"Le Point" raconte les Kabyles de France traqués par la dictature algérienne dans un dossier qui fera date    Fathallah Oualalou : Le Maroc et la Chine ont partagé l'honneur de contribuer à la victoire des Alliés    Etats-Unis : Hassan Baraka, premier athlète marocain à réussir le tour de Manhattan à la nage    CHAN 2024 : Le Maroc s'attend à «un match très disputé» face à la RDC (Tarik Sektioui)    Hakimi pour le Ballon d'Or ? Le collectif prime pour Luis Enrique    Maroc : Risque extrême d'incendies de forêts dans le nord (ANEF)    Prévisions météorologiques pour le dimanche 17 août 2025    Estados Unidos: Hassan Baraka, primer atleta marroquí en completar la vuelta a Manhattan a nado    Diaspo #402 : Abdelaali El Badaoui, driving social change through holistic health    La voix du désert Saida Charaf conquit Moulay Abdellah    Sahara : l'appui exprimé par Jacob Zuma pourrait marquer «le début d'un infléchissement stratégique dans la position de l'Afrique du Sud», note The Corporate Guardian    Le fonds souverain norvégien porte ses avoirs boursiers marocaines à 270 millions de dirhams    Motril enregistre 4 358 passagers vers Tanger-Med sur un total de 60 512 durant l'OPE    La présence de mercenaires du Polisario en Syrie pose de nouveaux défis à la justice transitionnelle, affirme un rapport pakistanais    Le suisse Dufecro accélère son développement au Maroc    Boulemane: découverte de trois dents fossilisées de dinosaures géants datées de la période Bathonien    Oujar : La tragédie du "Lisbon Maru" est un message humanitaire, et le Maroc et la Chine sont des partenaires pour la paix mondiale    L'ambassade de Chine à Rabat commémore le 80e anniversaire de la victoire des Alliés avec la projection d'un documentaire chinois    Lamborghini Fenomeno : 1 080 chevaux et seulement 29 exemplaires    Maroc : hausse de 13% des nuitées dans les EHTC au S1-2025    Le SG de l'ONU nomme 12 nouveaux conseillers au Fonds d'urgence    Le FC Barcelone inscrit officiellement Joan Garcia et Rashford comme nouvelles recrues    Médias / AS : « Rayan Azouagh change de dimension ».    Chine: Premier essai réussi pour une fusée destinée aux missions lunaires    Trump et Poutine atterrissent en Alaska pour un sommet historique    Défense : Les FAR présents à la cérémonie d'installation du nouveau chef de l'Africom    Justice : Coulisses d'une réforme jonchée d'épines [INTEGRAL]    Le dirham s'apprécie de 1,3% face au dollar    Le Maroc désigne l'agence Rooster pour représenter son tourisme au Royaume-Uni et en Irlande    Taza: Une colonie de vacances à Bab Boudir en faveur de 140 enfants issus du milieu rural    El Jadida saignée : 3 commerces éventrés en une nuit    La France condamne la destruction d'une école en Cisjordanie par Israël    Sommet de l'Alaska : Trump fait état de « grands progrès », sans annoncer de cessez-le-feu en Ukraine    Le duo fraternel Belmir captive Martil lors du Festival des plages Maroc Telecom    Reportage - Moussem Moulay Abdallah Amghar : un formidable catalyseur économique et social pour toute une région    Maroc – Belgique : Belgica Biladi, 60 ans d'immigration dans une exposition et un ouvrage    Diamond League : El Bakkali teste sa vitesse sur 1 500 m avant les Mondiaux de Tokyo    Marché de l'or: une stabilité fragile et des prix à la baisse    Les températures attendues ce samedi 16 août 2025    Dialogue social : les syndicats prévoient une « rentrée sous tension »    Renseignement marocain... Des racines historiques profondes à une ingénierie sécuritaire avancée face aux menaces de l'ère numérique    À Tanger, le rappeur Muslim illumine la scène du festival de plage Maroc Telecom    Paul-Mehdi Benhayoun : "Le Maroc a tout pour devenir une vraie nation de sports d'hiver"    Patrimoine : à Jemaâ el-Fna, place aux travaux    CHAN 2024 : Le groupe D toujours indécis    Maroc-France : Une délégation de la Chambre de commerce de Montpellier se rendra à Dakhla à l'automne    L'humeur : Un espace verdoyant amoché par un théâtre    Sahara : John Bolton se prononce sur l'avenir de la MINURSO    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Salim Jay : Un Salon du Livre à Tanger où Vénus détendit l'atmosphère
Publié dans Le Soir Echos le 16 - 03 - 2010


 
Je regardais la bouche de Vénus, à Tanger, ville que je n'avais pas vue depuis trente ans et que j'allais revoir durant cinq jours. Je regardais sa bouche, et dans sa bouche ses dents, et entre ses dents des fragments  d'aliments.  On m'avait raconté les dîners qu'elle donnait à Paris, dans son bel appartement de l'avenue Raphaël, en faveur de notabilités littéraires grandes et petites. Je m'étais plusieurs fois bruyamment enquis de la possibilité d'y être convié sinon spontanément, du moins bel et bien. 
