CAN 2025 : un pari sur la rentabilité et l'image du Maroc    Waly Dia : "Une Heure à Tuer", un spectacle coup de poing entre humour et conscience    Washington réaffirme que l'autonomie sous souveraineté marocaine est l'unique issue pour le Sahara    El Rey Mohammed VI ordena al Consejo Superior de Ulemas emitir una fatwa sobre el Zakat    Sahara : Trump advisor reaffirms US position to De Mistura    Eliminatoires Mondial 2026 : Le Maroc bat le Niger et se qualifie pour la phase finale    Un rapport américain révèle comment certaines figures de la gauche occidentale se sont retrouvées impliquées dans l'agenda déstabilisateur de l'Iran via le Polisario    Complexe Moulay Abdellah : Hammouchi supervise les mesures de sécurité    OCP Green Water et trois villes marocaines dévoilent à Stockholm leurs programmes de recours aux eaux non conventionnelles et leurs dispositifs de circularité    Le Maroc recense 21 % de ses terres irriguées touchées par la salinisation, selon un rapport scientifique    Maroc: Une délégation du Sénat kényan explore les opportunités de coopération à Dakhla-Oued Eddahab    OMPIC : Plus de 6.500 créations d'entreprises à Marrakech-Safi au S1-2025    Tanger : Lancement de la Stratégie nationale pour la conservation des rapaces    Mali files ICJ complaint against Algeria over drone incident in Kidal region    Diplomatie sanitaire : Un nouvel élan porté depuis l'Afrique    Maroc-Turquie : Aller au-delà du schéma classique, importateur-exportateur    Zakat. S.M. le Roi ordonne au Conseil Supérieur des Oulémas d'émettre une fatwa exhaustive    Maroc et Sahara : Townhall dévoile l'alliance inquiétante entre le Polisario et l'Iran    Le roi Mohammed VI accorde sa grâce à 681 condamnés à l'occasion de l'Aïd Al Mawlid Annabawi    LDC (F) CAF/UNAF : L'AS FAR écrase Afak d'Algérie, dans le viseur la qualification !    Mondial 2026 : Les Lions de l'Atlas visent la qualification face au Niger    Le "Middle East Council on Global Affairs" dévoile sa recette pour résoudre la crise Maroc-Algérie : interrompre les querelles médiatiques et établir un canal direct de prévention des crises    Le dirham se déprécie légèrement face au dollar et à l'euro    Le Maroc enregistre la plus forte expansion du marché du tabac manufacturé en MENA avec +15,5 % par an et 80 % de la production    Xi Jinping et Kim Jong Un réaffirment la solidité de l'alliance stratégique entre la Chine et la Corée du Nord    Le Mali saisit la Cour internationale de justice contre l'Algérie pour la destruction d'un drone    Les prévisions du vendredi 5 septembre 2025    Liban : La Finul dénonce l'attaque israélienne contre son personnel    David Beckham fête ses 50 ans à Marrakech    Qualifications du Mondial-2026 (match Maroc/Niger) : ouverture des portes du complexe sportif Prince Moulay Abdellah à 16h00    Italie : Youssef Maleh parti pour chauffer le banc de Lecce    L'OMM alerte sur un « cercle vicieux » entre pollution atmosphérique et réchauffement climatique    Etats-Unis : une nouvelle vague de Covid-19 frappe la Californie    Températures prévues pour le samedi 06 septembre 2025    FAO: L'indice des prix des produits alimentaires reste inchangé en août    Accidents de route: près de 7,9 MMDH versés en indemnisations en 2024    USA : Trump va renommer le département de la Défense en "ministère de la Guerre"    Sous leadership royal, le Maroc affirme sa voix à la Ligue arabe    Qualifications africaines: Le match contre le Niger, décisif pour se qualifier au Mondial 2026 (Joueurs de l'équipe nationale)    Sahara : Le Royaume-Uni réaffirme son soutien au plan marocain d'autonomie    Aïd Al Mawlid Annabawi : Grâce Royale au profit de 681 personnes    La victoire de la Chine sur le fascisme en images à Rabat    Rétro - Verso : Bab Maâlka, suspendue aux confins de l'Atlantique et de l'exil    Gad Elmaleh revient à Casablanca avec son spectacle « Lui-même »    The Jazz au Chellah festival relocates and becomes Jazz à Rabat    La montée et la chute de la Maurétanie, un royaume amazigh oublié    Le Maroc et l'Azerbaïdjan approfondissent leurs relations culturelles lors d'un entretien à Rabat en vue du 11e Salon international du livre de Bakou    Buraïda, capitale saoudienne des dattes, célèbre le patrimoine et la créativité lors d'un carnaval mondial    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Ecoles libres : Les vitrines du savoir
Publié dans L'observateur du Maroc le 01 - 10 - 2014

