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Carnet de Corée et perroquet du Cameroun
Publié dans Le Soir Echos le 09 - 07 - 2012

Voici deux poètes que le voyage sépare. Serge Delaive publie Carnet de Corée (La Différence, 2012), où sa prose possède la force douce d'un poème révélé lentement. Gérard Le Gouic lui, tient une sorte de journal intime souvent bougon dans Qui a bu (Telen Arvor, 2012) et il avoue sa passion pour la sédentarité : « Lucie et moi, assis côte à côte dans le hall de l'aérogare de Brest, nous étions chacun à notre bonheur : elle de partir pour l'Ouzbékistan, moi de n'avoir pas à quitter Kermadevoua ». Le Breton Le Gouic est un ami du calligraphe marocain Mohammed Idali que vous retrouverez en fin de chronique. Le meilleur de ces notes est dans les lignes qui relatent le quotidien le plus personnel, au cœur de la maison : « Dès qu'il sent ma présence proche, écrit-il, Jojo le perroquet m'appelle à tue-tête, et chaque fois je n'en émerveille. Je regarde en même temps le chat et le chien à mes pieds, qui restent indifférents, comme si Jojo ou moi n'existions pas. Vexé, je leur lance : « Qu'est-ce que vous attendez pour en faire autant ?! ». Signalons que Pirate, perroquet du Cameroun a trente-neuf ans. Faire parler un chat, Béatrix Beck y était parvenue à merveille dans L'Enfant Chat et cette biographie d'un chat savant et, d'ailleurs, scolarisé, reste à mes yeux un sommet dans la grâce d'écrire. « Par avion, on ne voyage pas, on consomme », professe Le Gouic. Carnet de Corée de Serge Delaive nous propose une image plus bienveillante de l'avion : « Le 747 de la Korean Air patiente sur le tarmac. Dans l'asepsie du hall climatisé, je songe à nos deux précédents voyages en Corée, le pays natal de Sandra. 1999. 2004. Par intervalles quinquennaux, comme les planifications économiques. Une régularité déconcertante. » Delaive photographie le Boeing de la Korean Air et c'est une des images qui accompagnent de leur charme cette introspection voyageuse. La franche intimité des notes du Carnet se retrouve dans les postures, les climats et les protagonistes auxquels les photographies de Delaive donnent une saveur comme fruitée. Tel Cairn votif semble un cousin coréen des menhirs de Bretagne. Ce troisième séjour en Corée du Sud du Liègeois Serge Delaive eut lieu en 2009 et la petite famille voyageuse se rend à Suwon où Sandra, l'épouse, fut, dans un orphelinat « la petite fille triste aux cheveux courts exhibant un numéro d'identification, pareille à une condamnée ». Voici que Sandra, adoptée en Belgique, retrouve en Corée sa mère : « Ici, c'est elle qui réconforte sa mère qui l'a pourtant abandonnée ». Ce sont parfois les remarquables photographies prises par Delaive qui sont le plus chargées de poésie, par l'image et par le texte qui en constitue la légende. Ainsi « Les amoureux accrochent des cadenas ornés de leur vœux éternels parmi des dizaines de milliers de cadenas semblables et différents, sommet de Namsan, Séoul, 2009 ». En vérité, tout ce Carnet de Corée se lit et se regarde avec enchantement parce que Serge Delaive écrit comme si personne ne le lisait, comme s'il lisait dans le marc de café sa propre histoire. Ses remarques sur la peinture coréenne contemporaine me semblent très véridiques, si je songe aux travaux de mes amis peintres coréens Ym Se Taik et Kim Myong Hi qui vécurent longtemps à Paris et eurent la lubie de me portraiturer, à raison d'une séance par semaine un an durant (!!!) : « Les créateurs coréens auxquels j'ai eu accès sondent leur art, la place de l'humain dans un monde désincarné, la condition sociale et sa violence (...) Ils réconcilient clacissisme et innovation en explorant une troisième voie qui tient compte du public sans le prendre pour un imbécile ni pour le membre d'une élite globale ». Il n'y a pas que le perroquet de Gérard Le Gouic pour pratiquer l'art millénaire de la conversation. Mais chez Serge Delaive, c'est juste un échange de regards entre des interlocuteurs plutôt inattendus : « Derrière les clôtures, le lac regarde. Se moque de moi. M'en fous, je pique un roupillon ».
Il y a encore plus miraculeux que ce lac, c'est « la rivière Cheong Gye Gheon, enfouie, voûtée, enterrée des décennies plus tôt par l'urbanisation débridée, vient d'être rendue à l'air libre ».
Les dernières lignes du Carnet de Corée sont émouvantes et brillent de la loyauté qui fait tout le prix de ce livre : « Pendant le vol Séoul-Paris, Sandra lâche les vannes. Des larmes amères et joyeuses. Des larmes de vie. J'observe la leçon que je n'apprendrai jamais. Je ne suis pas là ». Cette ultime phrase de Serge Delaive où la pudeur a la puissance d'un révélateur confirme chez le lecteur l'heureuse conviction d'être en face d'un auteur à suivre désormais comme on voyage en soi. Avec, en tête, peut-être, ce qu'écrit Gérard Le Gouic : « Quel long et éprouvant parcours pour atteindre seulement ce que l'on est. » A moins qu'il ne convienne de relire en admirant les calligraphies de Mohammed Idali les poèmes à Wallada d'Ibn Zaydun, traduits par Saïd Laqabi et Ali Tizilkad sous le titre L'allégresse du temps (Marsam, 2012) : « Entre toi et moi cette chose impérissable si tu y consens / secret qui résistera à toute indiscrète tentative de dévoilement ». Voici deux poètes que le voyage sépare. Serge Delaive publie Carnet de Corée (La Différence, 2012), où sa prose possède la force douce d'un poème révélé lentement. Gérard Le Gouic lui, tient une sorte de journal intime souvent bougon dans Qui a bu (Telen Arvor, 2012) et il avoue sa passion pour la sédentarité : « Lucie et moi, assis côte à côte dans le hall de l'aérogare de Brest, nous étions chacun à notre bonheur : elle de partir pour l'Ouzbékistan, moi de n'avoir pas à quitter Kermadevoua ».
