Avoir un emploi décent permettant la suffisance des salaires ou des revenus des travailleurs indépendants, le droit à la sécurité de l'emploi et à un lieu de travail sûr et sain, à l'accès à la protection sociale, à la possibilité d'exprimer ses opinions et ses préoccupations par l'intermédiaire d'un syndicat, d'une organisation d'employeurs ou d'un autre organe représentatif, et à d'autres droits fondamentaux tels que la non-discrimination reste toujours un objectif à chercher ardemment par des milliards de travailleurs dans le monde, indique un récent rapport de l'Organisation internationale du travail. Selon ce document, des lacunes importantes altèrent la qualité du travail et ces déficiences risquent de s'amplifier davantage dans un contexte mondial marqué par un niveau élevé de travail indépendant et d'informalité, la baisse du taux mondial de syndicalisation, qui est passé de 25% en 2000 à 17% en 2017, et les difficultés rencontrées par les organisations d'employeurs pour accroître leurs propres effectifs et agir en tant que porte-parole collectif des intérêts des entreprises. Le Maroc ne fait pas exception. Un pan important de ces travailleurs sont victimes de salaires de misère, de privation de leurs droits sociaux, de licenciement... Ils sont également victimes d'une course mondiale effrénée cherchant à amoindrir les charges relatives à la production en misant sur une main-d'œuvre bon marché, docile et jetable. Les ouvriers agricoles de la région de Chtouka Ait Baha peuvent être considérés aujourd'hui comme un exemple type de cette nouvelle tendance mondiale avec un nombre de plus en plus fort des ouvriers agricoles exploités et licenciés. «L'aspiration de tout travailleur à exercer un travail productif et convenablement rémunéré, assorti de conditions de sécurité sur le lieu de travail et d'une protection sociale pour sa famille reste toujours un vœu pieux». C'est l'un des messages clés du dernier rapport de l'Organisation internationale du travail (OIT) intitulé : «Emploi et questions sociales dans le monde: tendances 2020». Selon ce document, ces conditions ne sont pas remplies pour une grande partie de travailleurs à travers le monde. Selon cette agence spécialisée de l'ONU, une grande partie des personnes employées occupent des emplois qui n'offrent pas de conditions de travail décentes, comme le montre la forte proportion de travail informel, de travail à son propre compte et de travail familial, mais aussi de pauvreté au travail. Les déficits de travail décent concernent également un nombre important de personnes ayant un emploi rémunéré qui ne bénéficient pas de la protection sociale et des droits du travail, ainsi que de nombreux travailleurs qui ne profitent pas des dispositions des normes internationales du travail et, en particulier, n'ont pas de représentation collective ou voix au chapitre.En somme, 3,3 milliards de personnes employées à travers le monde en 2019 bénéficient d'emplois rémunérés qui ne leur garantissent pas de conditions de travail décentes ni un revenu suffisant. En détail, près de 2 milliards de travailleurs occupent un emploi informel, et ont donc nettement moins de chances de bénéficier du droit du travail ou des avantages des systèmes de protection sociale. Le document en question évoque également le cas de quelque 360 millions de travailleurs, dont beaucoup de femmes, qui sont des travailleurs familiaux qui collaborent à l'entreprise familiale. Ces personnes sont considérées comme informels par définition et n'ont pas d'accès effectif à la protection sociale ni à la sécurité du revenu. En outre, une grande partie des 1,1 milliard de travailleurs à leur propre compte – qui constituent un tiers des personnes en situation d'emploi – sont engagés dans des activités élémentaires, qu'ils exercent en raison du manque d'emplois dans le secteur formel ou du manque de revenus émanant de la protection sociale. Le manque d'emplois productifs et bien rémunérés signifie que plus de 630 millions de travailleurs – soit un travailleur sur cinq dans le monde – vivent dans une pauvreté extrême (c'est-à-dire dans des ménages dont le revenu quotidien par habitant est inférieur à 1,90 dollar en termes de parité du pouvoir d'achat (PPA)) ou dans une pauvreté modérée (ménages dont le revenu quotidien par habitant se situe entre 1,90 et 3,20 dollars en termes de PPA). Une situation des plus complexes avec l'absence de partenaires sociaux indépendants (syndicats et organisations d'employeurs) bien organisés, dotés de ressources suffisantes et représentatifs. Selon l'OIT, le niveau élevé du travail indépendant et d'informalité, la baisse du taux mondial de syndicalisation, qui est passé de 25% en 2000 à 17% en 2017, et les difficultés rencontrées par les organisations d'employeurs pour accroître leurs propres effectifs et agir en tant que porte parole collectifs des intérêts des entreprises font qu'il est plus difficile pour les acteurs sociaux de contribuer à la stabilité économique en instaurant des relations de travail décentes. Ceci d'autant plus que l'incapacité à parvenir à une croissance durable et inclusive et à un travail décent pour tous peut inciter certaines personnes à se mobiliser pour susciter le changement, note le rapport de l'OIT. «Par exemple, la hausse des taux de chômage est associée à un risque plus élevé de pics de l'indice des troubles sociaux. La fréquence de ces troubles tels que les manifestations et les grèves, est reflétée dans l'indice des troubles sociaux. L'étude de l'évolution de cet indice est beaucoup plus instructive lorsqu'elle est opérée par sous-région plutôt que par groupes de revenus. Entre 2009 et 2019, l'indice a augmenté à la fois au niveau mondial et dans 7 des 11 sous régions. Après quelques années de calme relatif, les troubles sociaux sont à nouveau en hausse, bien que le pic de 2011 n'ait pas encore été dépassé dansla plupart des sous-régions. Les raisons spécifiques de l'augmentation de cet indice sont diverses et généralement propres à chaque pays. Cependant, le mouvement Fridays for Future, par exemple, a acquis une portée véritablement mondiale en 2019, avec des personnes qui prennent part à des manifestations dans le monde entier pour appeler à plus d'action en faveur du climat et du développement économique durable.Ce mouvement est responsable d'une grande partie de la hausse de l'indice en Europe du Nord, du Sud et de l'Ouest», indique le document. Et de poursuivre : «L'Afrique du Nord a connu la plus forte augmentation de toutes les sous-régions, sous l'effet de vagues de protestations en Algérie, en Egypte et au Soudan. Il faut également noter qu'au cours de la dernière décennie, l'indice des troubles sociaux a lentement progressé en Amérique latine et dans les Caraïbes,sous-région qui compte de nombreux pays durement touchés par des crises économiques et sociales, notamment l'Etat plurinational de Bolivie, le Chili, l'Equateur et la République bolivarienne du Venezuela». A noter que l'Afrique du Nord a le taux de chômage le plus élevé de toutes les sous régions du monde, 12,1% en 2019, et le ratio emploi-population le plus faible, 40,1%. L'OIT a également révélé que le marché du travail en Afrique du Nord se caractérise par des taux particulièrement élevés de sous-utilisation de la main-d'œuvre. En 2019, une personne sur quatre dans la main-d'œuvre élargie, soit 25,3%, a connu une forme ou une autre de sous utilisation. Les taux des deux autres formes de sous-utilisation de la main-d'œuvre sont également importants: 5,8% des travailleurs cherchent davantage d'heures de travail rémunérées et 9,7% de la population en âge de travailler se trouvent dans la main-d'œuvre potentielle. Les jeunes sont particulièrement touchés par ce ralentissement du marché du travail.