Chaque fois que ma suggestion appuyée semblait laisser quelques marques de stupeur sur le visage de mon interlocutrice, un masque presque idiot venait remplacer instantanément le beau visage d'oiseau bagué de la poétesse libanaise. Alors, je m'enferrais en lui proposant facétieusement de «m'entretenir» peu ou prou, de faire un «geste» de m'avancer un peu de fraîche, de me filer un peu de blé, de me tirer d'affaire un jour ou deux.
Je disposais tout de même d'un argument en ma faveur : Michel Tournier m'ayant vu m'empiffrer m'avait un jour prédit : «Tu finiras en gros Libanais.» Pourquoi attendre plus longtemps ? J'étais partant, fût-ce à Tanger
La pauvre Vénus n'était pas indifférente : elle souffrait du jet-lag. Paris-Casablanca-Tanger.  Elle avait été à deux doigts de nous priver de sa présence. Quelque chose d'écœuré la lestait. Ses pensées étaient ailleurs. Elle se souvenait d'une sieste, ou d'un désir de sieste, d'un petit lunch. Elle n'allait pas nous vomir dessus, mais la tête lui tournait, le cœur n'y était pas. Elle allait sans doute s'étonner de ne pas être entourée d'une cour de lectrices admiratives lui tendant chacune un cure-dent de couleur différente lorsque la danse des cure-dent putatifs fut interrompue par le surgissement d'un poète barbu au front bombé qui répondait au nom de Werner Lambersy. J'avais toujours feuilleté ses ouvrages avec curiosité, la littérature belge étant une des dilections de l'honnête homme. Mais nos relations avaient viré à l'aigre depuis le 13 septembre 2001. Ce jour-là, en effet, j'avais croisé Werner dans une gare en compagnie de son petit garçon. Le père crut finaud de me saluer aux cris de «Bonjour Oussama !» Et le voici à Tanger disant : «Bonjour Vénus, as-tu fait bon voyage ?» 
 Bien élevée, Vénus l'interroge : «Tu connais Salim ?» 
«Non, il connaît Oussama. C'est le sobriquet dont-il m'a affublé après le 11 septembre. Aussi, je ne le salue plus.» 
Vénus est consternée. Dans son monde, on avale tout sans broncher, on appelle ça la politesse.
Werner devient pourpre et me lance : «Tu as bu.»
Je réponds : «Tu sais très bien que je n'ai pas bu. Tu sais très bien que je dis la vérité.»
«Tu mens, je n'ai jamais dit ça. Je vais te casser la figure.»
«Tu peux me casser la figure. Je n'ai pas peur.»
«Je sais que tu n'as pas peur.»dit-il avant de s'éloigner. 
Vénus  me regarde d'un air las : «Tu te fais des ennemis inutilement. Tu sais bien qu'on ne peut pas toujours dire la vérité. Est-ce que tu vas bien, au moins ?»
Cela me ramenait à un épisode précédent, place Saint Sulpice, au Marché de la poésie. Abdellatif Laâbi m'invitait à l'accompagner pour assister à l'hommage par les poètes parisiens à leur ami belge longtemps chargé de l'action culturelle wallonne et bruxelloise auprès du public français. J'avais alors raconté à Abdellatif comment Werner m'avait délicatement oussamisé. Et j'avais même précisé que c'était tout le problème avec les poètes fonctionnaires à la Werner : ils en viennent à tenir leur salaire pour une immunisation contre leur propre bêtise.
Ils vous terrorisaient volontiers avec leurs points de retraite comme des armes de jet.
Heureusement, j'ai eu le plaisir de recevoir plus tard, de Daniel Soil, alors homologue r'bati de Werner,  un petit ouvrage réunissant les textes de poètes belges et de poètes marocains qui s'étaient retrouvés à Rabat. Et puis, cela me faisait tout drôle de parler à Claude Royal-Journoud, à Tanger, car ce poète, j'avais plutôt coutume de le rencontrer au carrefour Mabillon. Premier éditeur (londonien !) de Mohamed Khaïr-Eddine, il méritait plus que personne d'être invité à respirer le même air que les poètes marocains. 
En 2002, je revins du Salon du livre de Tanger riche de trois vers dédiés à Mohammed Drissi, ce peintre marocain qui mourut d'une crise cardiaque dans le métro parisien alors qu'il gagnait avec ses valises la Cité Internationale des Arts où il aurait dû séjourner plusieurs mois. El Jerroudi a inventé une formule inouïe pour dire la liberté inaccessible aux vivants :
Tu as tous les rivages du monde 
Pour accoster un jour 
Au cœur de ton pays natal.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.