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«Anthologie des écrivains marocains de l'émigration», une oeuvre nécessaire
Publié dans Le Soir Echos le 21 - 04 - 2010


 
Premier caractère général du genre: une anthologie ne peut être exhaustive; deuxième caractère général: une anthologie est, par essence, inégale; troisième caractère général: une anthologie suscite plaisir et frustration. «Anthologie des écrivains marocains de l'émigration» de Salim Jay (La Croisée des chemins, 2010), présente ces caractères généraux: elle est incomplète, inégale, délectable et frustrante. Mais elle a le mérite d'exister d'autant plus que ses qualités l'emportent sur ses faiblesses et son auteur, Salim Jay, est digne de toutes les louanges:  à deux reprises, il a fait le travail d'une équipe d'universitaires marocains; la première fois en rédigeant le «Dictionnaire des écrivains marocains» (Eddif, 2005), la deuxième fois avec cette anthologie. Grâce à Salim Jay, des chercheurs, des bibliophiles, marocains ou étrangers, ou même des touristes qui veulent lire nos écrivains ou goûter à leurs créations ont une référence pour satisfaire leur curiosité.
«Anthologie des écrivains marocains de l'émigration» est un titre qui ne correspond pas au contenu de l'œuvre qu'il intitule: il n'existe pas de littérature écrite estampillée des MRE parce que les Marocains partis travailler à l'étranger, pendant les Trente Glorieuses, étaient tous analphabètes!  Sur les 51 auteurs et 5 langues, il n'y a que deux MRE authentiques : Ali Sadki Azayko et Ali Amayou, tous deux paroliers du Raïss Ammori Mbark et dont les oeuvres, en berbère (tachelhit), sont  des chansons circulant sous forme de cassettes…Traduits en français, ces deux poètes, comme Brel ou Brassens, font irrésistiblement penser aux poètes afro-américains du début du XXe siècle, il suffit de remplacer Gennevilliers par le Bronx et la Place Voltaire par Harlem pour situer ces deux grands poètes qui ont l'envergure d'un Langston Hugues ou d'un Horace Mc Kay. Grâce à Ali Amayou, «L'épicier d'Aulnay-sous-Bois», et Ali Sadki Azayko, nous touchons du doigt le blues des MRE. Aux voix de ces artistes, on peut ajouter celle de Fatima Elayoubi mais dans le registre ethnographique.
Cousins de ces authentiques MRE et poètes, il y a un groupe d'auteurs qui travaillent à l'étranger, des professeurs, des cadres, qui sont les parents des premiers, mais ils s'en séparent par l'instruction, ils sont montés en France, comme Rastignac à Paris, ou ailleurs pour travailler et étudier en même temps. Ce sont des auteurs de la «Préfecture», des auteurs de la «Carte de séjour», souvent refusée. Leurs oeuvres, presque toujours uniques, sont des autobiographies.  Elles racontent le combat, contre les autorités marocaines pour obtenir le passeport et parlent du racisme, bref leur lutte pour devenir quelque chose dans un pays qui peut être hostile surtout depuis la montée du Front national. Malheureusement ces auteurs ne produisent que des autobiographies plus ou moins déguisées puis après s'être exorcisés de leurs démons se taisent à jamais. A cet égard, l'auteur emblématique de ces écrivains est Brick Oussaïd dont «Les Coquelicots de l'Oriental» publié dans la collection «Actes et mémoires du Peuple» des éditions François Maspero (1982) a d'abord un intérêt ethnographique mais non littéraire ou artistique et ce n'était certainement pas l'ambition de Brick Oussaïd qui a d'ailleurs choisi une carrière  d'ingénieur plutôt que le métier d'écrivain. Beaucoup d'écrivains marocains sont des clones de Brick Oussaïd, chacun racontant sa vie selon le pays où il se trouve. D'où, parmi les auteurs cités dans cette anthologie, une majorité écrasante de ces écrivains de la «Préfecture» qui ont traversé l'épreuve du racisme ou de l'étrangeté. A cette veine appartiennent  Anouar Majid (Angleterre), Issa Aït Belize, Soumya Zahi, Abderrahmane Beggar (Canada), Hayat Chemsi (France), Jamal Boudouma, Mohamed Hmoudane, Laïla Lalami (Etats-Unis) et Mustapha Kharmoudi  (France). On peut ajouter d'autres noms à cette liste ou en retrancher certains parce que «L'anthologie» de Salim Jay  a manqué de repères biographiques, nous n'apprenons pas grand-chose sur l'état civil de nos auteurs et les dates qui peuvent aider à situer ces auteurs sont rares.
