« Nous passons de l'aide (A.I.D.) au commerce. » Aux côtés de son secrétaire aux Affaires africaines, le président américain a acté la nouvelle diplomatie américaine orientée vers l'Afrique, en remplacement de celle centrée sur l'aide. Après les sommets Afrique-Russie et Chine-Afrique, l'administration Trump lance son sommet sur mesure. Le 9 juillet 2025, Donald Trump a reçu à la Maison-Blanche cinq chefs d'Etat africains — ceux du Sénégal, du Gabon, de la Mauritanie, du Libéria et de la Guinée-Bissau — dans le cadre d'un mini-sommet discret, en préparation du grand sommet USA-Afrique prévu en septembre prochain. Après avoir sabordé l'aide humanitaire à destination de l'Afrique, le président Trump a déclaré que son administration recalibrait sa politique africaine pour se concentrer sur le commerce. « Nous passons de l'aide (A.I.D.) au commerce », a-t-il déclaré aux présidents du Gabon, de la Guinée-Bissau, du Libéria, de la Mauritanie et du Sénégal, ajoutant que son administration avait récemment fermé l'Agence américaine pour le développement international (USAID). « Nous travaillons sans relâche à créer de nouvelles opportunités économiques impliquant à la fois les Etats-Unis et de nombreux pays africains. Il y a en Afrique un potentiel économique exceptionnel, rare ailleurs. » Lire aussi | Afrique: Nadia Fettah plaide pour des systèmes de retraite résilients et solidaires En bon homme d'affaires, le locataire de la Maison-Blanche impulse l'ère de la diplomatie transactionnelle avec le continent. « L'objectif est de conclure des accords commerciaux visant à étendre l'accès des Etats-Unis aux minerais stratégiques et à contrer l'influence croissante de la Chine sur le continent », nous confie l'économiste Samuel Mathey. Mais il faut toutefois reconnaître que la dissolution de l'USAID par Trump a laissé de nombreux pays africains en grande difficulté. Par exemple, l'aide américaine au Libéria représentait 2,6 % du revenu national brut du pays avant sa suppression — le taux le plus élevé au monde pour un pays bénéficiaire, selon le Center for Global Development. Plus qu'une simple réunion protocolaire, cet échange marque un changement de paradigme dans la relation américano-africaine. Aux côtés de son secrétaire aux Affaires africaines, fin connaisseur du continent et homme d'affaires à succès dans cette région, Trump rebat les cartes de la politique extérieure américaine en Afrique. La diplomatie du transactionnel Trump repositionne l'influence américaine en Afrique par la voie du pragmatisme économique, au détriment des politiques d'aide au développement et de partage de croissance. Plusieurs des pays invités, notamment la Mauritanie, le Sénégal et le Gabon, disposent de ressources convoitées (gaz offshore, minerais, pétrole) et d'une stabilité relative, ce qui en fait des partenaires de choix dans une Afrique divisée entre influences chinoise, russe, turque et occidentale. En parallèle, Trump active en Afrique la diplomatie de la paix, mettant en avant ses actions dans la résolution des conflits au Soudan, en Libye, et dans la crise entre le Rwanda et la RDC. Il affirme même que son administration a « résolu une grande partie de la colère en Afrique ». Pourtant, les combats continuent dans l'Est congolais, et les processus de paix sont loin d'être consolidés. Le décalage entre les déclarations de Trump et la réalité du terrain souligne la dimension symbolique de cette diplomatie. L'autre décor « Nous assistons à un changement de paradigme régional, avec la chute et l'affaiblissement complet de l'axe de la résistance Iran–Hezbollah–Syrie. Cette évolution profite aux Etats sunnites modérés de la région, en Afrique et au Moyen-Orient, qui se voient désormais intégrés à l'axe abrahamique et à ses opportunités », précise d'entrée Yasmina Asrarguis, chercheuse associée à la Fondation Jean-Jaurès et cofondatrice de l'Atlantic Middle East Forum. Lire aussi | Trump annonce des droits de douane de 50% sur le cuivre et cible le Brésil Selon l'experte, quatre grandes lectures se dégagent : * Les relations entre Israël et la Mauritanie ont connu des périodes de forte coopération, d'invisibilité, puis de rupture. Dans l'ère post-guerre de Gaza, dont le cessez-le-feu devrait être annoncé dans les prochains jours, cette relation s'inscrit désormais dans le cadre des Accords d'Abraham. Les coopérations futures incluront en priorité les nouvelles technologies liées à l'eau et à la lutte contre la sécheresse du désert, les énergies renouvelables (notamment le solaire), et on note quelques opportunités en mer (segment pêche et technologies maritimes). Vient ensuite naturellement le renforcement de la coopération sécuritaire, notamment en matière de lutte contre le terrorisme au Sahel. * Le modèle de coopération envisagé est assez proche de celui du Maroc, puisqu'il s'agit ici d'un rétablissement de relations diplomatiques entre deux acteurs qui se connaissaient déjà et entretenaient de bonnes relations entre 1999 et 2009. Il convient de noter que la première phase des relations Israël–Mauritanie concernait surtout les secteurs du développement : éducation, santé, agriculture, formation. Cette reprise dans le cadre des Accords d'Abraham s'inscrit dans le contexte du nouvel ordre géopolitique régional ainsi que d'une nouvelle exigence de la part des pays d'Afrique du Nord membres des Accords d'Abraham, poussés par leur désir d'émergence économique et d'autonomie stratégique. * Rappelons qu'en 2009, la Mauritanie avait rompu ses relations diplomatiques avec Israël par solidarité avec la cause palestinienne. Il s'agissait alors de condamner la guerre de Gaza (décembre 2008 à janvier 2009), qui visait déjà à affaiblir le Hamas (opération Plomb durci). À l'époque, c'est l'Iran et la Syrie qui avaient exercé une forte pression sur la Mauritanie, exigeant qu'elle rompe ses liens avec l'Etat hébreu au nom de la solidarité islamique. * Il est intéressant de constater que le sommet USA–Afrique s'inscrit, à l'instar du Peace to Prosperity Summit de Bahreïn, dans une stratégie plus large de l'administration Trump visant à réorienter la politique étrangère des Etats-Unis en Afrique. L'objectif est de passer d'un modèle centré sur l'aide humanitaire et au développement (via l'USAID et le Département d'Etat) à une approche fondée sur le commerce, les hautes technologies et la création de marchés plus accessibles et sécurisés pour les investisseurs américains et israéliens.