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ENTRETIEN : Le Professeur Abdelmajid Belmahi, ancien ministre de la Santé et ancien doyen de la Faculté de Médecine et de Pharmacie de Rabat :«Nouveaux médecins : Oui pour un service civique mais dans des conditions favorables»
Publié dans L'opinion le 20 - 10 - 2015

L'accès à des soins de santé de qualité autant que la formation des médecins font actuellement largement débat, animé par une actualité grondant de la colère des étudiants en médecine, qui ne veulent pas se voir imposer un Service Nationale Obligatoire, dont ils dénoncent les conditions d'exercice dans des établissements de santé sous-équipés. Pendant que les responsables du secteur de la santé publique avancent l'argument du manque de personnel qualifié dans les structures de santé éloignées des grandes agglomérations urbaines et se plaignent du manque d'engagement civique des futurs médecins. Les Marocains, face à cette confrontation d'arguments aussi valables les uns que les autres, ne savent plus à quel saint se vouer. Pour éclairer les lecteurs de l'Opinion sur cette question qui dépasse une simple matière d'actualité, puisque la santé concerne continuellement tout un chacun, nous sous sommes adressés au Professeur Abdelmajid Belmahi, très bien placé pour traiter de ce sujet, pour avoir été non seulement ministre de la santé publique, de 1969 à 1972, mais aussi directeur de l'Hôpital Ibn Sina de Rabat, de 1968 à 1969, et doyen de la Faculté de médecine et de pharmacie de Rabat, de 1997 à 2003. Le Pr. Belmahi, qui a également été président de la Conférence internationale des Doyens et Facultés de médecine d'expression française, de 2003 à 2005, est l'auteur d'un ouvrage publié l'année dernière, intitulé « Réformes des études médicales au Maroc ».
Entretien.
L'Opinion : Le sujet d'actualité qui fait marcher dans la rue les étudiants en médecine et laisser perplexe l'opinion publique nationale concerne le Service National Obligatoire et, en filigrane, interpelle sur un autre sujet tout aussi important et sur lequel vous vous êtes personnellement penché, à savoir la réforme des études médicales au Maroc. Que pensez-vous, d'abord, de la problématique du Service National Obligatoire ?
Pr. Abdelmajid Belmahi : Ce qui se passe actuellement, j'y ai fait référence dans l'ouvrage que j'ai écrit en 2014, traitant de la réforme des études médicales. Il y a des difficultés à ce sujet, effectivement, mais cette réforme prévoit de revoir toutes les insuffisances qui existent actuellement, parce qu'on est restés « tel qu'il y a très longtemps », alors que la médecine évolue. Il faut absolument réformer la formation des médecins. Pour cela, je pense que les intéressés, donc les étudiants, les résidents et les internes, puis les décideurs des deux départements de la recherche scientifique et de l'enseignement supérieur et celui de la santé doivent engager un véritable débat où ils mettront tout sur table, discuter sérieusement du point de vue formation, mais aussi du point de vue avenir de ces futurs médecins. Il faudrait qu'il y'ait des concessions de part et d'autre et des discussions très sérieuses. Si on continue de discuter de loin, ça n'arrangera rien. Actuellement, c'est très grave qu'il y ait des étudiants en grève depuis 2 mois, et ceci pour les 5 facultés de médecines que compte le Royaume. C'est grave d'avoir une année blanche, alors que le pays a besoin de médecins. Je pense aussi qu'il y a moyen de revoir, depuis le système d'accès aux études médicales, jusqu'à la sortie, en fin d'études, pour avoir un doctorat en médecine. C'est un véritable parcours du combattant pour un médecin : 14 ans pour être spécialiste. Les médecins qui deviennent spécialistes ont déjà atteint la trentaine. Donc, il y a du gaspillage de temps. Partout, on ne fait que critiquer le médecin actuel et le problème se réduit à sa mauvaise formation, du point de vue du médecin, mais aussi de l'enseignant. Tout ceci est donc à revoir entièrement. Le traité de Boulogne, en 1998, a essayé de définir tous les cursus universitaires. Il s'est adressé particulièrement à la médecine, en essayant de créer une comparabilité entre les établissements, pour pouvoir estimer ce que valent tous les établissements avec leurs nouveaux cursus. Il faut dire que la médecine évolue actuellement, c'est un art évidemment, mais c'est éminemment scientifique. Il faut s'adapter à cette évolution, mais ce n'est pas le cas chez nous.
L'Opinion : Ces jeunes qui refusent de faire leur service national obligatoire, quel message pouvez-vous leur adresser ?
