Des chercheurs ont réussi pour la première fois à décoder l'intégralité du génome d'un ancien Egyptien, inhumé voici près de 4 800 ans durant l'Ancien Empire, révélant une ascendance mêlant le Maghreb néolithique et le Croissant fertile. Cette découverte capitale, qui éclaire d'un jour nouveau les échanges humains aux origines des premières civilisations, établit un lien génétique direct entre l'Egypte ancienne et les populations préhistoriques du Maroc. Les restes étudiés proviennent d'une sépulture rupestre taillée dans la roche à Nuwayrat, à environ 265 kilomètres au sud du Caire. L'individu – un homme âgé de quarante-quatre à soixante-quatre ans au moment de sa mort – avait été inhumé dans une jarre en céramique, selon une pratique funéraire réservée aux classes aisées. Malgré les marques laissées sur son squelette par un labeur exigeant, les conditions de son ensevelissement attestent d'un statut social élevé. L'analyse génomique, rendue possible par une préservation exceptionnelle de l'ADN au sein de racines dentaires, a révélé une composition génétique singulière : environ 78 % de son patrimoine provenait de groupes néolithiques d'Afrique du Nord, notamment du territoire correspondant à l'actuel Maroc, tandis que les 22 % restants étaient affiliés aux premiers agriculteurs du Croissant fertile, sur les terres des actuels Irak, Syrie et Turquie. Selon les chercheurs, cette combinaison atteste de relations interrégionales bien antérieures à l'édification des grandes pyramides. «Ce génome prouve que l'Egypte pharaonique n'était pas une entité isolée mais un carrefour des peuples dès ses origines», a souligné un généticien du Centre national de recherche anthropologique (CNRA), l'une des institutions ayant participé à l'étude. Outre l'origine géographique des lignées, l'analyse met en lumière des emprunts réciproques entre les civilisations nord-africaines et moyen-orientales, en matière agricole, commerciale et peut-être linguistique. L'idée selon laquelle les systèmes d'écriture ou les itinéraires caravaniers seraient issus d'un lent brassage culturel entre ces régions trouve ici un fondement biologique. Cette étude, première en son genre pour l'Egypte ancienne, marque une étape décisive dans le domaine de l'archéogénétique. «Elle dissipe les illusions d'un isolement ethnique supposé et rétablit la mobilité des populations comme facteur constitutif des grandes civilisations», a affirmé Leïla Mansouri, spécialiste de l'ADN ancien au sein du Laboratoire international des origines humaines (LIOH). Grâce à un microclimat stable au sein de la tombe, à la fermeture hermétique de la jarre funéraire et à la qualité des échantillons prélevés, les scientifiques ont pu reconstituer l'ensemble du génome, un exploit jusqu'alors jugé improbable pour une dépouille africaine aussi ancienne. Les perspectives ouvertes par cette percée sont vastes : élargissement du corpus génomique ancien en Afrique du Nord, reconstitution des mouvements de peuplement entre le Sahara, le Levant et le bassin méditerranéen, voire réécriture des généalogies culturelles de l'humanité. La découverte, issue d'une collaboration entre l'Université du Caire, le CNRA, et le LIOH, sera publiée dans la revue Paléogénétique comparée, organe de référence en matière d'ADN ancien.