanitaire universelle, dans un contexte où les lignes de fracture sociales semblent plus visibles. Vendredi 4 juillet, le groupe parlementaire du Parti de la justice et du développement (PJD), a livré à Rabat une critique méthodique et sévère de la gestion actuelle de la réforme, dénonçant une « dérive structurelle » et un « pilotage erratique » du dossier par l'équipe gouvernementale conduite par Aziz Akhannouch. Mais au-delà de ce réquisitoire conjoncturel, le débat pose une question de fond : pourquoi, en dépit de Discours Royaux clairs, répétés depuis des années, les politiques publiques en matière de santé et de protection sociale peinent-elles à produire des résultats tangibles ? Ni les mandats du PJD lorsqu'il était aux affaires, ni ceux du gouvernement actuel, n'ont véritablement su traduire l'Ambition Royale en dispositifs pérennes et efficaces. Dans une présentation, Abdellah Bouanou, président du groupe PJD à la Chambre des représentants, a rappelé les engagements structurants du Royaume. Il cite les discours de S.M. le Roi Mohammed VI, qui a fait de la protection sociale un axe fondamental de son règne, les dispositions explicites de la Constitution de 2011, notamment l'article 31, et le programme gouvernemental 2021-2026. Ce dernier promettait l'achèvement des CHU d'Agadir et Tanger, la création d'un centre hospitalier à Rabat, l'institution du médecin de famille, la généralisation de la carte de santé électronique, entre autres mesures. Or, la mise en œuvre tarde. Le constat dressé est alarmant. Le taux d'occupation des lits hospitaliers publics est passé de 67 % en 2019 à moins de 50 % en 2023. Certaines régions, comme Guelmim-Oued Noun, plafonnent à 27 % de fréquentation hospitalière. Les délais d'admission se sont allongés, les patients désertent les établissements publics pour se tourner vers le privé, creusant les inégalités. Le Maroc ne compte que 7,9 médecins pour 10 000 habitants, en deçà du seuil de 10 fixé par l'OMS. La densité en personnel paramédical est tout aussi insuffisante, avec un professionnel pour 969 habitants, loin des standards internationaux. Selon un rapport, la fusion annoncée entre la CNSS et la CNOPS n'a donné lieu à aucun effet tangible. L'absence de synergie entre secteurs public et privé, combinée à une répartition géographique déséquilibrée des structures de soins (cinq régions concentrent près de 80 % des cliniques privées), renforce la fragmentation du système. L'adhésion au régime d'assurance maladie obligatoire (AMO) reste faible, tandis que plus de la moitié des personnes non affiliées refusent toujours d'y souscrire. À cela s'ajoute l'inefficacité des mécanismes d'affiliation et le manque d'incitations pour les acteurs privés. Le rapport du PJD accuse le gouvernement de manquements en matière de transparence. Il dénonce notamment l'annulation hors cadre légal de marchés publics liés à la propreté et au gardiennage, ainsi que l'attribution controversée de plusieurs chantiers hospitaliers – dont le CHU Ibn Sina de Rabat, estimé à 6,1 milliards de dirhams – sans appel d'offres public. Des procédures jugées « extravagantes » par les députés. Lire aussi : Casablanca accueille le Forum sur les données et la gouvernance en Afrique Treize projets de loi censés structurer le secteur – parmi lesquels un code de la couverture sanitaire de base ou une loi sur l'Agence marocaine du sang – sont aujourd'hui mis en veille. Le PJD évoque une volonté délibérée d'enterrer ces textes pourtant stratégiques. Le diagnostic du PJD, s'il vise frontalement le gouvernement actuel, reflète aussi un échec plus profond, structurel. Le parti, qui a dirigé l'Exécutif pendant dix années, a lui aussi buté sur la complexité de ce chantier. Entre promesses politiques, impératifs budgétaires et lenteurs administratives, la question sociale au Maroc semble aujourd'hui figée dans une impasse. Les Discours Royaux, constants dans leur rappel de la centralité de la classe moyenne et des plus vulnérables, n'ont pas encore trouvé leur traduction dans une politique publique cohérente et opérationnelle. À l'approche des grands chantiers structurants de l'horizon 2030, la généralisation effective de la couverture sociale reste un test décisif pour la crédibilité des réformes marocaines.