Pr. Abdelmajid Belmahi : Je vous assure que j'ai affecté plusieurs médecins en service, entre 1969 et 1972, et il n'y a eu aucun problème. Ils n'ont jamais refusé, sans savoir que c'était obligatoire, mais juste que c'est une note de service. A ce moment là, il y'avait beaucoup plus de demande que d'offre. Maintenant, ce n'est plus la même chose. En sortant du cadre de l'obligation, les médecins vont un peu partout et doivent accepter le service civique. Tous ces médecins ont été formés par le contribuable, du point de vue infrastructures et formations. Ils doivent au moins rendre aux Marocains ce qu'ils leurs ont donné. Ils ne peuvent le rendre qu'en effectuant un service civique, pendant un certain temps limité, avec des conditions de travail toutefois valables. Il ne faudrait pas qu'on mette un médecin dans un hôpital sous-équipé. Il faut qu'il y'ait un minimum pour pouvoir répondre à toutes les urgences. Le profil d'un médecin qui répond à toutes les urgences a besoin d'un certain nombre de matériels médico-techniques pour pouvoir travailler, mais aussi d'infrastructures valables.
L'Opinion : Avant d'en venir à la réforme, qui va-t-on envoyer dans les petits patelins ?
Pr. Abdelmajid Belmahi : Que les médecins partent dans les petits patelins, ce n'est pas grave, mais il faut absolument leur donner les moyens de travail nécessaires, sans parler d'obligation. Le terme « d'obligation » est négatif. Il faudrait affecter les médecins et leur dire que les Marocains ont besoin d'eux. J'ai fait moi-même plusieurs patelins.
L'Opinion : Il y'a eu dernièrement une réforme des études médicales. Quelle estimation en faites-vous ?
Pr. Abdelmajid Belmahi : Je ne pense pas que ce soit une réforme profonde et bien étudiée à l'avance. Il faudrait qu'y soit impliqués tous les intéressés : les enseignants, les étudiants et les décideurs. Une réforme ne se fait pas avec un seul parti. Il faudrait obtenir un consensus sur cette réforme. L'enseignement en amphithéâtre est de plus en plus abandonné, actuellement. On essaie d'avoir un enseignement qu'on appelle « intégré », en petits groupes. C'est de cette manière qu'on essaye d'inculquer les notions de pratique de la médecine sur un malade, devant le petit groupe d'étudiants. Et au bout d'une heure ou deux, ces étudiants savent de quoi il s'agit vraiment, connaissent mieux la maladie diagnostiquée. Tout ceci peut se savoir et directement, à travers l'auscultation de malades. La médecine n'est pas uniquement le scanner, etc. Un médecin, c'est d'abord un clinicien. Si c'est effectivement le cas, il peut répondre en toute urgence, n'importe quand, n'importe où. Il faudrait que le profil du médecin soit défini par les utilisateurs et il faudrait absolument aboutir à donner à tous les Marocains des soins de qualité. La santé pour tous est un objectif qui a été proclamée, en 2000, par l'OMS. Nous sommes en 2015 et on recule.
L'Opinion : En médecine, après les 7 ans d'études, le médecin doit exercer 7 ans quelque part au Maroc ?
Pr. Abdelmajid Belmahi : Quand un médecin arrive en 7ème année, il prépare une thèse. Pour la médecine générale, on ne peut pas recruter tous les médecins de santé publique qui sont diplômés, car le nombre de postes budgétaires est limité. Entre Rabat et Casablanca, il y a au moins un millier de nouveaux médecins généralistes tous les ans. Avec les 3 autres universités du pays, on arrive à environ 1700-1800 nouveaux médecins par an. La santé publique n'a que 200 postes à pourvoir chaque année pour les médecins généralistes. Ceux qui ne sont pas ainsi recrutés deviennent, le plus souvent, des chômeurs. En tant que profession libérale, un médecin peut toutefois ouvrir son propre cabinet dès sa sortie de l'université.