Le Breton Le Gouic est un ami du calligraphe marocain Mohammed Idali que vous retrouverez en fin de chronique.
Le meilleur de ces notes est dans les lignes qui relatent le quotidien le plus personnel, au cœur de la maison : « Dès qu'il sent ma présence proche, écrit-il, Jojo le perroquet m'appelle à tue-tête, et chaque fois je n'en émerveille. Je regarde en même temps le chat et le chien à mes pieds, qui restent indifférents, comme si Jojo ou moi n'existions pas. Vexé, je leur lance : « Qu'est-ce que vous attendez pour en faire autant ?! ». Signalons que Pirate, perroquet du Cameroun a trente neuf ans. Faire parler un chat, Béatrix Beck y était parvenue à merveille dans L'Enfant Chat et cette biographie d'un chat savant et, d'ailleurs, scolarisé, reste à mes yeux un sommet dans la grâce d'écrire. « Par avion, on ne voyage pas, on consomme », professe Le Gouic. Carnet de Corée de Serge Delaive nous propose une image plus bienveillante de l'avion : « Le 747 de la Korean Air patiente sur le tarmac. Dans l'asepsie du hall climatisé, je songe à nos deux précédents voyages en Corée, le pays natal de Sandra. 1999. 2004. Par intervalles quinquennaux, comme les planifications économiques. Une régularité déconcertante. » Delaive photographie le Boeing de la Korean Air et c'est une des images qui accompagnent de leur charme cette introspection voyageuse. La franche intimité des notes du Carnet se retrouve dans les postures, les climats et les protagonistes auxquels les photographies de Delaive donnent une saveur comme fruitée. Tel Cairn votif semble un cousin coréen des menhirs de Bretagne. Ce troisième séjour en Corée du Sud du Liègeois Serge Delaive eut lieu en 2009 et la petite famille voyageuse se rend à Suwon où Sandra, l'épouse, fut, dans un orphelinat « la petite fille triste aux cheveux courts exhibant un numéro d'identification, pareille à une condamnée ». Voici que Sandra, adoptée en Belgique, retrouve en Corée sa mère : « Ici, c'est elle qui réconforte sa mère qui l'a pourtant abandonnée ». Ce sont parfois les remarquables photographies prises par Delaive qui sont le plus chargées de poésie, par l'image et par le texte qui en constitue la légende. Ainsi « Les amoureux accrochent des cadenas ornés de leur vœux éternels parmi des dizaines de milliers de cadenas semblables et différents, sommet de Namsan, Séoul, 2009 ». En vérité, tout ce Carnet de Corée se lit et se regarde avec enchantement parce que Serge Delaive écrit comme si personne ne le lisait, comme s'il lisait dans le marc de café sa propre histoire. Ses remarques sur la peinture coréenne contemporaine me semblent très véridiques, si je songe aux travaux de mes amis peintres coréens Ym Se Taik et Kim Myong Hi qui vécurent longtemps à Paris et eurent la lubie de me portraiturer, à raison d'une séance par semaine un an durant (!!!) : « Les créateurs coréens auxquels j'ai eu accès sondent leur art, la place de l'humain dans un monde désincarné, la condition sociale et sa violence (...) Ils réconcilient clacissisme et innovation en explorant une troisième voie qui tient compte du public sans le prendre pour un imbécile ni pour le membre d'une élite globale ». Il n'y a pas que le perroquet de Gérard Le Gouic pour pratiquer l'art millénaire de la conversation. Mais chez Serge Delaive, c'est juste un échange de regards entre des interlocuteurs plutôt inattendus : « Derrière les clôtures, le lac regarde. Se moque de moi. M'en fous, je pique un roupillon ». Il y a encore plus miraculeux que ce lac, c'est « la rivière Cheong Gye Gheon, enfouie, voûtée, enterrée des décennies plus tôt par l'urbanisation débridée, vient d'être rendue à l'air libre ». Les dernières lignes du Carnet de Corée sont émouvantes et brillent de la loyauté qui fait tout le prix de ce livre : « Pendant le vol Séoul-Paris, Sandra lâche les vannes. Des larmes amères et joyeuses. Des larmes de vie. J'observe la leçon que je n'apprendrai jamais. Je ne suis pas là ». Cette ultime phrase de Serge Delaive où la pudeur a la puissance d'un révélateur confirme chez le lecteur l'heureuse conviction d'être en face d'un auteur à suivre désormais comme on voyage en soi. Avec, en tête, peut-être, ce qu'écrit Gérard Le Gouic : « Quel long et éprouvant parcours pour atteindre seulement ce que l'on est. » A moins qu'il ne convienne de relire en admirant les calligraphies de Mohammed Idali les poèmes à Wallada d'Ibn Zaydun, traduits par Saïd Laqabi et Ali Tizilkad sous le titre L'allégresse du temps (Marsam, 2012) : « Entre toi et moi cette chose impérissable si tu y consens / secret qui résistera à toute indiscrète tentative de dévoilement ».


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