Sa mère, son père, son amour, le divin et lui-même. Cinq lettres que le personnage de Mokhtar Chaoui adressera à son lecteur dans son dernier roman «À mes amours tordues». Une histoire qu'il partage sans en raconter le début, sans en parcourir le déroulement lentement détaillé, dessiné mot à mot. Ce roman se veut être l'histoire d'un personnage qui pourrait ressembler à monsieur ou madame tout le monde. Un personnage qui règle ses comptes à travers cinq lettres franchement écrites, dans lesquelles l'auteur ne mâche pas ses mots. Le personnage imaginé par Chaoui dans ce roman n'hésitera pas ainsi à pointer du doigt un père absent «Père ! Si je t'appelle ainsi, c'est qu'on m'a dit que tu l'es. Entre nous, tu m'es aussi indifférent que le dernier des quidams». À remettre en question l'affection d'une mère presque incestueuse qui nourrira ses enfants à la haine de leur deuxième parent «Mère ! Ta haine de mon père m'a imprégnée trop tôt». L'auteur ouvrira une lettre au ciel s'adressant à «Allah» : «Dieu ! Cause de tout mon mal», dira-t-il dès les premières lignes. Une lettre tourmentée, inquiétée dans laquelle il témoigne de ses doutes, de ses craintes et de ses déceptions. «À nous deux, mon cher moi» Après les autres, c'est à lui-même qu'il s'adressera. Toujours aussi déchiré, ce héros de sa propre vie «normale» confie ce que son esprit lui aura donné à voir. «Souvent, je rêvais la mort de mon frère et des mes sœurs», écrit-il. Usant d'humour et de cynisme plein de bon sens, Mokhtar Chaoui poursuit ses lettres imaginaires en s'adressant «à mon amour qui m'a donné la mort», Nadia. Riche de détails et de descriptions imagées, cet amour qui aurait signé la mort de son être lui aura fait vivre une véritable passion. «Epoumonnés, les yeux révulsés, les corps en lambeaux, nous atteignîmes la quintessence de l'amour». Une quintessence littéraire qu'il achèvera par son testament, et ces mots-ci «J'arrive...». Ainsi, Chaoui arrivera en effet à nous faire redécouvrir une littérature marocaine comme nous l'aimons.