Pour les spécialistes, il y a la notion de bénévolat. Un spécialiste suit une formation de 3, 4 ou 5 ans. Alors, automatiquement, ceux qui sont bénévoles, on leur donne une petite dotation. On a commis une erreur au départ : à partir de la 2ème année de résidanat, on les a pris comme fonctionnaires. Leur nombre s'accumule et accapare les postes de la santé publique. Alors, automatiquement, ceux qui n'ont pas le bénévolat, ils doivent signer un contrat pour 8 ans. Les 2 années du service civique sont rémunérés 7000 DH, au départ, et 10.000 à 11.000 DH pour les spécialistes. Certains d'entre eux essaieront, grâce à leur conscience approfondie, avec le matériel qu'on leur fournira, aussi sous-performant qu'il soit, de produire comme ils pourront des soins, mais cette situation n'est pas possible. Quand un médecin est envoyé, à la fin de sa thèse, dans une structure de santé, il va avoir comme chef de service celui qui va le former. En 7ème année, on appelle ça un stage interne. Il y a un conflit au départ entre l'étudiant et le chef de service, du fait de pas mal de facteurs. Le stagiaire n'apprendra, donc, rien car il ne sera pas encadré dans le cadre d'une formation universitaire. Ce que je dis dans mon livre sur la réforme des études médicales, c'est qu'il faut absolument abandonner le stage interne de 7ème année car c'est à ce moment là que l'étudiant pourra apprendre de son expérience. Et ces stages devront se faire automatiquement dans des CHU. On est en train de penser actuellement à ouvrir de nouvelles facultés, à Tanger par exemple, où il y'a déjà un nouveau CHU inauguré par Sa Majesté. Ce CHU est le site de formation, s'il est donc prêt, on peut former les étudiants et la faculté pourra naître. Alors qu'ailleurs, le CHU venait après la faculté, donc les étudiants traînent et du point de vue budgétaire, formation, et enseignant, c'est le néant. Et même, par exemple, la faculté d'Oujda a passé 5 ans avec l'hôpital « Farabi » et le CHU n'est arrivé que 5 ans après la création de l'université. Le décalage fait que les enseignants de la faculté d'Oujda partent, que ce soit dans le privé ou le public. Ils quittent déjà des postes. Et du point de vue budgétaire, ils n'ont que 30% de leur budget. C'est un CHU avec 700 lits, donc très peu d'équipements. Comment voulez-vous que ça forme des étudiants ? Le cheval de bataille c'est l'argent, le formateur et les enseignants. Ils ont mis la charrue devant les bœufs.
L'Opinion : A propos de la réforme des études médicales, quelles seraient les grandes lignes d'une réforme la mieux adaptée à nos besoins ?
Pr. Abdelmajid Belmahi : Vous savez, la réforme pour moi était pour engager le débat. Mais j'ai d'abord constater l'état actuel. Nous avons, en 2007, avec Amine, étudié les stages dans les services. Après une enquête approfondie, nous avons constaté que 65% de la formation d'un médecin se fait à l'hôpital et non pas dans la théorie. C'est en examinant les malades tous les jours qu'on apprend à être médecin. Et puis nous avons vu toutes les insuffisances des stages, le manque de matériels médico-techniques même au sein des CHU. Quand on a des étudiants à former, il faudrait qu'ils apprennent à faire tous les gestes de base. Tout ceci s'apprend dans le service, avec le matériel propre à ce service et on n'a pas toujours ce matériel. En 3ème partie, il faudrait revoir l'accès à la faculté de médecine. L'accès à la faculté de médecine se passe en obtenant le baccalauréat d'abord, où on sélectionne les 3000 meilleurs bacheliers scientifiques. Ils passent un concours où 15% doivent réussir. C'est une sorte de deuxième baccalauréat : quand on prépare le concours, il faudrait que 90% se fasse en langue arabe et 10% en langue française. Déjà, au départ, le problème de faire un deuxième baccalauréat à 1 mois d'intervalle n'a aucune valeur. Une fois qu'il intègre la faculté de médecine, tout est en français, tout est déjà préparé, c'est déjà des manipulations scientifiques, etc. Donc ce jeune bachelier n'est pas formé pour entrer en faculté de médecine. Alors ce que je propose c'est que quand vous avez le baccalauréat et qu'on choisit un certain nombre, il faudrait mettre ce nombre dans une faculté de sciences, pour une formation théorique, des éléments de médecines, de la terminologie française et anglaise. La formation se tiendrait en 1 an et c'est à ce moment-là qu'ils deviendront pré-valables. Ils travailleront sérieusement et ils auront des connaissances. Pendant 1 an et demi, au lieu de 2 ans actuellement, ils auraient des sciences pré-cliniques, des soins infirmiers. Les 6 mois qui resteront serviront à entrer déjà dans la formation clinique. En 3ème année, on serait déjà avancés. Ils seront préparés à venir à 8h du matin pendant les stages, à pouvoir donner