La santé n'est pas seulement une affaire de soins ou de génétique. C'est le message fort que l'Organisation mondiale de la santé (OMS) lance à travers un récent rapport publié le 6 mai dernier. L'organisation y met en évidence l'impact majeur des déterminants sociaux sur la santé des populations et sur leur espérance de vie. Elle pointe du doigt des causes souvent invisibles mais lourdes de conséquences : pauvreté, discrimination, précarité, inégalités de genre ou encore marginalisation des minorités. Un constat sans appel : là où l'on vit, étudie, travaille ou vieillit a souvent plus d'impact sur notre espérance de vie que notre patrimoine génétique ou notre accès aux soins. Dans certains cas, les inégalités sociales peuvent faire chuter l'espérance de vie jusqu'à 33 années. Un écart vertigineux que la comparaison entre les pays les plus favorisés et les plus vulnérables illustre si bien. Corrélation « Nous vivons dans un monde fait d'inégalités », résume le directeur général de l'OMS, Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus. « Mais il peut y avoir des changements pour le mieux ». Selon l'OMS, les inégalités en santé suivent un véritable gradient social : Plus une personne vit dans un environnement défavorisé, avec de faibles revenus et un accès limité à la formation et à l'emploi, plus son état de santé est fragile. À l'échelle mondiale, ce sont les populations marginalisées, comme les peuples autochtones, qui paient le plus lourd tribut. Même dans les pays riches, ces groupes connaissent une espérance de vie plus courte que la population générale. Le rapport met aussi en lumière les discriminations raciales, ethniques et de genre, qui amplifient les disparités. Les femmes issues de groupes défavorisés sont, par exemple, beaucoup plus exposées aux risques de décès liés à la grossesse et à l'accouchement. Dans certains pays à revenu élevé, les femmes autochtones peuvent être jusqu'à trois fois plus susceptibles de mourir pendant la grossesse que les autres. Injustice sociale, facteur de risque sanitaire Au-delà des chiffres, c'est l'injustice sociale qui est pointée du doigt comme moteur des inégalités de santé, selon l'OMS. Mariages précoces, violences sexistes, absence de protection sociale... autant de réalités qui affectent directement la santé physique et mentale des plus vulnérables. C'est dans ce contexte que l'OMS appelle les gouvernements à repenser leurs politiques de santé pour agir en amont, en s'attaquant aux causes structurelles. Logement décent, éducation de qualité, accès équitable à l'emploi et aux droits sociaux : autant de leviers pour une meilleure santé pour tous. Le Maroc, un bon exemple À l'échelle internationale, certains pays tentent de relever le défi. C'est le cas du Maroc, qui a présenté son programme d'Aide sociale directe lors des Réunions de printemps de la Banque mondiale et du FMI à Washington, lors d'une table ronde axée sur « La protection sociale dans la région MENA : enseignements et innovations pour la protection des individus ». Porté par l'Agence nationale du soutien social (ANSS), ce dispositif bénéficie déjà à plus de 12 millions de Marocains, soit près de 4 millions de familles. Avec un budget équivalent à 2 % du PIB soit environ 25 milliards de dirhams (MMDH) en 2025, ce programme s'inscrit dans la Vision Royale d'une protection sociale universelle, et fait du Royaume un exemple en matière de politique sociale ambitieuse. Entièrement couvert par l'Etat grâce aux contributions de solidarité, à la réforme de la compensation et à la révision des programmes sociaux existants, ce budget devrait atteindre 30 MMDH dans les années à venir. Une démarche saluée par l'OMS dans un contexte régional marqué par une croissance modeste (2,6 % en 2025 selon la Banque mondiale), mais qui montre que les investissements dans le social peuvent être porteurs de stabilité et de développement durable.