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Entretien avec Philipe Forset : Forces et Limites de l'écriture de soi
Publié dans L'opinion le 07 - 05 - 2016

Depuis 1995, Philippe Forest enseigne à l'université de Nantes où il est professeur de littérature. Il est l'auteur de nombreux essais consacrés à la littérature et à l'histoire des courants d'avant-garde. on peut citer à titre d'exemple :Le Mouvement surréaliste, Vuibert, 1994 ;Textes et labyrinthes : Joyce, Kafka, Muir, Borges, Butor, Robbe-Grillet, éd. Interuniversitaires, 1995 ;Histoire de Tel Quel, Seuil, 1995 ; Oé Kenzaburô, Pleins Feux, 2001 ;Le Roman, le je, Pleins Feux, 2001 ;Le Roman, le réel et autres essais (Allaphbed 3), Cécile Defaut, 2007 ;Retour à Tokyo (Allaphbed 7), Cécile Defaut, 2014 :Aragon, Gallimard, 2015. Il est l'auteur des romans suivants . L'Enfant éternel (Prix Femina du premier roman), Gallimard, 1997 ; Folio, 1998 ;Toute la nuit, Prix Grinzane Cavour 2007, Gallimard, 1999 ;Sarinagara (Prix Décembre), Gallimard, 2004 ; Folio, 2006 ;Le Nouvel Amour, Gallimard, 2007 ;Le siècle des nuages, (Grand Prix littéraire de l'Aéro-Club de France 2011, Grand Prix littéraire de l'Académie de Bretagne et des Pays de la Loire 2011) Gallimard, 2010 ;Le Chat de Schrödinger, Gallimard.
*Serge Doubrovsky a créé le néologisme d'autofiction en 1977 pour définir sa propre pratique de l'écriture et remplir « la case » vide dans laquelle l'auteur délègue un personnage fictif ayant le même nom, pour raconter sa vie personnelle. Pourquoi le terme ne cesse de susciter des controverses et de désigner un lieu d'incertitude ?
Si le terme suscite en effet des controverses, c'est qu'il va à l'encontre du sens commun et a un peu les allures de l'oxymore ou du paradoxe. D'ordinaire, on oppose roman et autobiographie car ces deux genres apparaissent comme incompatibles. Le premier revendique son caractère fictionnel. Le second revendique son caractère véridique. Or l'autofiction proclame en même temps : « Tout est faux ! » et « Tout est vrai ! » Cela perturbe les catégories habituelles. Mais c'est là, bien sûr, que réside tout l'intérêt de la chose. L'autofiction fait apparaître quel perpétuel mouvement de vases communicants met en relations le vrai et le fictif de sorte qu'ils se transforment réciproquement l'un en l'autre : le vrai se transforme en fiction, la fiction se fait vraie. Il n'y a là rien de très nouveau. On ne fait que redécouvrir le propre de la littérature telle qu'elle s'exprime dans toutes les œuvres et à toutes les époques.
Le terme est utilisé en guise de « mode » dans d'autres espaces de communication (presse, cinéma, télévision, bande dessinée ...). Est-ce que vous ne voyez pas que son entrée en usage pourrait finir par le détériorer à force de s'en servir à long et à travers ?
Il est vrai que l'autofiction est également devenue un phénomène de mode qui, parfois, apparaît comme l'expression pseudo-littéraire d'une culture du divertissement planétaire qui se répand un peu partout et que la télévision et l'internet porte à son paroxysme à l'ère du talk-show, et du reality-show, de facebook et autres réseaux sociaux. Chacun se met lui-même en spectacle et croit affirmer sa propre personnalité alors qu'il ne s'agit que de se conformer aux idéaux creux et interchangeables que vise à nous imposer l'idéologie du spectacle. « Je » est partout mais il n'existe plus qu'à la manière d'un avatar numérique ou bien une image publicitaire. L'autofiction telle que je la conçois n'est aucunement l'extension littéraire de facebook. Plutôt : un antidote possible qui dissout le narcissisme consumérisme dans une pensée plus inquiète, plus complexe, plus subversive de soi et de la vie.
Jean Baudrillard à écrit un livre intitulé « Simulacre et Simulation » en 1981 pour affirmer à travers sa démonstration que le faux semblant a remplacé le sujet original auquel se rapporte et que le « produit » l'a emporté sur « l'authentique ».
*Est-ce que vous ne voyez pas que le projet autofictionnel est un vrai simulacre qui cache la réalité et que « l'illusion, selon l'affirmation de Baudrillard, n'est plus possible parce que le réel n'est plus possible »
Est-ce que vous ne voyez pas que nous affrontons aujourd'hui l'impossibilité de trouver un niveau absolu du réel ? et que les textes littéraires ne sont que des « mythes » artificialisés pour effacer la mémoire et la réalité des hommes.
