Le tribunal de Dar El Beïda, à Alger, a condamné jeudi 3 juillet l'historien Mohamed Lamine Belghit à cinq années d'emprisonnement ferme et à une amende de 500 000 dinars, au terme d'une procédure qualifiée de bâclée par de nombreux observateurs. Le jugement a été rendu pour les chefs d'accusation d'«atteinte à l'unité nationale» et d'«incitation à la haine raciale», à la suite de propos tenus sur la chaîne émiratie Sky News Arabia. Lors de son procès, expédié en une seule audience le 26 juin, le ministère public avait requis sept ans d'emprisonnement. Le verdict a été prononcé sans que la défense ait pu bénéficier, selon ses avocats, d'un cadre procédural garantissant l'exercice équitable des droits fondamentaux. Une parole jugée attentatoire à l'ordre constitutionnel Interpellé le samedi 3 mai, M. Belghit avait, lors d'un entretien en direct, assimilé l'amazighité à un «complot colonial franco-sioniste». Ces propos ont entraîné des poursuites judiciaires immédiates, alors même que l'universitaire était régulièrement invité sur les plateaux de télévision. Aux yeux de la justice, ces déclarations contreviennent à la reconnaissance du tamazight comme langue officielle de l'Etat algérien, statut que cette langue partage avec l'arabe depuis la réforme constitutionnelle de 2016. Une affaire politiquement chargée L'affaire Belghit a été comparée à celle de l'écrivain Boualem Sansal, condamné lui aussi à cinq ans de prison pour avoir évoqué dans une revue française l'appartenance historique de l'ouest algérien au Maroc. Dans les milieux intellectuels et universitaires, la condamnation de M. Belghit est perçue comme le signe d'une judiciarisation croissante des débats sur l'identité nationale, doublée d'une volonté de marginaliser les voix dissonantes. Plusieurs organisations de défense des droits fondamentaux ont dénoncé un procès «dépourvu des garanties élémentaires de l'Etat de droit» et ont appelé à sa révision immédiate.