Un père de famille vient de porter plainte pour discrimination contre un complexe balnéaire huppé de la corniche casablancaise. Les responsables de cet établissement auraient interdit l'accès au club à toute sa famille à cause du voile (Hijab) porté par son épouse. Casablanca, samedi 1er septembre. C'est l'après-midi, le ciel est bleu, il fait chaud et les vacances ne sont pas encore terminées. Un jeune couple, M. et Mme Ajouhi, décide d'en profiter avec leurs deux enfants âgés de trois et six ans. Direction le Tahiti Beach Club sur le boulevard de la Corniche. Une propriété de la société Blue Invest construite en 1940 et rénovée en 2005. Arrivés sur place, l'envie de se prélasser au bord de l'eau avec les siens est vite passée lorsque la sécurité interdit l'accès au club à Mme Ajouhi. le choc est encore plus violent quand la famille apprend que c'est à cause du voile qu'elle porte. Une interdiction formelle mais sans arguments valables. Le règlement du club précise que le port du voile est formellement interdit. Interdiction d'accès Le personnel de sécurité ne sachant quoi répondre à ses questions, M. Ajouhi demande à voir la hiérarchie pour tenter de comprendre la situation. Selon lui, la réponse fut la même. Une réponse incomplète et insuffisante. « J'ai été reçu par la gérante de l'établissement dans son bureau. Cette dernière m'a affirmé que le voile est formellement interdit au club et que c'est le règlement depuis longtemps », raconte M. Ajouhi avant d'ajouter, « Quand j'ai demandé pourquoi cette fixation sur le voile, on m'a répondu : c'est comme ça !». La principale concernée est, pour sa part restée devant la porte du complexe avec ses enfants. « Quand mon mari est descendu parler avec les responsables, le vigile m'a dit que je pouvais facilement entrée, à condition d'enlever le voile. J'ai dit non ! », explique Mme Ajouhi. En vacances pour deux semaines dans la ville blanche, Adil Ajouhi, jeune maroco-canadien à cheval entre le Canada, le Burkina Faso et le Maroc pensait naïvement qu'il suffisait de s'acquitter des 400 dirhams par personne nécessaires à l'accès au Tahiti Beach. Seul face à la réalité, il aurait pu faire demi-tour et changer d'établissement sans poser trop de questions. Mais pour lui, pas question d'abdiquer devant un discours qu'il juge irrecevable. Décidé à obtenir gain de cause, il appelle son avocat, dépêche sur place un huissier de justice et fait un constat dont le rapport et sorti hier. Excédé par ce qu'il considère comme une discrimination, il en profite pour annoncer à la gérante son intention de porter plainte pour «Discrimination». Pour ce père de famille, l'objectif n'est pas de parler religion, mais tout simplement de revendiquer ce qui est un droit constitutionnel, « Comment est-ce possible que ça puisse m'arriver dans mon pays; celui de mes ancêtres ?» s'insurge-t-il en poursuivant, « Je voyage beaucoup avec ma petite famille. Hélas, de tous les pays qu'on a visités, mon pays est le seul où on nous a traité de la sorte...C'est triste !». Mme Ajouhi reste elle sous le choc de ce qu'elle considère comme étant « un manque de respect total envers sa personne, mais aussi envers toute celles qui ont choisi de porter le voile ». « Je comprends que le voile ne soit pas approprié pour la baignade, chose que je ne comptais pas faire. Et je l'ai dit au vigile. J'étais là pour les enfants, c'est tout » précise-t-elle. La gérance persiste et signe Au Tahiti Beach, la gérance essaie tant que possible de ne pas faire monter la tension et de faire de cet incident une procédure des plus banales. La gérante du club, affirme que le règlement intérieur du complexe est le même depuis des années et que cela n'a jamais posé problème. « Il s'agit d'un cas tout à fait normal pour nous car nous avons l'habitude de ce genre de situation », explique-t-elle. « nous ne faisons qu'appliquer un règlement qui date de longtemps. Toutefois, il ne s'agit nullement d'une affaire de voile » ajoute la même source. Le fait est qu'un constat existe. Un document fait en bonne et due forme attestant qu'il s'agit bel et bien d'une affaire de foulard. Ce qui prouverait « formellement » qu'il y a eu « discrimination ». Un acte anti-constitutionnel et passible d'amendes et d'emprisonnement selon la section 2 bis du code pénal marocain. « Le texte est clair. la discrimination telle que définie dans l'article 431-1 du code pénal est punie de l'emprisonnement d'un mois à deux ans et d'une amende de mille deux cent à cinquante mille dirhams, lorsqu'elle consiste: à refuser la fourniture d'un bien ou d'un service, à entraver l'exercice normal d'une activité économique quelconque, à refuser d'embaucher,à sanctionner ou à licencier une personne, à subordonner la fourniture d'un bien ou d'un service ou l'offre d'un emploi à une condition fondée sur l'un des éléments visés à l'article 431-1 » précise un magistrat interrogé par Le Soir échos et souhaitant garder l'anonymat. Cela dit, et au-delà du litige juridique, le port du voile semble devenir au Maroc un véritable problème de société. Certes, le sujet est toujours aussi délicat, avec un contexte social et géopolitique en mouvement, le Maroc reste un pays majoritairement musulman, avec une Constitution et des lois que nul n'est sensé ignorer. Aujourd'hui, Mme et M. Ajouhi demandent avant tout des explications claires pour répondre à la question de Douâa, leur fille de 6 ans, qui n'a pas toujours compris pourquoi sa maman ne peut pas entrer dans le club avec un foulard. Le reste, c'est à la justice d'en décider. Une affaire à suivre... * Tweet * *