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« Avec toi » de Suzanne Taha Hussein, un livre-événement
Publié dans Le Soir Echos le 03 - 10 - 2011

D'abord, au Caire, il y a plusieurs années parut Ma'ak, traduit du français à l'arabe par Badr-Eddine Arodaky aux éditions Al Ma'aref. Voici qu'en parait le texte original aux éditions du Cerf Avec toi sous-titré en couverture De la France à L'Egypte un extraordinaire amour Suzanne et Taha Hussein (1915-1973). Leur petite-fille Amina Taha Hussein-Okada préface le volume qui s'ouvre ainsi sur un geste de tendresse. Des notes et une postface de Zina Weygand et Bruno Ronfard ajoutent toutes les précisions utiles au lecteur.
Présentant un extrait du récit de Taha Hussein Adib ou l'aventure occidentale (Clancier-Gnénaud, 1988), choisi parmi les textes représentatifs d'une soixantaine d'auteurs dans Littératures méditerranéennes et horizons migratoires (La Croisée des chemins / Séguier 2011), je rappelai que Taha Hussein revint de France en 1919 et fut le créateur de l'Université d'Alexandrie en 1942 puis ministre de l'Education nationale. Le ton d'Adib nous éclaire sur la personnalité profonde de Taha Hussein. L'ouvrage, qui mériterait d'être réédité, avait été traduit de l'arabe par Amina et Moënis Taha Hussein tandis que Philippe Cardinal soulignait, dans sa préface, le pessimisme foncier de Taha Hussein : L'année 1935, pendant laquelle Taha Hussein écrivit Adib, fut le temps, sans doute, de noires macérations ; car il se consacra aussi à la rédaction de son étude sur Aboul-Ala el-Ma'aarrî, Avec Ma'arrî dans sa prison. L'élévation d'esprit du grand poète arabe du XIe siècle, aveugle lui aussi, sceptique avéré et contempteur de l'humanité, devait bien se rencontrer avec l'âme d'un homme qui, dans son troisième volume publié en cette même années 1935, un essai intitulé De loin, écrivait : « Je hais ma personne, intensément, et je hais avec elle la vie. Je ne vois en tout que du mal, je m'attriste de toute chose, je dédaigne toute chose. » « C'est pourtant au service des autres, dans la politique, l'université, l'art, que s'est consumée l'existence généreuse de ce passeur des esprits fils du fleuve Nil. » constatait Cardinal.
1935 est donc l'année de la publication d'Adib, vingt ans après la première rencontre entre Suzanne Bresseau et Taha Hussein.
Or, Avec toi débute par ces lignes : « On ne vit pas pour être heureux. »
« Quand tu m'as dit cela, en 1934, écrit Suzanne, je suis demeurée interdite. A présent j'ai compris. Je sais que, lorsqu'on est Taha, on ne vit pas pour être heureux : on vit pour accomplir ce qui vous a été demandé. Nous étions à la limite du désespoir, et je pensais, « non, pas pour être heureux, pas même pour rendre les autres heureux. » J'avais tort. Tu as donné de la joie. Tu as donné le courage, la foi, qui étaient en toi. »
Nous sommes en 1975 et Suzanne écrit : « Ce qui reste de moi va vers toi. » Deux ans plus tôt, le 27 octobre 1973. Taha Hussein mourait. Juste avant sa dernière nuit, un télégramme des Nations Unies lui annonçant qu'il avait reçu le Prix des droits de l'Homme et qu'on l'attendait à New York le 10 décembre… Taha Hussein s'en était allé à quatre-vingt trois ans. La guerre d'Octobre s'achevait à peine. Le gendre de Suzanne et Taha, Mohamed Hassan El Zayyat était ministre des Affaires étrangères de Gamal Abd El Nasser.
Mais retrouvons le grand souvenir évoqué par Taha Hussein : « C'était le 12 mai 1915, à Montpellier entre les 6 et 7 heures du soir et entre deux orages (…) Cette visite je l'attendais (…) La porte s'ouvre et une jeune fille accompagnée de sa mère entre. (…) je sentais dans mon for intérieur que cette conversation en attirerait une autre, que nos relations ne s'arrêteraient pas là, et mon cœur en débordait de joie et d'espoir. (…) ce jour est le plus heureux anniversaire de mon existence… » L'étudiant Taha regagna l'Egypte puis revint en 1916. Suzanne raconte : « Du temps passa. Et vint un autre jour où je dis aux miens que je voulais épouser ce garçon». La réaction fut celle que j'attendais. « Comment ? Un étranger, un aveugle, et pour finir, un musulman ! Tu es complètement folle ! » Taha Hussein obtint sa licence ès- Lettres en 1917. Suzanne écrivait ses feuilles d'examen : « Et puis, on se mit à la thèse. Quand j'y repense, je suis encore stupéfaite qu'en moins de quatre ans quelqu'un d'aussi handicapé et de si peu préparé à la culture occidentale ait pu faire une licence, un diplôme d'études supérieures et une thèse de doctorat ». Dès 1914, Taha Hussein avait soutenu en Egypte sa thèse sur Abou Alà el- Ma'arri.
La lecture d'A toi passionne, à la fois récit d'un amour et d'une vie intellectuelle et politique. On dispose, en notes, d'extraits du tapuscrit inédit de Moënis Claude Taha Hussein Mes souvenirs si bien qu'une plongée nous est offert edans la vie intellectuelle et politique de l'Egypte au XXe siècle, avec de minutieux détails sur des personnalités et des événements marquants.
Tout Avec toi vaut contradiction apportée à la peur exprimée par le romancier Michel Tournier dans Journal extime : « Les aveugles m'inspirent une sorte de terreur sacrée. J'ai découvert cela enfant en présence de l'écrivain égyptien Taha Hussein dont la femme était une cousine de ma mère… ».
Les anecdotes contées par Suzanne sont frappantes. Ainsi, la réaction de Taha Hussein à la mort de Saad Zaghloul. Il murmure quelque chose comme « C'est affreux ». Et comme on lui dit : « Ce doit être un bien grand ami que vous avez perdu ». Taha Hussein précise « Je n'avais pas de plus grand ennemi ».
Il y eut l'affaire de Suez. Suzanne écrit : « Je souffrais, durement ; dans ma confiance en mon pays, qui était et qui demeure absolue, et dans l'offense faite à l'Egypte ». Et, plus loin : « Déjà, quand on avait chassé le sultan du Maroc de son propre pays, Taha avait été profondément triste ».
Les cabales dont il arriva à l'écrivain d'être victime nous sont décrites aussi bien que les travaux et les jours. Mais terminons avec cette anecdote : « Tu n'étais pas encore si malade un soir qu'on transmettait à la radio une adaptation du Livre des jours. Quand ce fut terminé, le téléphone sonna. Tu répondis ; une voix enfantine et timide disait : « C'est moi qui ai fait le petit Taha. » il était bien fier et bien ému, cet enfant ».


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