Peut-on considérer le projet autofictionnel comme une écriture postmoderne. Il ne s'agit plus d'imitation, ni de redoublement, mais d'une substitution au réel des signes du réel, d'une copie sans original tout en brouillant les repères entre l'image et ce qu'elle représente ‘ ce qu'elle simule » ?
Tout en me situant très loin de lui à bien des égards, j'ai une très grande admiration pour Baudrillard – qui me semble avoir été aujourd'hui un peu oublié alors qu'il est certainement le penseur le plus perspicace de notre présent. Ce qui ne signifie pas pour autant qu'il ait raison sur tout ! Il a formidablement décrit la mutation que nous sommes en train de vivre : la dissolution du réel dans le virtuel, la substitution d'une esthétique de la simulation à une esthétique de la représentation. Avec tout ce que cela implique : la production en série du faux-semblant, le triomphe de la réplique sur l'original. On appelle cela, en général, le post-moderne. Mais je m'inscris en faux contre une telle conception du monde. Le réel ne disparaît pas. Il est même ce qui toujours revient. C'était la définition qu'en donnait Lacan – qui ajoutait de lui qu'il est l'impossible. Ce qui fait que nous n'avons accès à lui qu'à travers les représentations que nous fabriquons, les fictions que nous façonnons et au sein desquelles l'expérience du réel – celle dont parle Bataille- vient toujours ouvrir le creux, la fissure, le précipice où la vérité s'éprouve sur le mode du vertige. Je suis convaincu qu'il en a toujours été ainsi. Je n'appréhende pas du tout l'autofiction à la manière d'un exercice post-moderne. Bien sûr, il s'agit de montrer comment la réalité se donne toujours à nous sur le mode de la fiction mais, en même temps, il s'agit autant de montrer que la fiction ne vaut que dans la mesure où elle nous permet de répondre à l'appel que le réel nous adresse, de nous témoigner de la vérité qui seule donne son sens à la littérature.
*Comment distinguez vous le terme d'autofiction d'autres termes qui confinent au même domaine ( la littérature personnelle), notamment la non-ficion, la surfiction, l'autonarration , l'autofabulation ?
4-Comment peut on aboutir à délimiter les frontières entre l'autofiction , roman autobiographique et récit personnel.
5-Peut-on considérer l'autofiction comme un genre bien défini ou tout simplement un projet d'écriture ?
Franchement, toutes ces questions ne m'intéressent pas. Le formalisme n'a jamais rien eu à dire de l'expérience. Etablir des nomenclatures, dresser des tableaux, définir des genres, tracer des frontières, préciser un vocabulaire est une activité à laquelle aiment se consacrer les universitaires – et particulièrement : ceux qui travaillent en France sur l'autofiction. Pour ma part, je m'en tiens à la définition que j'ai donnée plus haut et qui me suffit. Les seules œuvres littéraires intéressantes sont celles qui échappent aux classifications scolaires dans lesquelles on tente de les enfermer – d'ailleurs : toujours en vain. L'autofiction n'est pas un genre. Le mot sert seulement pour autant qu'il rappelle que la vraie littérature se situe toujours quelque part entre les définitions qu'on en donne.
 *Vous êtes un connaisseur de la littérature japonaise eu égard aux œuvres que vous lui avez consacrée.
Quelle est la spécificité de Watakushishōsetsu ?
Quels sont les thèmes prépondérants sur lesquels penchent les écrivains japonais ?
Comment se manifeste la Beauté des contresens dans la littérature japonaise ?
Sans en être un spécialiste, j'ai commencé à m'intéresser à la littérature japonaise il y a une quinzaine d'années et je crois avoir notablement contribué au regain d'intérêt, qu'après Barthes et Butor, elle connaît désormais parmi les écrivains et les critiques français. Au point qu'on pourrait parler d'une mode, d'un nouveau « japonisme ». J'ai notamment attiré l'attention sur le « watakushishôsetsu » - littéralement : le roman du Je- né au début du XXe siècle au Japon de l'influence de la modernité romanesque occidentale telle qu'elle s'est exercée sur la tradition proprement japonaise de l'écriture personnelle telle qui y existait depuis l'âge classique. J'ai essayé de montrer quel avantage il y avait à penser ensemble le watakushishôstetsu et l'autofiction pour sortir des cadres routiniers et exigus à l'intérieur desquels on appréhendait en France la question des relations entre le roman et l'autobiographie. Le premier texte que j'ai écrit sur cette question date de 1999 et emprunte son titre à un passage célèbre du Contre Sainte Beuve où Proust déclare que tous les beaux livres sont écrits dans une langue étrangère et que, les lisant, on commet nécessairement des contresens. Mais, peu importe, ajoute-t-il, car dans un beau livre, tous les contresens que l'on fait sont beaux. C'est une vérité qui s'applique à toute littérature mais qui vaut particulièrement lorsqu'on se tourne vers une littérature aussi étrangère que l'est la littérature japonaise pour un lecteur français.
Suite vendredi prochain


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