Lors d'une réunion conjointe tenue jeudi soir, entre la Commission des finances et du développement économique de la Chambre des représentants et celle de la Chambre des conseillers, la présentation du cadre général du projet de loi de finances 2026 a donné lieu à une réaction cinglante du président du groupe parlementaire du Parti de la Justice et du Développement (PJD), Abdellah Bouanou. Le rendez‐vous, présidé par le président de la Chambre des représentants, visait à dresser le bilan de l'exécution du budget 2025 et à dévoiler les grandes orientations de la prochaine loi de finances, conformément à l'article 47 de la loi organique 130.13. Mais pour Bouanou, l'exercice n'a fait qu'exposer les faiblesses d'une majorité qu'il accuse de « manquer de crédibilité » et de « présenter des données sélectives et non objectives ». Dès l'entame de son intervention, le député a relevé deux anomalies de forme : l'absence du ministre délégué chargé du budget, pourtant directement concerné par l'examen du bilan 2025, et la présence, sur l'estrade officielle, d'une personne présentée comme « accompagnateur personnel » ou « conseiller particulier » de la ministre de l'Économie et des Finances. Pour Bouanou, ces détails illustrent une dérive où « le personnel se mêle à l'institutionnel ». S'agissant du fond, l'élu islamiste a vivement critiqué « l'optimisme excessif » affiché par la ministre Nadia Fettah. Dans un contexte international marqué par la guerre à Gaza et ses effets sur les chaînes d'approvisionnement, ainsi que par la hausse des droits de douane américains impactant les échanges avec l'Union européenne – principal partenaire économique du Maroc – Bouanou estime qu'un tel optimisme devrait être « beaucoup plus prudent ». Il a également dénoncé l'hypothèse récurrente d'une bonne pluviométrie pour soutenir les prévisions économiques : « La pluie relève du savoir divin. Bâtir des politiques publiques sur des hypothèses aussi incertaines est pour le moins imprudent ». Le président du groupe PJD a fustigé la méthode du gouvernement dans l'élaboration de ses indicateurs économiques, accusant l'Exécutif de « jongler entre les chiffres de 2019, 2020 et 2021 pour servir ses propres récits ». Il a appelé à adopter une année de référence unique, citant le discours royal d'ouverture de la législature comme base « pour un cadre clair et crédible permettant des évaluations objectives ». Bouanou a pointé du doigt le déficit commercial structurel : en 2025, les exportations marocaines ont atteint 198 milliards de dirhams, contre 331,7 milliards d'importations. « La majorité de ce que nous importons pourrait être produit localement. Au lieu de renforcer le "Made in Morocco", le gouvernement encourage la dépendance extérieure et affaiblit notre souveraineté alimentaire et industrielle », a‐t‐il déclaré. Même paradoxe dans le secteur agricole : alors que les exportations ont grimpé de 22 % pour atteindre 43,6 milliards de dirhams à fin mai 2025, les prix alimentaires demeurent élevés et le cheptel national s'est effondré, privant de nombreux Marocains de la traditionnelle fête du sacrifice. « Quel mépris et quelle absurdité dans la gestion », s'est indigné Bouanou. Dans son analyse publiée sur sa page Facebook officielle, Bouanou a également déploré la faible attractivité du Maroc pour les investisseurs étrangers : seulement 1,6 milliard de dollars d'IDE en 2024, alors que l'Afrique a enregistré un record historique la même année. Il s'interroge sur la réelle volonté gouvernementale d'agir pour l'intérêt national : « Est‐ce que la politique d'attraction des IDE sert la vision de l'État ou des intérêts privés liés à certains responsables ». Ainsi, le député a dénoncé le dossier des carburants, rappelant que la baisse des prix du pétrole sur les marchés mondiaux ne se répercute pas sur les prix nationaux. Les profits jugés « exorbitants » des sociétés de distribution, notamment celle liée au chef du gouvernement, restent un sujet de discorde. Bouanou a insisté sur la nécessité de connaître l'origine exacte des carburants importés pour déterminer les marges réelles, au‐delà des factures déclarées. Dans une conclusion au ton offensif, Bouanou a résumé la colère de son groupe : « Nous avons été patients face à un gouvernement de rente et de normalisation avec la corruption. Mais le temps est venu de dire les choses : ce cadre financier est truffé de contradictions et ne sert ni la souveraineté économique du pays ni la confiance des citoyens ».