des soins d'infirmiers. A partir de la 3ème année, il faudrait revoir le programme. La Psychiatrie par exemple est une matière qui est très réduite alors que c'est un aspect de la médecine très important. Certaines spécialités aussi comme l'ophtalmologie et l'ORL doivent être plus développées, en augmentant les horaires, etc. Pour ceci, il faudrait que les chefs de départements et des facultés se réunissent pour définir un programme en fonction des nouveautés, de l'évolution de la médecine. En 6ème année c'est à ce moment là que j'arrête le stage alterné. On envoyait les stagiaires n'importe où sans aucun contrôle universitaire. La faculté les oublie. Ils sont soumis à des médecins chefs de petits hôpitaux, ou même de dispensaires. Ils n'ont aucune formation, ils apprennent de mauvaises habitudes (certificats médicaux, etc.), et puis quand ils reviennent pour passer les examens cliniques, il y'a des « magouilles ». En Europe, à partir de la 6ème année, les étudiants sont soumis à un examen qualifiant. En fonction de leur classement, ils choisissent eux-mêmes les postes qu'ils veulent dans les grands hôpitaux ou dans les hôpitaux régionaux. On définit tous les possibilités. Là, c'est très juste. Chez nous, au lieu de faire ça, j'ai proposé qu'il y'ait un examen semblable à l'examen européen. Ils rentrent tout de suite dans le résidanat pour le préparer. On peut avoir en 9 ans une spécialité en médecine sportive ou médecine du travail, en 4 ans la majorité des spécialités médicales et en 5 ans, la majorité des spécialités chirurgicales. En 11 ans, on peut réussir à former un spécialiste en médecine chirurgicale. Ils peuvent passer un concours en fonction des postes libres du point de vue universitaire, et au bout de 2 ans, ils peuvent devenir professeurs agrégés. 4 ans plus tard, ils peuvent devenir chercheur, etc. Ils peuvent continuer leur cursus comme ceci. Régulièrement, on revient en arrière pour voir tout ce qui se fait du point de vue des nouveautés. La pyramide des âges s'est inversés. 62% de la population marocaine a entre 15 et 59 ans et 9,6% a plus de 60 ans. Il faudrait alors que la gériatrie se développe. Il faut des soins particuliers, il faut parler de la couverture médicale, etc.
L'Opinion : Vous étiez aussi auteur d'autres ouvrages. Pouvez-vous nous en parler ?
Pr. Abdelmajid Belmahi : J'ai écrit le parcours du combattant. Dans ce parcours, j'ai essayé de relater un peu tout ce qui est arrivé. C'est un horizon autobiographique. Il s'est divisé en 2 choses. J'avais un parcours administratif, en tant que médecin. C'est seulement en 2ème partie que j'ai pris le parcours hospitalo-universitaire. J'ai passé ma thèse en Janvier 1963, à Strasbourg. Je suis arrivée au Maroc, j'ai été recruté en Février 1963 dans la médecine publique. J'ai eu la chance d'être à l'hôpital Avicenne. J'y ai passé une année, puis je suis repartie à Strasbourg dans un grand service de chirurgie pour 1 an environ. Et je suis revenue en tant que chirurgien à Avicenne. En 1962, la faculté de médecine de rabat est née. Quand j'ai passé le concours de maîtrise d'assistanat en 1967, j'ai été surpris qu'on m'ait appelé pour prendre la direction de l'hôpital d'Avicenne de 1968 à 1969. J'étais le 1er marocain à avoir été nommé à ce poste. A ce moment-là, j'ai trouvé tous les médecins qui arrivaient de l'étranger, qui voulaient donner leur maximum. Ils ont tous été avec moi. On a travaillé ensemble pendant 2 ans de manière extraordinaire. Nous avons même réussi à avoir un excédent budgétaire à la fin de mes 2 ans. Et ça a beaucoup plu. En Juillet 1969, on m'a nommé en tant que ministre de la santé. Et là, pendant presque 3 ans, j'ai défini ce qu'il fallait faire. Et quand j'ai été nommé, Hassan II, m'a autorisé à opérer une fois par semaine pour continuer à contribuer au service. Le Samedi matin, je faisais une visite des malades que j'opérais. Mais au ministère, il y'avait que des médecins chef français. A ce moment-là, j'ai nommé des marocains, et on m'en a beaucoup voulu. J'ai marocanisé le système du point de vue chefferie dans les différents hôpitaux. En 1971, nous avons organisé une circoncision nationale en effectuant plus de 40.000 circoncisions sans aucun accident. Le lendemain, le 4 Mars, le roi a demandé à décorer tous les médecins-chefs. La 3ème chose, en tant que ministre, j'ai eu le choléra. A Nador, en pédiatrie, 4 enfants sont morts et on a suspecté directement le choléra. Nous avons décidé de fermer la frontière car ça venait d'Espagne. Nous avons vacciné 11 millions de marocains gratuitement. L'institut pasteur nous a envoyé tous les vaccins. J'ai déclaré que le vaccin était gratuit et que tous les dispensaires et tous les marocains allaient accéder au vaccin. C'était mes 3 actions au sein du ministère.