Au coeur du quartier commercial de Nacka, situé dans le sud de Stockholm, la Kunskapsgalleria ou « galerie du savoir » est érigée toute de verre et d'acier. Le bâtiment ressemble à n'importe quel centre commercial, avec un restaurant, un café et un immense atrium central sur trois niveaux. Mais les vitrines ouvrent ici sur des écoles et les panneaux publicitaires se servent de l'espace pour promouvoir des entreprises privées d'enseignement et non des produits de luxe. Alors que les shoppers se faufilent à travers les galeries avoisinantes, des flots de jeunes collégiens, sacs à dos, traversent les couloirs du Mall pour entrer en classe. Pour les architectes des réformes de l'éducation en Suède, ce mariage de l'enseignement et du commerce est l'idéal de ces établissements indépendants, gratuits et subventionnés par l'Etat que sont les friskolas. Deux décennies après l'expérience audacieuse de l'ouverture de l'enseignement public sur le marché, un cinquième des élèves, soit environ 312.000, ont intégré les friskolas. Parmi ceux-ci, les deux tiers fréquentent des institutions gérées par des entreprises plutôt que par des coopératives ou des organismes de bienfaisance. Et quatre sur dix grands prestataires de services éducatifs sont détenus ou soutenus par des investisseurs privés. Aucun autre pays européen n'a confié une si grande partie de l'éducation de ses enfants à des entreprises privées. Pendant des années, ce système éducatif a gagné l'admiration des partisans d'un marché scolaire trop concurrentiel et fortement ancré dans une vision marketing à travers le monde, en particulier Michael Gove, ancien secrétaire à l'éducation au Royaume- Uni. Ce dernier a déclaré en 2008 : « Nous avons besoin d'un système éducatif suédois ». En outre, certains spécialistes de l'éducation à l'Institut Cato, un thinktank libertaire à Washington, se sont penchés sur ce que les écoles à chartes américaines pourraient apprendre des friskolsas suédoises. Pour les hommes politiques qui souhaitent améliorer les systèmes scolaires sans pour autant augmenter les impôts, la Suède semble avoir trouvé la réponse : les parents ont plus de choix quant à l'éducation de leurs enfants, de nouvelles écoles ont mis en place de meilleures normes et ont incité les institutions existantes à améliorer les leurs. Les bons résultats des tests d'évaluation escomptés dans les premières années semblaient vérifier la théorie suédoise que la concurrence sur le marché scolaire est le meilleur moyen d'améliorer les résultats, en y attirant des flots d'entreprises. Selon un dirigeant syndical dans le secteur de l'enseignement, il était plus facile de lancer une friskola qu'un snack poissons-frites. Mais comme les friskolas se sont multipliées, la confiance de la Suède en ses écoles à but lucratif a été ébranlée. Traditionnellement en tête de liste en matière d'éducation, la Suède a dégringolé dans le classement international en la matière. En effet, les plus récents résultats du programme Pisa relevant de l'OCDE en témoignent puisque les scores de la Suède ont considérablement chuté en lecture, en mathématiques et en sciences à une position bien en dessous de la moyenne des pays développés. Les scandales qui ont éclaté dans les écoles gérées par des entreprises ont outré davantage les parents. Les inquiétudes du public sur l'état des écoles suédoises ont mis se modèle à but lucratif – non seulement en ce qui concerne les écoles mais aussi d'autres secteurs publics dont notamment la santé et les services sociaux – en tête de l'agenda politique lors des élections générales prévues le mois prochain. Jonas Sjöstedt, le leader du parti de gauche, résume la désillusion du public. « En Suède, la croyance que la déréglementation est la solution à tout, de la gestion des chemins de fer à l'éducation des enfants, a été énorme», a-t-il affirmé. « C'est terminé maintenant. Il y a des parties de nos vies que le marché ne peut satisfaire ». Alors que le parti conservateur en Grande-Bretagne considère la possibilité d'étendre sa politique des écoles libres pour permettre aux entreprises à but lucratif de gérer des institutions éducatives, les projecteurs sont braqués sur la Suède une fois de plus. Mais cette fois pour des raisons moins flatteuses. Dans le Skansen, situé sur l'île verdoyante de Djurgârden , Marcus Strömberg, directeur général du plus grand groupe d'enseignement en Suède, briefe ses collègues de EQT, sa société mère de private equity. AcadeMedia perçoit SKr5.1 milliards (730 millions $) par an du gouvernement pour gérer 285 écoles et jardins d'enfants à travers le pays ainsi que 130 établissements d'éducation pour adultes. L'entreprise est la deuxième après la municipalité de Stockholm en termes de financement dans le domaine de l'éducation. Bien que AcadeMedia ait pu éviter des scandales publics, certaines de l'organisation idéale pour créer une éducation de bonne qualité à un faible coût ». AcadeMedia réalise environ 7% de bénéfice, soit