L'évolution des effectifs des Marocains et des descendants des Marocains dans les différents pays étudiés est assez paradoxale. Globalement, il est admis que les Marocains continuent à migrer malgré les restrictions mises en place par les pays européens. Le passage de 3,3 millions de Marocains à l'étranger en 2003 à plus de 4 millions en 2012 est là pour attester cette augmentation continue qui n'a connu qu'un léger ralentissement depuis le déclenchement de la crise de 2008. Ces flux continus sont nourris essentiellement par le regroupement familial, les étudiants et secondairement par des entrées irrégulières qui peuvent être régulières à l'arrivée, en plus de la croissance démographique par procréation. Or, face à cette croissance régulière, toutes les données produites par les services officiels des statistiques des pays d'accueil attestent d'une baisse régulière et continue des effectifs des Marocains dans ces pays. En France, par exemple, les effectifs des Marocains sont passés de 504.111 en 1999 à 436.846 en 2008, soit une perte d'environ 13,3% en dix ans (Charef) et les différents auteurs font la même constatation pour tous les autres pays. La raison de ce paradoxe apparent est double : au fort mouvement de naturalisation des Marocains qui s'est amplifié dans tous les pays européens sans exception, il faut ajouter la définition de l'immigré qui dans certains pays n'englobe pas les étrangers nés dans le pays d'accueil. En Belgique la conséquence directe du mouvement d'acquisitions de la nationalité belge, est la diminution de la population étrangère marocaine depuis le milieu des années 1990, car les personnes ayant la nationalité belge ne sont pas reprises dans les statistiques de l'immigration (Mahieu). Les Marocains naturalisés ne renoncent pas à leur nationalité d'origine En Allemagne avec un potentiel de naturalisation de 8,6 % pour 2011, les Marocains se sont fait naturalisés presque trois fois plus que les Turcs, ce qui se traduit dans les statistiques par une baisse apparente des ressortissants marocains installés en Allemagne (Bouras Ostmann). Au Royaume Uni le nombre de naturalisations accordées aux Marocains s'est stabilisé après avoir culminé à 1500 par an dans la seconde moitié des années 1980. Il est bien évident que ce phénomène se rencontre surtout dans les pays européens où la migration est en majorité familiale. Mais cela ne signifie en rien qu'on ne l'observe que dans les pays d'ancienne immigration marocaine. En Italie, les Marocains sont la communauté étrangère la plus représentée en termes d'attribution de la nationalité italienne (Caruso & Greco) et en Espagne 120.648 Espagnols étaient auparavant Marocains, l'acquisition de la nationalité espagnole par les résidents marocains ayant connu une croissance régulière durant les vingt dernières années avec une moyenne de 852 cas par an entre 1996 et 2011 et un record de 14.000 cas pour 2011 (Khaldi). A souligner que même si la plupart des pays d'accueil ne reconnaissent pas la double nationalité, les Marocains naturalisés ne renoncent pas généralement à leur nationalité d'origine. L'acquisition d'une nouvelle nationalité n'est pas considérée par les concernés ou leurs familles au Maroc comme une trahison, mais plutôt comme une mesure facilitant la vie en Europe (circulation dans l'espace Schengen) et permettant une meilleure insertion.