Des céréales au diamant, des monnaies aux métaux rares en passant par l'or noir, Phillippe Chalmin, professeur à l'université Paris-Dauphine, a fait le tour d'horizon de tous les grands marchés mondiaux de matières premières. Il a fait remarquer, lors d'une conférence de presse organisée par l'OCP en présence de Mustapha Terrab, le PDG du groupe, que les marchés mondiaux avaient récupéré après leur chute du deuxième trimestre 2008. Selon l'économiste, professeur à l'université Paris-Dauphine, qui présentait le rapport Cyclope, en avril 2011, les prix mondiaux ont dépassé les niveaux record de juillet 2008, particulièrement en ce qui concerne les produits agricoles et les métaux. Il a précisé que les tensions sont extrêmes sur les marchés agricoles mondiaux : les prix des céréales et des oléagineux mais aussi du sucre et de nombreux produits tropicaux comme le café, le cacao ou même le poivre, ceux du beurre ou de la viande bovine affichent des hausses parfois historiques. Selon P. Chalmin, les équilibres des bilans mondiaux sont tellement précaires, aujourd'hui que les marchés sont à la merci du moindre incident climatique surtout s'il affecte de grands pays exportateurs comme le Canada, la Russie, l'Australie et l'Argentine pour les céréales et les oléagineux. Ces hausses de prix ont en effet provoqué deux types de réactions suivant les pays : des crises politiques pour les uns, des tensions inflationnistes et des débats sur les prix et les marges pour les autres. Les premiers paient le prix de décennies de mauvaise gouvernance et d'abandon des politiques agricoles au nom du libéralisme mal digéré des institutions de Washington (FMI et Banque mondiale). Cette situation a entraîné ce que P. Chalmin appelle un processus de «commodisation» : de plus en plus de produits, y compris dans les domaines de la finance et de la haute technologie, se banalisent et deviennent des commodities (tout ce qui peut se vendre en vrac). D'où, selon lui, l'éclosion d'une industrie des marchés dont les enjeux sont les produits à coter. Quant aux facteurs ayant provoqué cette crise, le professeur a rappelé que la spéculation, dans sa dimension financière, n'y a joué qu'un rôle secondaire ce qui est toujours difficile à faire admettre par ceux qui sont à la recherche d'explications. D'après lui, ce que les marchés constatent aujourd'hui c'est la négligence dont a été victime pendant des décennies l'agriculture dans de très nombreux pays en développement, c'est le recul d'une certaine forme de productivisme alors même que du fait de la croissance tant démographique qu'économique les besoins alimentaires ne cessent d'augmenter. A question : «L'Europe est-elle capable de réguler ses marchés ?» L'économiste a souligné que «le message que nous adressent les marchés par le biais de ces hausses de prix est simple et de bon sens: les déséquilibres alimentaires mondiaux sont là pour durer. Il est temps, dit-il, de refaire de l'agriculture « une priorité dans nos stratégies de développement. Car pour l'instant et, comme d'habitude, ce sont les plus pauvres qui souffrent». Quand à la question de savoir si l'Europe est capable de se doter d'un organisme tel que la CFTC ?», (la Commodity Futures Trading Commission, organe américain de régulation des marchés des matières premières). P. Chalmin estime que les marchés de matières premières en Europe «ont besoin de règles du jeu et une autorité capable de siffler la fin de la partie si nécessaire. Les marchés des matières premières ont besoin d'un contrôle public. Cependant, si des efforts étaient déjà faits afin de stabiliser les changes, la situation pourrait s'améliorer».