Rarement, la chambre criminelle de la Cour d'appel de Marrakech aura connu une aussi grande affluence d'assistants de toutes les susceptibilités politiques et tout autant d'avocats où le collectif de la défense de Mr Abdellatif Abdouh représentait plus que les deux tiers du public présent. L'entame du procès qui fut annoncé par la cour ce jeudi 12 juin 2013 à midi allait se poursuivre au-delà de 19h, entrecoupée d'une pause de moins d'une heure. L'assistance a suivi l'argumentaire de la défense de l'inculpé qui a mis au devant les violations des articles du code la procédure pénale (CPP) et de ceux du code pénal ce qui devrait entraîner ipso facto la nullité des poursuites judiciaires formulées à l'encontre de Mr Abdouh. C'est ainsi que dans le mémoire de défense adressé par Maître Iazza Abdelkrim avocat au Barreau de Safi, agréé Prés la Cour de Cassation, une liste exhaustive de violations aux textes de loi a été adressée au juge étayée par des articles concordants qui ne laissent aucun doute quant à l'irrecevabilité des prétendus chefs d'inculpation. S'agissant des moyens de forme, on apprendra que l'accusé n'a pas été avisé de son droit de se faire assister au cours de son audition par le juge d'instruction, illustrant son argument par la nullité de procès similaires relevés à Rabat pour les mêmes irrégularités. Il s'interrogea ensuite sur la flagrante contradiction dans l'identité de l'accusé. Dans le P.V. dressé par le chef du 4ème arrondissement le 17 juillet 2012, qui fut retransmis au juge d'instruction de la Cour d'appel, il est écrit noir sur blanc "Abdellatif Abdouh ben Brahim ben un inconnu, né à Tahanaout, 2 enfants" alors que sur celui du juge d'instruction, on peut lire "Abdellatif Abdouh, né à Marrakech, 3 enfants". En outre, dans le P.V. de la police, il est signalé qu'il n'a pas le baccalauréat, qu'il ne parle que la langue arabe, ayant poursuivi ses études à l'enseignement originel ce qui est archi-faux puisqu'il dispose du bac lettres modernes et d'une licence en géographie, ce qui lu a valu de travailler à l'ERAC Tensift (appelé aujourd'hui AL Omrane) le 29 / 12/ 86, pourvu de l'échelle 17, 3e grade et non pas l'échelle 5. Dans ce sens, ajoute t-il, l'article 289 du CPP annule le P.V. en question. Dans le même code, l'article 89 limite clairement le rôle du juge d'instruction qui consiste à instruire les faits et non pas à s'ériger en juge et parler de culpabilité de l'intéressé comme c'est noté dans son ordonnance. Il n'a pas à émettre un jugement, mais tout simplement soulever la possibilité des poursuites, car il n'est pas une juridiction. Pour revenir à la constitution de l'Association de Lutte contre la Corruption en partie civile poursuit Maître Iazza, l'article 7 du CPP lui reconnaît bien ce droit tant qu'elle soit d'utilité publique et qu'elle respecte les règlements requis, ce qui n'est pas le cas ici puisque nous sommes devant une association irrégulière dans la constitution de son bureau, ne pouvant se prévaloir de ce droit d'autant plus qu'elle n'a subi aucun dommage direct dans les actes reprochés à mon client. Sur le fond, l'avocat a relevé des contradictions notoires dans les déclarations aussi bien de Lahcen Aouragh qui avance qu'il ignore la personne qui lui avait remis le C.D de l'enregistrement du débat des conseillers qui a précédé le vote, contrairement à sa déclaration devant le juge d'instruction. "Et puis n'oubliez pas Mr le juge, martèle t-il, que ce point de cession a été introduit à l'ordre du jour par les autorités locales après plusieurs reports, qu'il existe une commission d'évaluation à Rabat qui entérine le prix proposé et que ce projet est de nature à relancer le secteur du tourisme à Marrakech et partant à créer des centaines de postes d'emploi". Ajoutez à cela que des cessions pareilles sont passées au Dirham symbolique dans plusieurs villes du royaume. Et quand bien même on voudrait se référer à ce fameux CD comme pièce à conviction, on ne le peut pas étant une copie, produit de l'enregistrement original que la police scientifique elle-même juge inaudible et inapte à servir de document témoin. L'article 412/40 corrobore cette observation. Nous sommes donc, résume Maître Iazza, devant des P.V. bourrés d'irrégularités et de violations qui plaident d'eux-mêmes pour l'irrecevabilité des poursuites dont fait l'objet mon client, "à moins que celles-ci relèvent d'un registre extra judiciaire". L'audience a été levée pour reprendre le 19 juin prochain.