La deuxième partie du livre s'agit du parcours hospitalo-universitaire. Je suis revenue, j'ai été un peu retardée de presque 2 ans car les collègues qui avaient passé le même concours que moi étaient déjà agrégés. Mais j'ai joué le jeu. A ce moment-là, quand j'ai passé l'agrégation en Septembre 1973, je suis entrée vraiment dans la faculté. J'ai enseigné pendant plus de 15 ans. A partir de 1990, nous avons commencé à préparer tous les cursus du résidanat. En 1996, nous avons lancé une vingtaine de spécialités. En 1997, j'ai été nommée doyen de la faculté de médecine. J'y suis restée de 1997 à 2003. Et c'est là où j'ai essayé de les réveiller, d'intégrer des réformes. C'est à cette époque que j'ai essayé d'introduire l'enseignement intégré. Je l'ai fait en 1ère année, où tous les étudiants sont là à 8h. De 8h à 9h il y'a un cours avec tous les spécialistes qui passent, avec un malade examiné devant eux. On apprend comment examiner le malade, comment l'interroger, etc. Déjà en 1ère année, ils sont en contact avec les malades et avec les signes des maladies. Au cours de cette année, il y'a déjà une progression et une formation sur place. A partir de la 2ème année, ça devient encore plus important de ce point de vue là. En 1999-2000, nous avons donné le 1er diplôme de spécialiste à la 1ère promotion de résidanat au Maroc. Toutes les autres facultés ont suivi le même parcours. En 2002, on nous avait demandé ce qu'on pensait des temps plein aménagés. Les temps plein aménagés intramuros étaient inconcevable. Les enseignants sont payés correctement car ils ont la santé publique et l'enseignement supérieur. Donc ils ont un avantage par rapport aux enseignants des autres facultés. Un enseignant-chercheur est bien payé. Je me suis réuni avec les ministres pour m'opposer aux TPA car c'est ce qui a fait baisser la formation des médecins. Le médecin laisse ses étudiants et s'en va à ses urgences. Ça devient automatique et on abandonne l'enseignant et devient esclave des cliniques privées. La médecine est une profession libérale et celui qui veut quitter l'enseignement doit le dire. Le Départ Volontaire a dénudé la faculté. Dans le service de la pédiatrie, il y'a eu, le même jour, le départ de 10 pédiatres chefs de service, tous les anciens. Les jeunes ont pris la place mais la pédiatrie demande beaucoup de sagesse, de formation, pour réussir à dominer le domaine. Le TPA et le départ volontaire ont fait qu'il n'y ait plus d'enseignants valables. La formation donc en souffre et en souffrira toujours. L'argent dépensé dans les départs volontaires auraient pu servir à améliorer la formation, les infrastructures. Tous les départements ont perdu les meilleurs cadres.
L'Opinion : L'opinion publique nationale a la forte impression qu'il règne une grande anarchie dans ce secteur d'activité. Comment peut-on avoir des médecins qui chôment alors que le taux de médecins par habitant est faible ? Comment parler d'acquisition d'instruments de haute technologie alors le Maroc est très mal noté, en matière d'accès aux soins de santé, ce qui abaisse d'autant son classement pour l'Indice de développement humain ?
Pr. Abdelmajid Belmahi : Du point de vue statistique, il y'a des disparités géographiques nationales. Plus vous vous éloignez des axes où il y'a de l'argent, plus vous augmentez ce manque. Au Maroc, il faudrait parler du pouvoir d'achat qui entre en jeu. Si on a un médecin valable dans un coin qui accueille 5000 habitants, c'est correct. Nous avons 20.000 médecins disponibles au Maroc mais certains d'entre eux n'ont même pas les moyens de s'installer, ils sont obligés de tenir des petits commerces pour pouvoir subvenir à leurs besoins et ceux de leurs familles. Certains médecins ont pour but ultime d'avoir le maximum de patients par jour, auxquels ils ne consacrent que 5 à 10 minutes de consultations. D'autres prennent sérieusement le temps de consulter chaque patient, de l'écouter, de le diagnostiquer avec beaucoup de rigueurs, et se retrouvent à avoir un maximum de 10 patients par jour. Il faudrait avoir cette précision et donner cette valeur aux patients. Les certificats médicaux sont tarifés aussi. Il faut absolument redonner à la médecine ces lettres d'or et ça ne peut passer que par la qualité des soins qu'on donne aux marocains, sans exception. Il faudrait absolument aboutir à ça, à enseigner les valeurs.


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