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Portrait : Ahmed Amri, ce banquier qui nous donne du blé
Publié dans L'opinion le 12 - 04 - 2023

C'est un banquier par comme les autres, reconnu mondialement parmi ses pairs pour l'apport de ses travaux, méconnu dans son propre pays par le grand public.
Avec ses lunettes, sa moustache et sa mine sympathique, Ahmed Amri a tout du banquier idéal. L'apparence n'est en l'occurrence pas très trompeuse, sauf peut-être pour l'âge du bonhomme qui est loin de faire ses soixante-dix ans. La cause en est probablement le fait que le personnage passe le plus de son temps dans les champs et les laboratoires à ciel ouvert, que c'est un musicien à ses temps perdus et qu'il est particulièrement passionné par ce qu'il fait. Et pour cause, son travail a du sens, et sa casquette de banquier, parmi les plus trompeuses puisqu'il n'est jamais question d'intérêts, de dossier de crédit, de retour sur investissement ou même d'amortissement.
La banque dont Dr Amri est responsable est bourrée de blé et ressemble plus à une arche de Noé. Vous en avez certainement récemment entendu parler, puisque c'est grâce à elle que le Maroc a pu récemment développer six nouvelles variétés de céréales plus tolérantes à la sécheresse. Il s'agit de la banque de gènes du Centre International de Recherche Agricole dans le Zones Arides (ICARDA).

D'Alep à Rabat

Dans un monde où la Syrie n'est pas en guerre, notre pays n'aurait peut-être pas pu développer ces variétés. Cela s'explique par le fait que la banque de gènes de l'ICARDA - sise à Rabat et gérée par Ahmed Amri - est en fait la reconstruction partielle d'une autre banque de gènes qui, jusqu'en 2012, trônait à Alep comme l'une des plus importantes au niveau mondial. « La banque de gènes d'Alep disposait d'une collection de plus de 141.000 échantillons.
Son rôle était de sauvegarder ces milliers de variétés pour les générations futures, pour la restauration des espèces disparues et pour la recherche scientifique. La banque de gènes faisait partie d'un vaste centre de recherche qui touchait à tous les domaines : socio-économie, agronomie, utilisation intégrée des sols et des eaux, amélioration génétique... », raconte notre interlocuteur, avant de pousser un soupir en se remémorant le jour fatidique : « Toute cette infrastructure et ces années de travail sont parties en fumée puisque les rebelles syriens ont tous saccagé à partir de juin 2012 ».

La longue reconstruction

Il a depuis fallu plusieurs longues années à l'ICARDA pour tenter de restaurer tout ce qui a été perdu à Alep. La cheville ouvrière de ce long cheminement a justement été Dr Amri qui, après un bref passage en Tunisie, décide de réinstaller la banque de gènes à cheval entre le Maroc et le Liban. « Une banque de gènes qui se veut professionnelle prépare et envoie systématiquement des échantillons de sécurité pour tout ce qu'elle conserve en série.
Nous avons donc sollicité la banque de gènes de Svalbard tout près du Pôle Nord - que certains appellent la banque de la fin du monde - vers laquelle nous avions précédemment envoyé plus de 80% des échantillons que nous avions à Alep », raconte la même source. La reconstruction du patrimoine génétique mondial qui a été détruit par la guerre en Syrie a eu depuis tous les ingrédients d'une success-story. « C'est une histoire qui a été largement couverte par les médias à travers plusieurs documentaires, reportages et écrits. Mais pas au Maroc ou alors très peu », affirme le scientifique.

Arche de Noé marocain

Insistant sur le caractère collectif et participatif de cette longue résurrection, Dr Amri estime que 90% des ressources de la banque de gènes d'Alep ont à ce jour pu être régénérées. « Depuis 2016 jusqu'à 2021, on a pu régénérer 129.000 échantillons. La plus grande part s'est faite au Maroc puisqu'on régénérait presque 15.000 à 25.000 échantillons par an », explique notre interlocuteur. Aujourd'hui, la banque de gènes de l'ICARDA au Maroc héberge des milliers d'échantillons de céréales, de lentilles et de pois-chiche collectés dans plus de 120 pays dans le monde, alors que la banque de gènes que le Centre a installée au Liban conserve les légumineuses et les autres espèces.
« Comme les autres banques de gènes du monde, celle de Rabat a pour vocation de sauvegarder les échantillons pour les donner aux généticiens qui veulent les utiliser dans des croisements et créer de nouvelles variétés. Nous pouvons également les donner sans aucun problème aux agriculteurs ou aux communautés qui souhaitent réhabiliter des variétés locales qui ont disparu », conclut Dr Amri.

Oussama ABAOUSS
3 questions à Ahmed Amri
« Depuis 2012, une vingtaine de variétés qui sont inscrites au catalogue officiel marocain sont directement issues de la collaboration avec l'ICARDA »
Représentant résidant au Maroc du Centre International de Recherche Agricole dans le Zones Arides (ICARDA), Dr Ahmed Amri répond à nos questions.
Comment se décline la collaboration avec le Maroc dans le domaine de l'amélioration génétique ?