SKr528 millions par an, avant impôts, dans la gestion de ses écoles et maternelles. Puisque l'Etat paie un montant fi xe par enfant, l'entreprise doit attirer le maximum de clients pour gagner plus. Les prestataires de services éducatifs soutiennent que ce modèle ne pourra être rentable que s'il garantissait des normes et des niveaux de réussite de haute qualité. Les détracteurs quant à eux estiment que ce système encourage les écoles libres à gaspiller l'argent des contribuables sur des campagnes publicitaires fort coûteuses. Interrogée sur sa politique d'économie des coûts, AcadeMedia indique que les économies d'échelle en matière d'approvisionnement, et une administration centralisée sont les principaux facteurs de l'efficacité. Cependant, le personnel représente ses plus proches concurrentes ont donné lieu à d'importantes controverses. Il y a tout juste un an, JB Education, détenue par Axcel, une société danoise de private equity, s'est déclarée en faillite, provoquant une grande panique parmi ses 10.000 étudiants. Ce printemps, les Suédois ont été consternés par les informations selon lesquelles la chaîne d'établissements préscolaires, Hälsans, a réduit son budget alimentaire à SKr9 (1,30 $) par enfant et par jour. Les bambins se nourrissaient donc d'eau et de pain croustillant. Hälsans a rétorqué que le pain et l'eau n'ont jamais été le « petit- déjeuner recommandé dans ses institutions ». Malgré un climat politique hostile, Strömberg dégage plutôt une note positive en insistant que les institutions éducatives comme la sienne « contribuent, entre autres, à éradiquer les zones d'ombre et la bureaucratie dont souffre le secteur public ». Et d'ajouter que « la société anonyme est la plus grosse partie des coûts pour un prestataire de services de l'enseignement. La compagnie admet également que ses ratios enseignant/élève sont plus élevés que ceux des écoles publiques. En plus, certaines de ses écoles paient des salaires plus bas que leurs homologues publiques, souvent parce que ses enseignants sont plus jeunes. Et pour cause ! Les inquiétudes soulevées par le public sur la qualité de l'enseignement dans les écoles gérées par les entreprises privées ont incité le gouvernement à introduire de nouvelles normes de formation. Mais de l'avis de Strömberg, le souci du profit est déplacé. « Une entreprise est-elle bénéfi que pour la société ? Avez-vous besoin d'entreprises pour investir davantage dans le système scolaire? Ce sont là les vraies questions ». Et de conclure : « La question n'est pas autour du profit ». AcadeMedia possède deux des collèges et lycées implantés dans le site Kunskapsgalleria (la galerie du savoir) de la commune de Nacka. Et pourtant ce n'est pas si évident que cela puisque le branding de l'entreprise n'apparaît pas sur leurs logos – AcadeMedia préfère plutôt garder profi l bas -. L'un de ses collèges, Rytmus, se spécialise dans la musique, et suscite un engouement chez les adolescents suédois. Son directeur, Lars Ljungman a passé 20 ans dans l'enseignement public avant de rejoindre l'école libre il y a deux ans. « Au début, j'étais curieux de savoir ce que cela aurait l'air d'enseigner dans ce genre d'écoles car dans les écoles publiques, il y avait toujours ce sentiment que les entreprises d'éducation étaient si avides, qu'elles ne donnaient pas assez aux étudiants », explique Ljungman. Cependant, loin des salles de classe, et de l'équipe de presse d'AcadeMedia, les propos d'un enseignant au collège Rytmus était moins flatteurs à l'égard des friskolas : « Ces entreprises sont comme des parasites, rien de plus rien de moins », confi e le professeur. « L'expansion du modèle très populaire du collège Rytmus vers d'autres villes comme Göteborg, Malmö, Norrköping et Orebro est motivée par des considérations financières », martèle l'enseignant. « Rytmus est comme KFC, c'est une marque », explique le professeur. « L'expansion est juste une façon de faire plus de profits. Il s'agit surtout de toucher une clientèle future ». Cette position a acquis une place de choix dans les médias suédois et auprès de l'électorat. M. Sjöstedt, le leader du parti de gauche, partenaire potentiel au sein de la coalition d'un futur gouvernement de centre-gauche, fait campagne sous le slogan « Pas à vendre ». Une promesse qu'il a sollicitée au niveau de l'éducation, la santé et les prestations sociales. Depuis son bureau à Gamla Stan, le centre médiéval de Stockholm, Sjöstedt souligne qu'il n'est pas question que les entreprises lucratives soient blâmées pour la crise nationale, connue actuellement sous le nom de « Choc Pisa ». « Ce n'est pas parce qu'ils aiment les enfants ou parce qu'ils sont intéressés par leur éducation qu'ils se lancent dans le business de l'éducation. Ils le font parce qu'ils sont intéressés par l'argent rapide », précise-t-il. Sjöstedt détaille une liste d'exemples de mauvaises pratiques qui ont terni la réputation des prestataires de l'enseignement privé. Mais il admet que l'établissement d'un lien
