Le message est clair à l'exemple de son émetteur. À écouter Lahcen Daoudi, ministre de l'Enseignement supérieur, de la recherche scientifique et de la formation des cadres, il est important de diagnostiquer l'état de santé de la recherche et développement au Maroc et proposer sa cure de revitalisation, il semble que les choses s'arrangeraient dans les meilleurs délais. Intervenant jeudi dernier au siège de la CGEM à Casablanca lors d'une rencontre sur «la R&D et l'Innovation : levier de compétitivité», le ministre PJDiste pense que la rationalisation des dépenses, la bonne gouvernance et l'appui pur et dur de la recherche fondamentale sont les clés de voûte pour rendre à la R&D ce qui est à la R&D. Il a saisi l'occasion pour décrier un état de fait:«mettre de l'argent pour que ça profite en dernier lieu aux autres pays». Il semble déterminé à donner une nouvelle impulsion aux projets de recherche fondamentale, en rupture avec les programmes de partenariat étrangers sous conditions. Message bien reçu de la part de l'ambassadeur de l'Union européenne au Maroc, Eneko Landaburu, qui qualifie le discours de Daoudi de réaliste. Eneko en sait quelque chose. «Vaste programme et bonne chance», a-t-il déclaré pour commenter la feuille de route de Daoudi. À ses yeux, faire face aux réalités exige d'une part de répondre aux aspirations démocratiques de la population, ainsi qu'améliorer les modèles économiques d'autre part. Des transferts d'argent pour faire des études à l'étranger L'avis du ministre PJDiste est tout autre. Il croit dur comme fer à une réforme de fond en comble capable de produire des gains de productivité , voire même exporter de la recherche. Seulement, «est-ce qu'on a la volonté de mobiliser le peu de moyens qu'on a?», s'interroge-t-il. Lorsqu'on sait que le budget d'investissement alloué à la R&D au Maroc ne dépasse guère les 500 millions de dirhams, on peut se demander où Daoudi compte puiser les ressources financières dont il parle. Il n'existe pas 36 000 voies. Sa cible comme il l' a répété, lui-même, mille fois, est les transferts d'argent pour faire des études à l'étranger. Ils sont plus de 52 000 étudiants marocains à l'étranger à effectuer des virements de l'ordre de 4 MMDH. Une manne financière qui serait d'un apport assez conséquent pour la recherche, si Daoudi réussit à convaincre ces étudiants et leurs familles de rester sur place au lieu de prendre le large. Ce dernier leur assure en contrepartie une pluie d'établissements étrangers qui ont répondu présents à l'appel de la tutelle dans le cadre de partenariats bilatéraux. Il dénombre des Français, des Italiens, des Canadiens, et pas seulement. Les Russes ont manifesté leur intérêt avec un projet de création d'une grande Université à Casablanca. Les Allemands ne sont pas en reste non plus. Ils entreprennent d'installer un projet universitaire s'étalant sur plus de 25 hectares à Marrakech. Sans oublier les programmes ambitieux de coopération avec les centres de recherches scientifiques à l'instar de l'Institut national de la recherche scientifique(INRS) au Canada ou encore le Centre national de la recherche scientifique(CNRS) en France. « L'université marocaine est en marche », soutient Daoudi. Nécessité d'un système d'éducation performant Néanmoins, partir en croisade nécessite d'avoir à son arc plusieurs cordes. Le ministre en est bien conscient. Outre, l'aspect budgétaire, le nerf de la guerre d'ailleurs, il compte revoir la structure du tissu universitaire inscrit dans une logique de parcellisation. Pour Daoudi, l'heure est au regroupement et à la consolidation des efforts avec dans le pipe, la réunion sous la même bannière l'université de Casablanca et celle de Rabat. Repenser la coordination entre les différents acteurs en vue de mettre en cohérence et en tirer plus de profits des efforts déployés ici et là, est également une stratégie également envisagée. «À travers une passerelle tellement vitale, il faut qu'on arrive à maîtriser les créneaux», a fait savoir le ministre. Il pense par exemple à l'OCP en menant des travaux de recherches scientifiques sur les terres rares utilisés principalement dans les produits de haute technologie, devenus même selon certains des métaux stratégiques. Pourtant, les choses ne sont pas toujours ce qu'elles semblent être. Trop optimiste, le ministre arrivera-t-il à mettre sur les rails les jalons d'un partenariat public-privé, puisque l'Etat n'est pas en mesure de jouer cavalier seul sur le terrain de l'innovation? Pour exemple, aux Etats-Unis, 80% des investissements en R&D sont financés par l'Etat. Daoudi sera-t-il capable de mettre en cohérence les stratégies sectorielles? L''objectif même de son département est d'identifier les projets R&D structurants en rapport avec les stratégies sectorielles. Qui dit R&D dit d'abord un système d'éducation performant, une méthodologie et une pédagogie d'enseignement efficaces, au lieu d'une université censée être un laboratoire de recherche, conçue pour retarder le déferlement des diplômés chômeurs sur le marché du travail. La R&D nécessite aussi un appui financier conséquent, un système fiscal mis à disposition et pas le contraire. Pour boucler la boucle, pourquoi la loi de Finances 2013 avait-elle ignoré les propositions de la CGEM en matière de «Crédit d'impôt recherche», un dispositif censé améliorer les gains de compétitivité et de productivité des entreprises?