Il n'existe pas de littérature écrite des MRE parce que les Marocains, partis travailler à l'étranger pendant les Trente Glorieuses, étaient tous analphabètes.
Il y a une troisième catégorie d'auteurs dans le choix de Salim Jay: les auteurs d'origine marocaine appartenant aux «Immigrés de la deuxième génération», les enfants des MRE historiques. Plus nombreux, rebelles et ayant bénéficié des prestations de l'enseignement de leurs pays d'accueil, ils sont plus doués que leur parents. Mais on ne peut les considérer comme des auteurs marocains de l'émigration puisqu'ils sont nés dans leurs pays d'accueil et jouissent tous de la double-nationalité. Parmi ces auteurs, il y a des perles rares. Minna Sif en est une: Française de Corse,  d'origine marocaine , au tempérament de feu et au style percutant, une rebelle qui a du talent et les scènes citées dans cette anthologie, où elle décrit son frère, arriviste, voulant à tout prix devenir un «pied blanc», sont un vrai morceau de bravoure. Il y a aussi de belles découvertes à faire, si ce n'est déjà fait, dans la bibliothèque naissante des enfants de la diaspora marocaine. D'abord les Néerlandais qui ont déjà fait parler d'eux dans leur pays d'adoption: Hafid Bouazza, Abdelkader Benali, Saïd El Haji. Ces  auteurs, dont les deux premiers sont des espoirs de la littérature néerlandophone du XXIe et Rachida Lamrabet donnent une autre idée de la jeunesse marocaine vivant aux Pays-Bas. Il en va de même pour Najat El Hachimi qui a accédé à la notoriété dès son premier roman au titre superbe «Le Dernier patriarche» qui annonce une oeuvre prometteuse. On constate aussi l'absence de Marocains écrivant en italien.  
On note enfin dans le choix de Salim Jay une cohorte d'écrivains dont on ne comprend pas la présence dans cette «Anthologie des écrivains marocains de l'émigration»: peut-on raisonnablement considérer Driss Chraïbi, Tahar Benjelloun, Edmond Amrane El Maleh , Mohammed Khair-Eddine, Abdellatif Laâbi, Abdallah Taïa, ou Sapho comme des MRE. Nous avons plutôt affaire à une anthologie des auteurs marocains qui ont écrit dans une autre langue que leur langue maternelle ou une anthologie des auteurs marocains qui, pour une raison ou une autre, ont vécu à l'étranger. En tout cas, même en citant les écrivains marocains d'expression française «classiques», les jeunes plumes issues de la deuxième génération et quelques inclassables comme Fouad Laroui ou Mahi Binebine ou Rachid O, Salim Jay aligne 51 auteurs, ce qui est peu: l'Algérie peut en aligner 200. Les Marocains sont plutôt «hommes de paroles», un peu fâchés avec les langues étrangères. Quand on observe tous ces auteurs, on se rend compte que le seul véritable auteur, le seul vrai romancier reste Driss Chraïbi et on ne voit pas encore qui pourrait le détrôner. Quant à la langue française qui a dominé notre littérature, elle commence à perdre sa prééminence au profit du néerlandais. Quant à la parole des immigrés, elle est restée une parole qui s'est perdue dans le bruit des machines ou des marteaux-piqueurs.


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