Autodidacte, artiste pluriel influencé par Miro et Giacometti, enrôlé dans la vague artistique qui déferle sur la France de 68, Philippe Cazal ne mâche pas ses mots en matière d'art, il en joue. Société, politique, urbanisme sont passés en revue au fil de son œuvre. Il présentera l'exposition, «le Jeu», à l'Institut français de Meknès du 24 juin au 30 octobre 2010. Quand on fait référence à la langue française, «le jeu» renvoie également au «je» et donc au «moi». A travers l'énumération des phrases s'alliant avec différents mots autour de l'idée du jeu, «jeu de paume», «jeu d'échecs», «jeu de mots» et bien d'autres, je voulais évoquer la notion de jeu et sa juxtaposition. Et parallèlement à cela, la forme de jeu que renferme certains mots, sans pour autant être nommés. Le mot apparaît très tôt dans mon travail. C'est seulement à l'âge de vingt ans, que j'ai eu un réel intérêt pour la lecture. J'aimais particulièrement laisser les livres ouverts, les livres d'histoire, de philosophie… André Breton dit dans «Nadja» qu'il faut laisser les livres ouverts, battant comme des portes. Selon vous, est-ce pour qu'ils puissent se matérialiser ? Oui, le livre est un objet qui se matérialise de plusieurs façons. Tous les aspects qu'il peut renfermer m'intéresse. Aujourd'hui, ce sont encore les mots qu'il révèle qui suscitent mon intérêt. Et j'ai associé différentes formes, trois couleurs, le magenta, le mage, l'orange à la variété de la construction des textes car j'ai une fascination pour la couleur et la matière, qui laisse le champ ouvert à l'apparition d'autres mots. Vous avez joué avec les mots et les couleurs pour transformer votre nom en logo et développer votre image de marque en utilisant les codes publicitaires et marketing à une époque où les artistes n'y avaient pas recours… C'était avant tout, l'acte artistique qui m'intéressait dans cette démarche. Je voulais avoir un signe de l'époque marquant quelque chose de déterminant et j'ai contacté la meilleure agence de graphisme à qui j'ai proposé le logo PC, en référence à mes initiales, en noir et blanc. Neuf mois plus tard, Canal+ utilisait les mêmes couleurs… J'aime les diptyques, la déclinaison des matériaux en deux parties. D'où vient également votre goût pour l'assemblage d'objets issus de la société de consommation ? Je pense qu'il est tout à fait naturel qu'un artiste soit sensible à la société qui l'entoure. Cette société est de plus une entité qui représente multiples aspects : les sphères politique, sociale, économique, culturelle. En 1977, alors qu'avec d'autres artistes, nous avions investi la rue parisienne, pour montrer nos créations, puisqu'à cette période, existait la difficulté de la visibilité des œuvres, quelqu'un qui travaillait à la Biennale, nous a proposé d'y exposer notre travail. Et nous avons alors participé à la 10e Biennale de Paris, en présentant une création intitulée «Vie quotidienne». Il s'agissait d'un environnement de type grand magasin, composé de 2.500 pièces sous blisters, au travers desquels, 18 thèmes étaient abordés, dont la politique, la société, la culture. Cette exposition tenait aussi au fait qu'elle montrait l'esthétique d'un supermarché. Votre œuvre s'inspire notamment de l'espace urbain… Je suis plutôt urbain. Je suis fasciné par les villes, surtout quand elles sont grandes, décadentes. J'y aime le bruit, les lumières, la vie et les gens grouillant dans un mouvement incessant. Je m'inscris dans l'actif et non pas dans le contemplatif. Au Maroc, il y a une autre façon de vivre, qui échappe au temps et à l'espace et je m'y adapte très bien.