L'ICARDA a de grands programmes d'amélioration génétique qui permettent de développer un germoplasme prometteur qui est mis à la disposition de tous les pays. La collaboration avec le Maroc est étroite parce que nous avons construit un programme en commun qui a permis d'inscrire un grand nombre de variétés. Dernièrement, il était question d'une vingtaine de céréales et de légumineuses, parmi lesquelles : trois de blé dur et trois d'orge, trois autres de blé tendre, deux de lentilles et trois de pois chiches. Depuis 2012, une vingtaine de variétés qui sont inscrites au catalogue officiel marocain sont directement issues de la collaboration avec l'ICARDA.
Quelles sont les particularités de ces nouvelles variétés de blé ?

- La particularité des nouvelles variétés de blé dur, c'est qu'elles sont issues de croisements inter-spécifiques, c'est-à-dire avec les espèces sauvages ancêtres du blé. Ça nous a permis de créer des variétés plus rustiques, plus tolérantes à la sécheresse, aux températures élevées et résistantes aux principales maladies et insectes.

Comment se présente la banque de gènes de l'ICARDA à Rabat ?

La banque de gènes a été construite à proximité de l'Institut Agronomique de Rabat. C'est un bâtiment en deux étages plus un sous-sol, où il y a quatre laboratoires et trois chambres de conservation (11 mètres sur 10 mètres). Comme les autres banques de gènes, nous disposons de deux conditions de stockage : une collection active à moyen terme (30 ans) dans laquelle nous utilisons de 0 à 4° avec une humidité relative de moins de 25%. Les échantillons sont dans des bocaux en plastique, hermétiquement fermés. C'est à partir de cette collection qu'on peut distribuer des semences à toutes les demandes. D'autres échantillons de ces mêmes accessions sont conservés pour le long terme à -20° de température. Chaque fois qu'on conserve, on envoie un échantillon de sécurité à Svalbard et un autre au Liban.
L'info...Graphie
L'enjeu de sauvegarde des anciennes espèces fruitières beldi
Riche de sa biodiversité, de ses paysages et des microclimats, le Royaume est également un territoire dans lequel se sont développées des centaines de variétés uniques de légumes et surtout de fruits. « Je me rappelle de certains fruits beldi qui étaient produits à l'époque, mais que je n'arrive plus à retrouver nulle part dans les marchés. Ce n'était pas forcément les fruits les plus grands en termes de calibre ni les plus appétissants en apparence, mais ils étaient très goutteux et c'est dommage de les avoir abandonnés pour introduire des fruits, certes plus grands et colorés, mais totalement insipides en comparaison », nous raconte une vénérable octogénaire de la région de Fès. La disparition des variétés locales est d'ailleurs un phénomène mondial qui a été partout impulsé par l'évolution des modes de production de consommation et de commercialisation.
Est-il toutefois possible de trouver un juste équilibre entre l'agriculture intensive lucrative et l'agriculture traditionnelle qui s'appuie sur des variétés pluviales, mais à faible rendement ? Pour Dr Ahmed Amri, la réponse est positive : « Le développement agricole peut se faire avec une dynamique d'intensification. Cela dit, on ne peut pas extérioriser le potentiel des variétés dédiées à la production intensive chez un petit agriculteur ou dans les zones qui sont marginales. Dans ces zones-là, ce sont les variétés locales qu'il faudra promouvoir et il faudra les conserver dans les champs en aidant l'agriculteur à ajouter de la valeur à cette production (transformation, packaging, labélisation...) ».

La quatrième plus grande réserve de diversité au monde
La banque de gènes de l'ICARDA (Centre International de Recherche Agricole dans le Zones Arides) est la quatrième plus grande réserve de diversité au monde, avec 152.216 accessions qui représentent près de 4% de la diversité mondiale. L'unité marocaine détient plus de la moitié des accessions, principalement axées sur les races locales et les espèces cultivées. L'ICARDA dédie 30% de son budget global au Maroc (environ 10 millions de dollars), déployé à travers plus de 72 projets gérés par 21 scientifiques internationaux et plus de 60 employés nationaux.
Aussi, plus de 10 millions de dollars ont été investis depuis 2013 dans l'équipement de la station expérimentale de Marchouch d'une superficie de 100 hectares, et l'établissement de six laboratoires opérationnels de recherche de 500 m2.La banque de gènes de l'ICARDA au Maroc, inaugurée en mai 2022, dispose d'une capacité de stockage à moyen terme de 150.000 accessions, avec actuellement en son sein plus de 110.000 accessions de blé, d'orge, de lentilles et de pois chiche stockées.

Banque de gènes de l'INRA
En plus de la banque de gènes du Centre International de Recherche Agricole dans le Zones Arides (ICARDA) au Maroc, il existe au moins une autre banque du même genre sous nos cieux : la banque de gènes de l'Institut National de Recherche Agricole (INRA). Créée en 2003 dans la région de Settat, cette banque de gènes abrite une collection de 71.783 accessions, réparties sur 162 genres et 568 espèces, dont des variétés modernes créées et développées par des chercheurs et améliorateurs nationaux et internationaux.


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