A la Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales d'Agadir, donc, il y a un monsieur très compréhensif qui peut tout arranger, de l'inscription à l'obtention du master. Déjà que l'inscription n'est pas chose facile, il faut réussir aux examens oral et écrit. En plus, il faut être assidu, sinon après trois absences non justifiées c'est la porte. A l'examen, il y a bien sûr l'appréciation du jury qui décidera du sort du candidat. Jusque là on a compris, le master n'est pas fait pour les nuls. Oui, mais il y a ce monsieur qui s'appelle Ahmed Kilech et qui est responsable du master « Système pénal et gouvernance sécuritaire ». Avec lui, le master devient une simple opération commerciale « tu veux le master, il coûte tant ». Le package comprend l'admission, même sans se casser la tête avec l'écrit et l'oral; la présence même quand on n'a pas mis les pieds à la faculté une seule fois, et bien sûr, c'est le but de tout ce processus, la réussite et l'obtention du diplôme qui a va assurer à son heureux possesseur de donner un coup de fouet à sa carrière professionnelle ou politique. Car, il ne fallait pas oublier de dire que ce professeur, fabriquant de hauts diplômés, est un membre assez important d'un parti politique, l'Union constitutionnelle. Lorsque les autorités ont eu vent de l'affaire, le professeur a été arrêté et incarcéré. Les recherches ont déterminé l'immensité de la fortune qu'il avait accumulée grâce à ce business aussi gros que gras. Malgré son salaire de fonctionnaire, il a pu se constituer un joli patrimoine avec des villas, des fermes et d'autres propriétés qui le classent depuis, parmi les riches heureux et bien portants. Quand on sait qu'il y a des personnes prêtes à payer 250.000 dirhams pour décrocher le master sans suer, on entrevoit rapidement l'aubaine. C'est ce qu'il a fait. Néanmoins,il avait déjà été pris dans une autre faculté pour des pratiques illégales, mais, il a eu pour toute sanction, un transfert à la FSJES d'Agadir. Une sorte d'encouragement en quelque sorte. Avec félicitations du jury probablement. Maintenant qu'est-ce qui va se passer? L'affaire a été confiée à la brigade nationale de police judiciaire et au tribunal des crimes financiers de Marrakech pour prévenir toute ingérence. N'oublions pas qu'elle va certainement toucher des personnalités influentes voire même puissantes dans la justice, l'administration, la politique. Il y en a certainement qui commencent à trembler. Et, pour dire les choses en vrai, il y a de quoi. On pense à la déconsidération publique, professionnelle, mais aussi familiale. Vous imaginez un peu, un papa modèle de sérieux, de probité qui se transforme du jour au lendemain en voleur. Car oui, acheter un diplôme est un vol en plus d'une lamentable escroquerie. Le crime, c'en est vraiment un, porte préjudice à l'institution qui délivre les diplômes et par extension à tout le système de l'enseignement supérieur, bien que franchement là, il n'y a pas de raison pour faire des généralisations. Il affecte également les partis politiques auxquels appartiennent les vendeurs et les acheteurs des masters. Il torpille l'image du professeur universitaire censé avoir une haute idée de sa fonction et de ce qu'elle représente pour le développement de toute une nation. Le public s'apprête à suivre un feuilleton à plusieurs épisodes, les écrans vont chauffer. Et voici pourquoi ce business est d'une gravité incommensurable pour le pays. Le mis en cause fait partie d'un parti politique. Ce qui veut dire qu'il peut prétendre à des fonctions gouvernementales importantes, si son parti entre dans une coalition. Comme il est professeur de droit, il pourrait très bien être ministre de la Justice. On voit bien jusqu'où cela peut aller.