clair entre les mauvais résultats de Pisa et l'augmentation des prestations privées dans ce secteur est « plus compliqué ». « Ce n'est pas toujours les écoles privées qui obtiennent de moins bons résultats. Mais elles nuisent au système parce que les écoles publiques traditionnelles doivent s'adapter à un système de marché et souvent elles perdent leurs meilleurs élèves », poursuit-il. C'est la plainte la plus fréquente concernant le libre choix de l'école, celui avec lequel les politiciens américains et britanniques sont également aux prises. Les critiques soutiennent que les parents de la classe moyenne sont susceptibles d'être attirés par les nouvelles écoles libres, laissant les enfants les plus pauvres confinés dans de vieilles institutions peu performantes. Il est difficile d'obtenir des chiffres clairs pour qu'on puisse comparer les résultats des friskolas avec ceux des écoles publiques. La Friskolornas Riksförbund, l'association professionnelle des écoles libres, cite des recherches montrant que leurs élèves quittent l'école primaire avec des teneurs de 10% plus élevés que la moyenne nationale. D'après une autre étude effectuée par Rebecca Allen, universitaire à l'Institut britannique de l'Education, les effets positifs des écoles libres étaient marginaux parce que les prestations étaient axées sur les enfants issus de familles très instruites. Quant à Bertil Östberg, le secrétaire d'Etat à l'Education, il admet que « le libre choix a conduit à élargir le gap entre les écoles ». Et il blâme, en partie, les politiciens qui ont introduit le système des friskolas, disant qu'ils étaient naïfs de penser que ces institutions seraient gérées par les enseignants et les parents. « Aujourd'hui, ces grandes entreprises sont là. Elles appartiennent souvent à des investisseurs de capital risque qui considèrent l'éducation comme un bon moyen de gagner de l'argent ». Un groupe de travail étudie actuellement la possibilité d'introduire des législations pour empêcher les groupes de private equity de s'approprier des écoles libres parce qu'ils n'ont pas d'intérêt à long terme pour les conduire vers le succès. « Si vous voulez vraiment améliorer l'éducation, investissez dans la formation des enseignants et l'amélioration de leurs compétences. Et cela prend du temps bien entendu », tranche Östberg. « Et si vous êtes une entreprise de private equity ou un investisseur en capital-risque, êtes-vous vraiment intéressés par l'amélioration des résultats dans une perspective de 10 ans? ». Les critiques estiment que les concessions du gouvernement sont une réponse incertaine et tardive au tollé public. Il est frappant de constater que l'OCDE, dont les notations ont causé une telle anxiété, est agnostique sur la question du profit. L'organisation préconise un régime d'inspection plus serré pour la Suède, mais Andreas Schleicher, le directeur du programme d'évaluation de Pisa, ne critique nullement le côté gain commercial. « Nous ne devrions pas sous-estimer l'argent gaspillé dans les systèmes éducatifs par tous les moyens », a-t-il souligné. Schleicher cite des recherches effectuées par l'OCDE montrant qu'aux Etats-Unis seule la moitié de la dépense par élève aboutit en classe. « Cela m'inquiète beaucoup plus que celui qui réalise trois, quatre ou cinq pour cent de bénéfice», dit-il. Quel que soit le résultat des élections, la Suède changera. Alors que M. Sjöstedt promet de débarrasser des pans du secteur public des intérêts privés, le Parti libéral de M. Östberg – qui fait partie de la coalition de centre-droit – fera au moins baisser la propriété de l'entreprise dans ce secteur. Harry Klugsbrun, l'associé principal chez EQT, et responsable d'AcadeMedia, est inébranlable. La société a déjà étendu sa chaîne préscolaire en Norvège et espère s'implanter également en Allemagne au cours des 18 prochains mois. Le chemin à travers l'Europe est défi ni indépendamment de ce qui se passe en Suède car il ya beaucoup de perspectives positives pour l'entreprise ailleurs. « Vous avez d'un côté l'Education en tant que zone prioritaire. Vous avez des gouvernements désireux de dépenser plus pour l'éducation de leurs citoyens et futurs citoyens. Et vous avez également une croissance démographique des populations », explique Klugsbrun. « Donc, il y a forcément une bonne croissance sous-jacente, que nous apprécions évidemment»❚

Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.