Le journal, ça veut dire quoi ? C'est un bon cheval que l'on monte sans selle, un cheval qui rue parfois dans les brancards, un cheval qui finit par se casser la gueule sur les obstacles de la vie, le journal est le sosie de sésame qui nous entrouvre les portes de ses grottes secrètes où s'entassent les lingots d'or, les trésors de l'imaginaire. Il arrive à Sésame quand les conneries de la vie l'écœurent de prendre son envol sur son ULM- pour envoyer paitre ce bas monde pour contempler de là-haut la beauté de la terre et même les tombes des morts oubliés. Il nous ballade sésame, l'ange énigmatique au dessus de nos rêves et des iles fantasmagoriques, vas-y sésame, lubrifie mes mots, les mots de mon stylo constipé, garde tes secrets, moi je n'en ai pas même si j'ai envie de les enterrer au cimetière de Sebab d'Azrou. Ce jour là, le bleu du ciel est splendide, le soleil doit s'agenouiller devant les lumières venues du fond de l'univers, les caravanes des nuages progressent avec lenteur, elles sont sourdes aux S.O.S de la nature qui meurt de soif. Je regagne Kénitra, et ma jolie maison où les fleurs et les grenades déjà mûres me lancent des youyous, je me sens bien dans ce coin vert qui est comme moi en liberté provisoire, je m'y sens bien au point de me demander parfois si je ne suis pas un sale égoïste alors que les voisins de l'immeuble d'en face font du surplace à l'intérieur des murs aveugles de leurs cages étroites. Ce qui me réchauffe le cœur, ce sont les éventails que les gosses agitent du cinquième étage pour faire des coucous à mon chien, à moi aussi et sans m'en rendre compte, il m'arrive de lever le regard pour embrasser l'innocence et d'avoir envie d'inviter les oiseaux à s'envoler pour venir jouer à la corrida dans mon petit jardin. Les voisins seraient les bienvenus, ils feraient partie de la fête en lançant à la jeunesse les holé holé de la joie. J'espère que je continuerai, avec mon optimisme à la noix, à profiter des années qui me restent encore à vivre car je le sais bien, dans quelques années, rien ne subsistera, les fleurs, les beaux arbres et les souvenirs s'évanouiront dans les labyrinthes du temps, les arbres et les fleurs finiront par crever comme mon corps au fond de sa tombe. Un autre immeuble finira par jaillir du fond du jardinet de ma petite demeure paradisiaque, le nouveau gratte-ciel cachera les rayons du soleil à mes voisins, les prisonniers du ciel. On nait, on gobe quelques moments de bonheur sur terre, on souffre on meurt et on finira par nous oublier comme disait AlbertCamus. (Ifrane ; Azrou, 16 octobre 2016)