Aussi protégé par la Constitution peut-il être, un chef de gouvernement ne doit jamais s'abaisser et proférer des propos avilissants, de surcroît sous la coupole de l'hémisphère parlementaire. Avant-hier mardi, M. Abdelilah Benkirane, chef du gouvernement marocain, a franchi le Rubicon en traitant les membres de l'opposition de dévergondage et de luxure, lors de la séance mensuelle sur la politique générale du gouvernement. L'homme, dans son discours défendant le bilan de son cabinet, a vu sa diatribe céder à l'emportement pour proférer des mots qui ont titillé la sensibilité des parlementaires présents. Du moins ceux des partis de l'opposition qui ont montré haut et fort leur colère des propos de M. Benkirane, qui est monté sur ses quatre chevaux en refusant de retirer ses propos diffamatoires. Le brouhaha qui s'en est suivi sous la coupole parlementaire a fini par obliger l'homme du perchoir à suspendre la séance. Ainsi, ni les élus ni les électeurs ne pourront connaître les tenants et aboutissants de la politique générale du gouvernement. Comme stratagème de fuite en avant ou de fuite tout court, on ne peut mieux inventer. Il est vrai qu'à la veille du 1er Mai, les points négatifs de la politique gouvernementale ne se comptent plus. Blocage lors des séances du dialogue social. Refus de l'actuel gouvernement d'appliquer les accords conclus avec le gouvernement précédent. Rejet gouvernemental des revendications sociales consignées dans le cahier revendicatif des syndicats. Et on en passe. Sans omettre les hausses dans tous les domaines qui ont obéré le pouvoir d'achat de la majorité des couches sociales. On se contentera d'énumérer les hausses faramineuses des factures d'eau et d'électricité et celle des prix des hydrocarbures. En opposition, les salaires restent désespérément bas, tellement bas qu'on marche dessus. Au lieu de répondre à tout ça ou faute de pouvoir y répondre, le chef du gouvernement a usé de la coupole parlementaire pour régler des comptes personnels avec les membres de l'opposition. Et pour conclure, choisir la provocation et le clash comme fuite en avant, cela relève de l'affront, pour ne pas dire de l'effronterie.